vendredi 13 septembre 2019

« Robert Frank - L'Amérique dans le viseur », par Laura Israel




Né en Suisse en 1924 d’un père allemand juif, Robert Frank est un photographe, un streetphotographer, cinéaste documentariste majeur du XXe siècle. Il est décédé le 9 septembre 2019. « Robert Frank - L'Amérique dans le viseur » (Blicke in die Seele Amerikas - Der Fotograf Robert Frank ; Don't blink - Robert Frank) est un documentaire réalisé par Laura Israel. 


« Je fais toujours les mêmes images. Je regarde toujours l’extérieur pour essayer de regarder l’intérieur, pour essayer de trouver quelque chose de vrai mais peut-être rien n’est-il jamais vrai », a confié Robert Frank.



« Figure marquante de la photographie de la seconde moitié du XXe siècle, Robert Frank a fait de l'image le matériau premier de sa créativité. Compagnon de route du mouvement beatnik, auteur de l'ouvrage culte « Les Américains », il se livre avec générosité et humour dans ce portrait passionnant ».

Entre Europe et Amérique
Robert Frank est né à Zurich en 1924. Décorateur juif allemand, son père Hermann a quitté Frankfort après la Première Guerre mondiale, et est déchu de sa nationalité allemande en 1941 par les Nazis. Apatride, il obtient la nationalité helvétique en 1945.

Robert Frank « se passionne très jeune pour la photo, que son père pratique en amateur ». En 1941, il se forme auprès du photographe et graphiste Hermann Segesser qui lui fait connaitre l’art de Paul Klee.

De 1942 à 1944, Robert Frank complète sa formation auprès de Michael Wolgensinger.

Son portfolio 40 photos témoignage de son regard curieux sur la Suisse.

Avec son Rolleiflex, Robert Frank photographie l’Europe dévastée de l’après-guerre.


« Bien qu‘installé aux États-Unis depuis 1947, Robert Frank continue à faire la navette entre l’Europe et New York de 1949 à 1952. La majorité des œuvres exposées en 2009 au Jeu de Paume en ont été prises à cette époque, dans le Paris d’après-guerre ; certaines ont été tirées spécialement à l’occasion du présent accrochage. La rue en est le thème central. Le regard du photographe alterne entre les passants, les lieux et les objets. Frank s’inscrit dans la tradition baudelairienne du flâneur qui observe le spectacle des rues au gré de ses déambulations. Ses premières expériences américaines semblent avoir aiguisé son regard sur la vieille Europe, et il est conscient du caractère éphémère de ce qu’il y voit. Les prises de vue des boulevards, des jardins publics et des vendeurs de rue évoquent les célèbres photos documentaires réalisées à Paris par Eugène Atget (1857-1927). Frank saisit les gens dans la subtilité de l’instant : perdus dans leurs pensées, debout, au milieu de la foule ou assis dans le métro, prostrés sur un banc ou lovés sur une pelouse. Il choisit différentes perspectives : des vues en plongée, des angles très profonds ou des photographies de passants prises par dessus l’épaule, ce qui donne une forte présence au motif tout en plaçant le spectateur au cœur de l’image. Les photos parisiennes de Frank se présentent déjà comme un récit visuel – non pas comme une histoire, mais comme une multitude d’instantanés qui nous invitent à porter un regard plus attentif sur la fin d’une époque ».

Il se rend aux Etats Unis en 1947. Il gagne sa vie comme photographe de mode pour le célèbre magazine « Harper's Bazaar » avant de prendre son indépendance ».

Il voyage en Amérique du Sud et en Europe.

De retour aux Etats-Unis en 1950, il rencontre Edward Steichen et participe à l’exposition collective 51 photographes américains au Musée d’art moderne (MoMA). Il épouse Mary Lockspeiser, le couple a deux enfants aux destins tragiques et se sépare en 1969.

Photojournaliste, Robert Frank collabore à McCall's, Vogue et Fortune.

Avec Saul Leiter et Diane Arbus, il s’illustre dans The New York School of photographers (Jane Livingston).

Grâce à une bourse de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation, il parcourt en famille les Etats-Unis et en saisit la société et ses tensions, des vies quotidiennes monotones d’anonymes, des paysages tristes et vastes. Son projet « d’étude visuelle d’une civilisation », soutenu par Walker Evans, Alexey Brodovitch, Edward Steichen, Alexandre Liberman et Meyer Shapiro. Dans une petite ville d’Arkansans, il affronte l’antisémitisme. « Lorsque les gens regardent mes photos, je voudrais qu’ils éprouvent la même chose que quand ils ont envie de relire les vers d’un poème », a déclaré en 1951 Robert Frank.

« Encouragé par son aîné Walker Evans, l'Américano-Suisse Robert Frank laissera sa trace dans l'histoire de la photographie. Pour lui, tout commence avec « Les Américains », son premier livre ». Publié en 1958 en France par Robert Delpire et en 1959 aux Etats-Unis, « l'ouvrage réunit 83 clichés, savamment choisis parmi les » 28 000 « qu'il a collectés au fil des trente étapes d'un long périple à travers les États-Unis ». « La liberté du style, très direct et qui tourne le dos aux canons de l’esthétique traditionnelle, est comparable à celle des écrivains de la Beat Generation – qu’il ne connaît pas encore mais qui deviendront bientôt ses amis –, et évoque également les procédés d’improvisation du jazz. Les lieux et les visages pris à la volée sont souvent flous, la composition est parfois décentrée, comme si, en allant très vite, le motif était seulement balayé du regard. La fréquence et la profondeur des noirs creusent les images, créant un facteur d’abstraction et un tempo qui les lie en profondeur », analysait le Jeu de Paume.

« Compagnon de route du mouvement beatnik, ami d'Allen Ginsberg et de Jack Kerouac, Robert Frank  a fait de l'image le matériau premier de sa créativité ».

L’Art Institute of Chicago présente en 1961 Robert Frank: Photographer, première exposition individuelle.

« Comme photographe, mais aussi comme cinéaste, puisqu'il a réalisé entre 1959 et 2009 plus d'une vingtaine de films, courts métrages et documentaires expérimentaux » : Pull My Daisy (1959) écrit par Kerouac, Cocksucker Blues (1972) sur les Rolling Stones.

« Les visages sont plus intéressants que les paysages, alors je me suis concentré pour me rapprocher des gens », précise le photographe, lorsqu'il raconte la genèse de son deuxième « road trip », effectué après plusieurs mois passés au Pérou. Saisis dans la banalité du quotidien, ses portraits d'hommes et de femmes, travailleurs modestes des villes et des campagnes, ont donné chair aux grands oubliés du rêve américain de l'après-guerre. « À l'époque, rappelle-t-il, la plupart des critiques ont été assez méchants. Ils ont dit : « Ce type doit haïr l'Amérique pour photographier des gens comme ça. » [...] J'étais un chasseur. Un chasseur d'images ; ce voyage m'a appris à l'aimer. »

Dès 1972, Robert Frank procède à des photomontages.

« Mêlant de nombreuses archives d'interviews et d'extraits de films, le beau documentaire que lui consacre Laura Israel balaye soixante-dix ans d'une carrière bien remplie. Il s'appuie surtout sur de passionnantes rencontres avec l'artiste. Interrogé chez lui, à New York et dans son repaire canadien de Mabou, en Nouvelle-Écosse, le facétieux nonagénaire puise dans ses albums et ses caisses d'archives pour commenter, avec humour et gourmandise, une œuvre foisonnante et inclassable ».
  
Etats-Unis, 2013, 52 min
Sur Arte le 11 juillet 2017 à 1 h, le 19 février 2018 à 23 h 35 

Visuels
Portrait du photographe et réalisateur américain Robert Frank
© D.R.
Le photographe américain Robert Frank
© Ed Lachman
Le photographe américain Robert Frank
© Lisa Rinzler
Autoportrait de Robert Frank
© Robert Frank
Appareils photo du photographe et réalisateur américain Robert Frank
© Lisa Rinzler
Le photographe Robert Frankdans son atlier de New York
© Lisa Rinzler

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Les citations proviennent d'Arte et du Jeu de Paume. Cet article a été publié le 10 juillet 2017, puis le 17 février 2018.

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