vendredi 19 août 2022

« Visages de l’exploration au XIXe siècle. Du mythe à l’histoire »

La Bibliothèque nationale de France (BnF) présente
, pour le bicentenaire de la Société de géographie, l’exposition « Visages de l’exploration au XIXe siècle. Du mythe à l’histoire ». « Fondée à Paris le 15 décembre 1821, la Société de géographie est un acteur majeur dans l’encouragement aux voyages de découvertes et la diffusion des connaissances géographiques. Tout au long du siècle elle accompagne les explorateurs, dirige leurs travaux et publie leurs résultats. À travers la présentation de carnets de notes et de croquis, cartes et photographies, instruments de mesure, objets et spécimens collectés sur le terrain, le parcours proposé aux visiteurs met particulièrement en valeur toutes les figures – femmes exploratrices, guides, interprètes, etc. – qui ont été les actrices et acteurs invisibles dans le récit et l’iconographie officiels de l’exploration européenne. »


« La Bibliothèque nationale de France célèbre le bicentenaire de la Société de géographie, dont elle conserve les archives, en consacrant une exposition à l’exploration au XIXe siècle ». 

« S’appuyant sur le fonds exceptionnel de la Société de géographie et sur d’importants prêts extérieurs (musée du Quai Branly, Muséum national d’Histoire naturelle, musée de l’Armée, musée Guimet, etc.), l’exposition rassemble carnets de notes et de croquis, cartes et photographies, instruments de mesure, objets et spécimens collectés sur le terrain... soit près de 200 pièces qui permettent d’offrir un nouveau regard sur la curiosité savante et les « découvertes » de l’époque. Le parcours proposé aux visiteurs met particulièrement en valeur toutes les figures - femmes exploratrices, guides, interprètes, etc. - qui ont été les actrices et acteurs invisibles dans le récit et l’iconographie officiels de l’exploration européenne. »

« L’exploration fut, pour les Européens du XIXe siècle, un horizon d’attente aux enjeux multiples : faire avancer les connaissances géographiques, nourrir des savoirs comme l’anthropologie ou l’archéologie, mais également évaluer les richesses exploitables, à l’heure de l’expansion des empires coloniaux ». 

« Dans l’histoire de la rencontre des Européens avec le reste du monde, la figure de l’explorateur est au centre d’un récit héroïque, diffusé par la littérature d’aventure, l’imagerie populaire et, plus tard, le cinéma ». 

« À cette époque se construit une mythologie de l’exploration fondée sur plusieurs idées reçues : la figure de l’explorateur, voyageur solitaire, seul collecteur et créateur de savoirs, le fantasme de territoires explorés vierges de toute histoire et de tout habitant, le rêve d’une connaissance intégrale, objective et désintéressée, de tous les « ailleurs » géographiques ». 

« L’exposition Visages de l’exploration au XIXe siècle. Du mythe à l’histoire confronte cette mythologie à la réalité du terrain. Elle est l’occasion de donner à voir des parcours trop longtemps passés sous silence, ceux de femmes exploratrices, d’explorateurs non-européens, d’intermédiaires, de guides, d’interprètes qui jouèrent un rôle crucial dans le mouvement exploratoire, même s’ils ont été oubliés du grand récit ». 

« En proposant une histoire matérielle des voyages, incarnée sur le terrain par une multiplicité d’acteurs et d’actrices, cette exposition fait également émerger un autre récit, celui des différentes formes d’appropriation du monde à l’époque coloniale ». 

« Elle témoigne de l’imbrication des pratiques d’exploration scientifique et des opérations de conquête territoriale, qui, sans être systématique, fut une réalité. »

« La scénographie de l’exposition s’organise autour des trois temps de l’exploration : la préparation savante du voyage, les pratiques de terrain puis la mise en récits et en images au retour du voyageur. Carnets de voyages, cartes, photographies et objets collectés ou pillés permettent de rendre compte des réalités quotidiennes de l’exploration, au-delà de la fascination qu’exerce l’attrait de l’ailleurs, au XIXe siècle comme de nos jours. » 

« Pour chaque étape sont mises en avant les contributions des acteurs non-européens de l’exploration : souverains égyptien ou siamois commanditant des explorations, voyageurs africains parcourant le continent, guides, interprètes, porteurs constituant les intermédiaires indispensables à la réalisation de l’entreprise collective qu’était en réalité l’exploration. » Parmi eux : des juifs dont l’aide s’avère précieuse.

« Le visiteur rencontrera ainsi, aux côtés des figures connues de Brazza, Gallieni, Dumont d’Urville ou Charles de Foucauld, Gabrielle Vassal et Octavie Coudreau, Joseph Martin et son guide toungouse, l’explorateur peul El-Fellati, le lettré Nain Singh, l’ancien esclave Apatou accompagnant Jules Crevaux en Amazonie, et bien d’autres. »

« Des reconstitutions scénographiques permettent, par une approche immersive, de retrouver le quotidien des explorations : imaginer un géographe parisien dans son cabinet de travail, se retrouver au coeur d’un campement d’explorateur au milieu du Sahara, retrouver l’atmosphère d’une exposition ethnographique d’objets sibériens, ou même assister à une conférence-projection comme un membre de la Société de géographie. » 

Le commissariat est assuré par Hélène Blais, professeure des universités, École Normale Supérieure - PSL (Paris), et Olivier Loiseaux, conservateur général, BnF, département des Cartes et plans.

Interview des commissaires
Hélène Blais et Olivier Loiseaux

« Pourquoi une exposition sur l’histoire des explorations à la BnF ? 
Hélène Blais : La célébration du bicentenaire de la Société de géographie, dont les fonds sont en dépôt à la BnF, est un magnifique prétexte pour relire toute l’histoire de l’exploration au XIXe siècle à l’aune des questions nouvelles qui sont posées par les historiens des savoirs et des explorations sur les figures d’intermédiaires, de passeurs. Ce renouvellement historiographique a permis d’interroger un récit très européocentré de l’exploration. Pendant longtemps, l’explorateur européen, incarné le plus souvent par un jeune homme blanc, que l’on connaît bien par toute la littérature populaire, les romans de Jules Verne par exemple, a rendu invisibles d’autres visages de l’exploration, d’autres traditions de voyages. L’intention de l’exposition est de donner à voir la richesse et la multiplicité des acteurs enrôlés dans l’aventure, en s’attachant à l’inscrire dans le contexte politique, notamment impérial et colonial, qui marque une grande partie de l’histoire mondiale du XIXe siècle. 
Olivier Loiseaux : En effet, la Société de géographie a été créée en 1821 avec notamment pour buts d’encourager les découvertes géographiques et d’accompagner les voyageurs dans leurs expéditions. Elle a parrainé de nombreux explorateurs, dirigé leur regard notamment par la rédaction d’instructions. Elle a aussi analysé, compilé et mis en forme les résultats de leurs voyages avant leur publication. 
« Visages de l’exploration au XIXe siècle » veut aussi montrer les différentes facettes de l’entreprise exploratoire. Le voyage d’exploration n’est pas seulement cette entreprise désintéressée visant à la découverte des mondes inconnus des Européens, à l’accroissement des connaissances géographiques. D’autres motivations - politiques, commerciales - entrent en jeu. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, il y a clairement une imbrication entre mission d’exploration et appropriation territoriale. Joseph Gallieni qui conduit plusieurs missions entre 1880 et 1900 au Soudan, au Tonkin et à Madagascar incarne parfaitement ce volet de l’exploration où se mêlent découvertes géographiques et conquête coloniale.

Les historiens se sont intéressés par exemple à la manière dont les explorateurs entraient en contact avec des sociétés et des acteurs locaux…
H.B. : Oui, on peut par exemple voir dans l’exposition un cliché de Mohamed El Fellati, rencontré par des Français en 1892 à Tunis, alors qu’il était en route pour le pèlerinage à La Mecque. Il fournit alors à ses interlocuteurs des informations précieuses sur le Soudan de l'époque. Il sera par la suite employé pour une mission secrète vers le Royaume du Sokoto, financée par la Société de géographie, parce qu'il était le plus à même de pénétrer dans des zones trop dangereuses pour des explorateurs européens. Considéré par les Français comme un simple « informateur », c’était en réalité un lettré, médecin, avec un bagage culturel très important, qui a participé pleinement à cette connaissance en construction. Il existe de très nombreux exemples de ces guides ou compagnons de voyages qui ont fait fonction de passeurs, de facilitateurs et qui ont mis leur savoir au service de l’exploration, de façon plus ou moins contrainte. La plupart d’entre eux sont restés dans l’ombre de l’histoire de l’exploration, ce qui était une façon de leur dénier une connaissance propre et une participation active à ces savoirs. 
Cette exposition tente d’opérer des déplacements dans l’histoire de l’exploration, et de redonner des visages et des individualités à tous ceux qu’on a eu tendance à oublier, en cherchant dans les sources des traces de cette histoire commune.

En terme de scénographie, comment mettrez-vous en valeur ces visages oubliés ?
O.L. : La scénographie de l’exposition s’organise autour des trois temps qui marquent chaque voyage d’’exploration : la préparation, le terrain et le retour. Le premier temps est la préparation personnelle du voyageur mais aussi l’environnement institutionnel et savant qui l’accompagne : car l’explorateur a besoin d’une caution scientifique et part souvent missionné par une institution ou par la puissance publique. 
Le second temps est celui du terrain. Cette partie centrale de l’exposition est à la fois un tour du monde géographique, un panorama des différentes pratiques de terrain, des modes d’enregistrement de l’information : cartographie, dessin, photographie, moulage... et la démonstration de l’éventail des disciplines impliquées dans l’exploration : géographie, archéologie, anthropologie et ethnologie, linguistique, histoire naturelle. 
Le troisième temps est le retour du voyageur avec la compilation et la mise en forme des résultats, le passage du carnet de voyage au document publié, la constitution de grandes sommes scientifiques. C’est le temps de la diffusion des résultats qui passe en particulier par l’image de ces mondes lointains. L’exposition s’achève ainsi sur une séance de projections photographiques, semblable à celles qui servaient à illustrer les conférences de la Société de géographie.
Cette exposition nous a donné l’occasion de porter un nouveau regard sur les archives que nous conservons et de faire émerger, aux côtés des grandes figures de l’exploration, des acteurs insoupçonnés, des visages oubliés, des parcours méconnus : l’expédition du capitaine Sélim envoyée par Méhémet Ali sur le Haut-Nil, les voyages au Ouadaï et au Darfour de Mohammed El-Tounsy, la reconnaissance du Tibet par le pundit Nain Singh, les enquêtes de l’abbé David Boilat au Sénégal. Des destins d’exploratrices sont également mis en lumière, celui d’Octavie Coudreau, cartographe des affluents de l’Amazone, de Gabrielle Vassal, photographe en Indochine, d’Isabelle Massieu, première femme conférencière à la Société de géographie. »


Du 10 mai au 21 août 2022
Quai François-Mauriac - 75013 PARIS
Entrée Est
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, dimanche de 13 h à 19 h

Articles sur ce blog concernant :
Articles in English 
Les citations sont extraites du dossier de presse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire