dimanche 15 janvier 2017

Soulèvements


Le Jeu de Paume propose l’exposition itinérante et incompréhensible Soulèvements. Une « exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements politiques en tant qu’ils supposent des mouvements de foules ».



C’est confus, incompréhensible – tout est soulèvement ? -, pédant et aberrant : tous les « soulèvements » sont mis sur le même plan ! Non seulement, cette exposition est peu didactique, faute peut-être de rigueur intellectuelle et de respect de la chronologie, mais elle occupe les deux niveaux – rez-de-chaussée et 1er étage – du Jeu de Paume. Risqué et rédhibitoire.

Ou comment un musée bénéficiant d’un emplacement idéal dans un quartier touristique, près de la Seine, programme une exposition qui me semble répulsive à l’égard du grand public...

Et quand vous faites part à une salariée du Jeu de Paume de vos interrogations sur une exposition si problématique, vous vous heurtez à un discours de déni !?

Que le Jeu de Paume ait produit cette exposition – de Gô0che ? - est révélateur de ce qu’est devenu ce musée sous la direction de Marta Gili.

Mais ce n’est apparemment pas grave pour le donateur de subventions au Jeu de Paume : le ministère de la Culture et de la Communication. N’oublions pas le soutien de Neuflize OBC et de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, « mécènes privilégiés » et pour cette exposition, le mécénat d’Isabel Marant.

« Soulèvements » est une exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements politiques en tant qu’ils supposent des mouvements de foules en lutte : il sera donc question de désordres sociaux, d’agitations politiques, d’insoumissions, d’insurrections, de révoltes, de révolutions, de vacarmes, d’émeutes, de bouleversements en tous genres ».

C’est « une interrogation sur la représentation des peuples, au double sens — esthétique et politique — du mot « représentation ». L’exposition se fonde sur un travail historique et théorique que Georges Didi-Huberman tente de mener depuis quelques années, notamment à travers une série d’ouvrages intitulés L’OEil de l’histoire et dont les derniers affrontent la question de l’« exposition des peuples » ainsi que de l’émotion en tant qu’elle serait à ne pas exclure d’une anthropologie politique ».

La « figure du soulèvement » est « déclinée à travers divers médiums : manuscrits d’écrivains, peintures, dessins, gravures, photographies, films. Ceux-ci, parce que la représentation des peuples en mouvements — depuis Griffith et Eisenstein jusqu’aux réalisateurs d’aujourd’hui — est l’une des grandes affaires du cinéma, feront l’objet d’une attention particulière qui donnera sans doute à l’exposition son style particulier ».

Le « parcours de l’exposition suit un cheminement sensible et intuitif dans lequel le regard peut, cependant, se focaliser sur des « cas » exemplaires traités avec précision, afin d’échapper à tout regard généralisateur, à travers cinq grandes parties : Eléments (déchaînés), gestes (intenses), mots (exclamés), conflits (embrasés), désirs (indestructibles) ».

L’exposition est associée à un mini-site . 

« Depuis près de dix ans, la programmation des expositions du Jeu de Paume s’est élaborée avec la conviction que les musées et les institutions culturelles du XXIe siècle ne peuvent se désintéresser des défis sociaux et politiques de la société dont ils font partie. Cette simple prémisse, qui nous semble frappée au coin du bon sens, a façonné une programmation qui, loin de vouloir suivre les tendances du marché ou rechercher des motifs de légitimité complaisante dans le domaine de l’art contemporain, a fait le choix de travailler avec des artistes dont les inquiétudes poétiques et politiques rejoignent, précisément, la nécessité d’explorer de manière critique les modèles de gouvernance et les pratiques du pouvoir qui conditionnent une grande partie de notre expérience perceptive et affective et, de ce fait, sociale et politique, du monde dans lequel nous vivons », a écrit Marta Gili, directrice du Jeu de Paume, dans « Préface », in Soulèvements, catalogue de l’exposition (p. 7-10).

Et de poursuivre : « Le Jeu de Paume étant un centre de l’image, il nous semble urgent et cohérent par rapport à sa responsabilité vis-à-vis de la société de réactualiser l’analyse des conditions historiques où se sont développées la photographie et l’image en mouvement durant les périodes moderne et postmoderne avec toutes leurs possibilités, provocations et contestations. Heureusement, l’histoire des images ou de nos manières de voir et de percevoir le monde à travers elles n’est ni linéaire ni à sens unique. De là provient notre fascination pour ces images qui ne disent pas tout ce qu’elles montrent ou pour ces autres qui se voient influencées par les avatars de notre condition humaine. La photographie, et l’image en général, ne représentent pas seulement la réalité, mais aussi ce que l’œil humain ne perçoit pas ; la photographie, tout comme nous, est capable de cacher, de nier et de souffrir. Elle attend juste quelqu’un qui sache écouter ses joies et ses peines. C’est dans ce va-et-vient entre le visible et l’invisible de la vie des images que se situe la programmation du Jeu de Paume avec son regard oblique sur l’histoire et le monde contemporain, en intégrant l’accord et le désaccord des idées, des sentiments et des connaissances et en assumant le fait que la coexistence du conflit et de l’antagonisme constitue une part essentielle de la construction de la communauté. C’est dans cette perspective et pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer que la magnifique proposition du philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman de concrétiser, sous la forme d’une exposition, ses recherches autour du thème des « Soulèvements » nous a paru un défi intellectuel, muséographique et artistique idéal. Si la notion de révolution, de rébellion ou de révolte n’est pas étrangère au vocabulaire de la société contemporaine, leurs objectifs, leurs gestes souffrent eux d’amnésies et d’inerties collectives. Pour cette raison, analyser les formes de représentation des « Soulèvements », depuis les gravures de Goya jusqu’aux installations, peintures, photographies, documents, vidéos et films contemporains, apparaît d’une pertinence sans équivoque dans le contexte social qui est le nôtre en 2016 ».

« Ce qui nous soulève ? Ce sont des forces : psychiques, corporelles, sociales. Par elles nous transformons l’immobilité en mouvement, l’accablement en énergie, la soumission en révolte, le renoncement en joie expansive. Les soulèvements adviennent comme des gestes : les bras se lèvent, les cœurs battent plus fort, les corps se déplient, les bouches se délient. Les soulèvements ne vont jamais sans des pensées, qui souvent deviennent des phrases : on réfléchit, on s’exprime, on discute, on chante, on griffonne un message, on compose une affiche, on distribue un tract, on écrit un ouvrage de résistance. Ce sont aussi des formes grâce auxquelles tout cela va pouvoir apparaître, se rendre visible dans l’espace public. Ce sont donc des images, auxquelles cette exposition est consacrée. Images de tous temps, depuis Goya jusqu’à aujourd’hui, et de toutes natures : peintures, dessins ou sculptures, films ou photographies, vidéos, installations, documents », a écrit Georges Didi-Huberman, commissaire de l’exposition, philosophe et historien de l’art.

Et de préciser : ces œuvres dialoguent « par-delà les différences d’époques. Elles sent présentées selon un récit où vont se succéder : des éléments déchaînés, quand l’énergie du refus soulève l’espace tout entier ; des gestes intenses, quand les corps savent dire « non ! » ; des mots exclamés, quand la parole s’insoumet et porte plainte au tribunal de l’histoire ; des conflits embrasés, quand se dressent les barricades et que la violence devient inévitable ; enfin des désirs indestructibles, quand la puissance des soulèvements parvient à survivre au-delà de leur répression ou de leur disparition. De toutes les façons, chaque fois qu’un mur se dresse, il y aura toujours des « soulevés » pour « faire le mur », c’est-à-dire pour traverser les frontières. Ne serait-ce qu’en imaginant. Comme si inventer des images contribuait — ici modestement, là puissamment — à réinventer nos espoirs politiques ». 


Du 18 octobre 2016 au 15 janvier 2017
Au Jeu de Paume
1, place de la Concorde. 75008 PARIS
Mercredi à dimanche de 11 h à 19 h. Mardi de 11 h à 21 h. Fermeture le lundi

Puis
Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelona : 2017
MUNTREF Museo de la Universidad, Nacional de Tres de Febrero, Buenos Aires : 2017
MUAC - Museo Universitario Arte Contemporáneo, Mexico : 2018
Galerie de l’UQAM, Université du Québec à Montréal et la Cinémathèque Québécoise : 2018

Visuels
Affiche
Gilles CARON, Manifestations anticatholiques à Londonderry, 1969
© Gilles Caron / Fondation Gilles Caron / Gamma Rapho

Dennis ADAMS, Patriot, série « Airborne », 2002, C-Print contrecollé sur aluminium. Prêt du Centre National des Arts Plastiques,
Paris, inv. FNAC 03.241 © Dennis Adams / CNAP / courtesy Galerie Gabrielle Maubrie.

Henri MICHAUX, Sans titre, 1975, acrylique sur papier. Collection particulière. © ADAGP, Paris, 2016. Photo : Jean-Louis Losi.

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Les citations sont extraites du dossier de presse

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