jeudi 5 juin 2014

Pierrette Bloch

Dans le cadre  d'Art Saint-Germain-des-Près, la galerie Protée présente l'exposition collective "Les couleurs du noir" avec des œuvres de cette artiste suisse née en 1928 et travaillant à Paris. De “la pratique obsessionnelle du dessin à son travail de sculpture en crin, l’art de Pierrette Bloch concentre des problématiques aussi fondamentales que le rapport de la ligne à la spatialité, l’influence de l’art minimal américain sur la scène artistique européenne, ou encore la réception du mouvement Supports-Surfaces”. 


« Mon monde, je sais ce qui n’en est pas, mais je ne sais pas ce qui en est. La peinture a à voir avec le secret, avec ce qui est secret à soi-même », a déclaré Pierrette Bloch en 1998.

Pierrette Bloch  “développe depuis les années 1950 un art intimement lié à l’abstraction et au dessin, qu’elle décline sous différentes formes au fil des époques traversées. Collages, compositions ponctuées à l’encre de Chine, « mailles» ou fils de crins noués, lignes de papier, ses œuvres allient une forme de sérialité à la subjectivité du geste”.

En 2014, le Musée Jenisch Vevey a présente l’exposition « L’intervalle » éponyme, première rétrospective en Suisse de cette artiste suisse née en 1928 et travaillant à Paris. 

Couvrant 65 ans de création artistiques éclectiques, réunissant plus d’une centaine d’œuvres, cette première rétrospective en Suisse vise à faire connaître un art méconnu en Suisse et « à le replacer dans le contexte des divers mouvements artistiques ayant jalonné les décennies d’après-guerre : deuxième Ecole de Paris, art minimal américain, mouvements Supports-Surfaces, B.M.P.T., etc. » Un travail que Pierrette Bloch a élaboré en marge de la scène artistique et en liens étroits avec l’histoire de l’art européen et américain de la seconde moitié du XXe siècle.

Le parcours de Pierrette Bloch croise celui « d’artistes français tels que Pierre Soulages, Jean-Michel Meurice ou Michel Parmentier, et se rapproche de l’abstraction américaine de Robert Ryman, Agnes Martin et Eva Hesse. Son travail à l’encre fait aussi écho aux toiles libres de Heiner Kielholz ou de Niele Toroni, ses œuvres de fils de crin entrent en résonance avec les installations de cordages et de nœuds de Claude Viallat, entre autres ».

« Le mot est lâché : le temps. « Rien qui ne se laisse réitérer sans une interruption – et sur l’interruption, l’arrêt d’un instant, ou pour toujours, à nouveau. » Citées par l’artiste elle-même, ces lignes d’André du Bouchet en disent long, sur le mode poétique, de l’idée du continu et du discontinu, de l’instant et de la durée, de la ponctuation et de l’étendue qui règle l’art de Pierrette Bloch… L’espace et le temps, une même concentration et une même ampleur. » (Philippe Piguet, Pierrette Bloch, l’écrit, le geste et le temps, p. 137)

Un œuvre silencieux
Pierrette Bloch nait en 1928 à Paris, dans une famille dont la branche maternelle est originaire de La Chaux-de-Fonds.

En 1939, la famille Bloch se réfugie en Suisse. Pierrette Bloch éprouve son premier choc artistique en découvrant, au Musée Rath (Genève) l’exposition des chefs-d’œuvre du Musée du Prado.

Puis, cette préadolescente suit sa scolarité à l’école Lemania (Lausanne) ; ses parents demeurent à la Chaux-de-Fonds. Pierrette Bloch assiste à la conférence de René Huyghe, conservateur du Musée du Louvre, sur l’importance de la ligne.
En 1948, dans une rue parisienne, Pierrette rencontre Alvin Epstein, un Américain qui étudie l’art du mime auprès d’Etienne Decroux, celui-ci inventant et codifiant « un langage corporel fondé sur l’improvisation » et sensibilisant « ses élèves à la puissance expressive du geste dont il décompose chaque étape ». Pierrette Bloch apprend « l’importance du mouvement » en créant une série d’esquisses des comédiens. Elle « travaille au fusain, de manière rapide, synthétisant les tensions du corps sans céder à sa description littérale. Le geste devient rapidement le sujet principal de son œuvre, et le restera tout au long de sa trajectoire ».

Elle noue en 1949 une amitié avec Colette et Pierre Soulages.

En 1951, sa première exposition personnelle est proposée par la Galerie Mai à Paris, puis la Hacker Gallery à New York. Là, elle « apprend la manière de présenter ses œuvres, avec des modalités d’accrochage innovantes, propres à ces lieux d’exposition qui font la part belle à l’art contemporain.

A son retour des Etats-Unis (1951), Pierrette Bloch réalise en 1953 « une première série de collages. Proches de ceux de Robert Ryman à la même époque, ces collages témoignent d’une attention marquée envers la matière, explorant ainsi la fragilité des fibres du papier, déchirées ou superposées ».

Vers 1973, Pierrette Bloch conçoit « un œuvre sériel dénotant d’une forte individualité du geste, constitué de points d’encre noire déposés sur la page blanche. Ces dessins all over suggèrent la présence d’un espace infini qui échappe à notre champ de vision. Pierrette Bloch adopte l’encre et le papier, matériaux qu’elle trouve moins impressionnants que l’huile et la toile. Constante dans son œuvre, ce travail de l’encre n’a jamais pris fin ». Membre fondateur du collectif B.M.P.T., Michel Parmentier qualifie son travail de « silencieux et pudique, fait de trois fois rien. »

Achetés sans intention précise par cette artiste en 1984, les fils de crin vont devenir des cheminements visuels de Pierrette Bloch. Un fil de crin qu’elle tresse dans « l’horizontalité, en lignes serrées, lâches ou accidentées »

La « maille, puis les sculptures de crin, traduisent son intérêt pour l’espace structuré et la trame, s’affinant presque jusqu’à devenir des lignes tendues ».

Dès 1994, « comme en état d’atemporalité et d’apesanteur, de longues lignes de papier traversent le mur, couvertes de minuscules et denses traits d’encre. Pierrette Bloch mesure le dessin à l’espace. Toujours marquées par cette prégnance du geste, le déploiement d’un langage abstrait et la forte sensibilité pour le papier confirment les bases d’une démarche qui n’a pas dévié et que vient confirmer un choix d’œuvres récentes présentées dans l’exposition ». Cette dessinatrice dépose l’encre de Chine « par petites touches de pinceau, en points répétitifs et aléatoires, sur de longues bandes horizontales constituées de morceaux de papier assemblés, créant ainsi des sortes de portées musicales, avec leurs silences, leurs reprises, ce qu’elle appelle “un lieu d’incertitude”.

« Accrochés les uns au dessus des autres, les trois formats rectangulaires présentent une surface noire non uniforme mouchetée de blanc. J’écoute toujours, et dehors on entend la clameur des écoliers sortant de l’école primaire du quartier. Je devine trois tableaux noirs en ardoise mal nettoyés, où plusieurs phrases écrites à la craie blanche auraient été successivement plus ou moins bien effacées. On entrevoit presque dans ces trois formats de minuscules fragments de caractères manuscrits, désormais définitivement incrustés dans la masse de la surface ardoisée. Des marques tenaces, ineffaçables, qui ne disparaitront plus et qui agissent tel un témoignage figé qui suggère ce qui fut. » (Nicolas Muller, Dans l’atelier, les bruits involontaires, p. 153)
En 2005, Pierre Bloch est distinguée par la Fondation Pro-MAHJ.

Fidèle à Paris, Pierrette Bloch séjourne l’été dans sa maison de Pézenas dans les années 1970, puis dans celle de Bages depuis 1981, où elle dispose d’un grand atelier.

Au  Musée Jenisch Vevey, l’exposition montrait un film tourné dans l’atelier de l’artiste, réalisé par Lila Ribi (2012) pour ce Musée. « Dire ce que je fais ? Mais non, je peux le faire, mais pas le dire », a confié Pierrette Bloch dans ce film.

Du 22 mai au 14 juin 2014
A la galerie Protée
38, rue de Seine. 75006 Paris
Tél. : 33 (0) 1 43 25 21 95
Du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h 30 à 19 h

Jusqu’au 2 mars 2014
Au Musée Jenisch Vevey
Avenue de la Gare 2. CH –1800 Vevey
Tél. :  + 41 21 925 35 20
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Jeudi jusqu’à 20 h

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Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 1er mars 2014.

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