Arte diffusera le 11 septembre 2024 à 20 h 55 « Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi et John Wax. « Un acteur raté décide d'organiser une marche de contestation noire en France. Jean-Pascal Zadi met la société française face à ses paradoxes et dézingue à tout va le politiquement correct, entouré de "guest stars" au sens de l’auto-dérision bien accroché. » Un film ennuyeux.
Brigitte Bardot
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Sami Frey
« 1940 - Main basse sur le cinéma français » de Pierre-Henri Gibert
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Jeanne Moreau (1928-2017)
Bernard Natan (1886-1942)
« Charles Pathé et Léon Gaumont. Premiers géants du cinéma » par Emmanuelle Nobecourt
Bernard Natan (1886-1942)
« Charles Pathé et Léon Gaumont. Premiers géants du cinéma » par Emmanuelle Nobecourt
Des studios Pathé-Albatros à l’Espace Albatros
Les Studios Éclair de 1907 à 2007
Tournages Paris-Berlin-Hollywood 1910-1939
Les Studios Éclair de 1907 à 2007
Tournages Paris-Berlin-Hollywood 1910-1939
"Bonjour. Je m'appelle Jean-Pascal Zadi, j'ai 38 ans et je suis en colère." Face caméra, JP, un acteur dont la carrière n'a jamais décollé, se filme pour appeler à un sursaut des noirs de France et lance l'idée d'une grande marche de contestation le 27 avril. »
« Pour y rameuter le plus de monde possible, il fait le tour des personnalités noires du show-business et cherche à endosser leur soutien. Fary, JoeyStarr, le rappeur Soprano, Fabrice Eboué ou encore Éric Judor (qui préfère mettre en avant ses origines autrichiennes…) : tous l'accueillent avec bienveillance, du moins lorsqu'ils repèrent la caméra qui suit l'acteur néo-militant. »
« Mais entre les maladresses de JP, sa méconnaissance de l'activisme et l'hypocrisie opportuniste de certains, l'affaire se révèle bien plus ardue que prévu… »
"Moi, j’ai voulu montrer aux habitants de Saint Malo ce que c’est que la colonisation !", lance Jean-Pascal Zadi, tandis qu’un reportage le montre, vêtu de riches habits traditionnels, colonisant une plage d'Ille-et-Vilaine face à des touristes éberlués. »
« Volontiers absurde, le film que l'acteur coréalise avec John Wax et qui lui a valu le César du meilleur espoir masculin en 2021, dézingue le politiquement correct et offre à son cortège de guest stars une belle opportunité de prouver leur autodérision : il faut voir Matthieu Kassovitz hurler à Jean-Pascal de jouer "la souffrance de l'Afrique" avant de mesurer la largeur de ses narines durant un casting… »
« Tout le monde en prend pour son grade : Fabrice Eboué et Lucien Jean-Baptiste, qui s'étrillent sur leurs œuvres respectives Case départ et Première étoile, qualifiées de films de "bounty" (noir dehors, blanc dedans), Éric Judor, qui passe d'homme métis refusant d'assumer ses origines à illuminé en tissu imprimé wax scandant du Nelson Mandela sous sa pancarte "Black Power", jusqu'à Ramzy et Jonathan Cohen, qui font tourner une réunion de travail au pugilat en proposant que les communautés juives et musulmanes rejoignent la marche… »
« Sorti en pleine prise de conscience du mouvement Black Lives Matter, Tout simplement noir est une grenade narquoise dégoupillée au visage de la société française, pétrie de paradoxes sur la question de sa diversité, bourrée d'hypocrisie et férocement opportuniste. Des défauts somme toute très gaulois... »
Meilleur espoir masculin (Jean-Pascal Zadi), César 2021. Recevant ce César, cet artiste a déclaré : "L'humanité de certaines personnes n'est pas souvent remis en cause. Aussi souvent elle compte. Dans cette optique, j'ai envie de parler de Adama Traoré, Michel Zecler et c'est pas fini".
Michael Sadoun a analysé dans « Jean-Pascal Zadi: derrière la vanne, un propos douteux », sous-titré « Le cinéma français serait toujours très très raciste » (Causeur, 18 juillet 2020) :
« Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi est une comédie antiraciste qui se transforme en mauvais pamphlet racialiste.Le film de Jean-Pascal Zadi, Tout simplement noir, présentation semi-drolatique d’une France d’apartheid, ressemble à ce faux rire partant d’une vraie médiocrité.Si le film a une intelligence, c’est celle d’exposer ainsi une pluralité de réactions, certains Noirs ne souhaitant pas se mêler à une marche communautaire parce qu’ils sont pleinement intégrés à la France. L’anti-héros s’égare quant à lui au fil des scènes dans un propos politique dont on ne saurait dire s’il relève de la simple blague ou de du propos engagé.Au second degré, le film serait passé pour une simple comédie moyenne et familiale – style Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? : vannes communautaires mille fois poncées que les auteurs vivent peut-être comme des transgressions, faux débats de société, partagé entre repentance mémorielle et devises républicaines creuses car sans implication, bref : au second degré, rien à signaler. Le héros ne serait qu’un mauvais interprète qui impute ses échecs au « racisme systémique », comme tout indigéniste qui se respecte, ou à la manière dont l’antisémite de Sartre reproche au juif son omniprésence, qui l’empêche de gravir les échelons de la réussite sociale. On peut donc regarder ce film comme une dénonciation du communautarisme.Jean-Pascal Zadi est plus frileux : son personnage est mauvais, parfois exécrable, jaloux d’un Omar Sy à qui il aurait tout à envier, jusqu’au sourire éclatant. Pourtant il émane de cet engagement politique stupide du personnage central un je-ne-sais-quoi très sérieux.La fin ne laisse plus d’ambigüités sur les intentions réelles d’un film qui, comme un spectacle de Dieudonné – cité comme le « Noir infréquentable » du film – surfe constamment entre le faux rire sympa et la lutte idéologique. Dans un « face caméra » qui ne fera sans doute pas date dans l’anthologie du cinéma, Fary déclare ce que Zadi avait déjà déclaré au début : « La situation des Noirs en France est catastrophique ». Pour cela il appelle les noirs de France à « ne rien faire » le 15 octobre. De cet appel à la grève général, Fary veut voir si les Noirs « manquent à la France ».Le film se conclut donc sur une stance déclamée dans le générique de fin par un humoriste qui a fait sa carrière sur des vannes communautaires et des attaques contre Eric Zemmour (quelle originalité !). Habillée en fringues de luxe dans un beau bureau parisien, la starlette interpelle le spectateur, surtout s’il est blanc, pour lui apprendre qu’il est raciste comme son pays et que sa couleur est son avantage. Si le message n’était pas bien passé, les seuls blancs apparaissant dans le film sont là pour le marteler : ils sont racistes comme le réalisateur joué par Matthieu Kassovitz, sauf bien-sûr Augustin Trapenard et la femme de Jean-Pascal Zadi. Car si les racistes avaient à l’époque leur « bon nègre », certains noirs ont aujourd’hui leur « bon blanc bec ».On peut bien-sûr prendre ce film à la légère en mettant de côté son racialisme.Mais dans le contexte où nous nous trouvons, à l’heure où les statues de Churchill et de Colbert sont en péril, où il est de bon ton de démolir tout témoignage d’une histoire qu’on dit coupable, à l’heure où l’on fantasme des inégalités raciales qui ne se résorberaient qu’après la dégradation de « l’homme blanc » en citoyen de seconde zone, je déciderai de prendre ce film pour ce qu’il est politiquement : une déclaration d’hostilité à la France blanche. »
ENTRETIEN AVEC JEAN-PASCAL ZADI & JOHN WAX
LE TITRE DU FILM FAIT-IL RÉFÉRENCE À « TOUT SIMPLEMENT NOIR », CE GROUPE DE HIP-HOP FRANÇAIS DE LA FIN DES ANNÉES 80 ?
JOHN WAX : C’est un clin d’œil. Avec Jean-Pascal, nous avons tous les deux évolué dans ce milieu, avec cette culture du rap qui nous embarquait.
JEAN-PASCAL ZADI : Le titre est aussi une manière de rappeler que dans le langage courant, les gens n’osent plus employer le mot « noir ». Ils trouvent plus chic de dire « black ». Pour nous, il n’y aucune honte à dire « noir » : c’est juste une couleur.
J.W. : Beaucoup s’imaginent qu’employer « noir » est raciste. On a revu un extrait du film MENACE II SOCIETY qui date de 1993 : dans les sous-titres français, tous les mots étaient traduits sauf « black ».
J-P.Z. : Ça peut s’expliquer à travers l’histoire de la France où le mot « noir » a été utilisé dans des contextes négatifs comme l’esclavage et la décolonisation. Aujourd’hui, dire « black » c’est soi-disant se montrer plus cool. Comme lorsque tu dis « beur » au lieu de « arabe ».
LE FILM COMMENCE PAR CETTE PHRASE DE JP : « JE SUIS EN COLÈRE ». EST-CE LE MÊME SENTIMENT QUI A DONNÉ NAISSANCE AU FILM ?
J-P.Z. : Tout est parti de l’envie de faire une oeuvre collégiale, drôle et porteuse d’un message. On voulait fédérer un maximum de personnalités noires autour de ce projet et avoir le plaisir de les voir s’éclater à l’écran.
À QUAND REMONTE LE DÉBUT DE VOTRE COMPLICITÉ ?
J.W. : C’était il y a plus de 10 ans. Nous avions un ami en commun, on s’est rencontré et on ne s’est plus quitté. En 2013, sur LE CROCODILE DU BOTSWANGA de Fabrice Éboué, Jean-Pascal jouait un petit rôle et moi, j’étais photographe de plateau. Un tournage et des vacances à Cuba, ça renforce encore les liens. Forcément. (Rires)
J-P.Z. : On s’est rapidement trouvé pas mal de points communs : l’humour, la manière de voir la vie, le type de cinéma qui nous fait vibrer. C’est rare de rencontrer des gens de cette profession avec lesquels on se retrouve, dans la vraie vie, sur la même longueur d’ondes. TOUT SIMPLEMENT NOIR est tombé pile au bon moment dans nos parcours respectifs.
J.W. : Après avoir été assistant technique sur PATAYA et TAXI 5, je commençais à avoir fait mes preuves et toi...
J-P.Z. : …j’avais mes documentaires, des interventions dans « Le Before du Grand Journal », ma petite série sur le web. Il était temps de travailler ensemble sur un projet qui nous ressemble...
QUI VOUS RESSEMBLE EN QUOI ?
J.W. : Dans l’humour et l’envie de provoquer la réflexion. TOUT SIMPLEMENT NOIR a commencé à prendre forme lors de discussions avec Fabrice Éboué… Jean-Pascal avait cette idée depuis longtemps en tête. Il a bossé le scénario avec Fabrice au départ puis avec Kamel Guemra ensuite pour donner une structure plus narrative au film. Je ne suis intervenu qu’en aval, lors de la préparation du film. On n’avait jamais bossé ensemble sur l’écriture mais comme on rigole des mêmes conneries, le ping-pong a été facile.
J-P.Z. : J’ai un humour absurde et engagé. Celui de John est plus corrosif. Le film a trouvé son juste ton en mixant les deux. Je tenais absolument à ce que John soit impliqué parce que je ne voulais pas faire un film de noirs pour les noirs. C’est l’universel qui m’intéresse.
La couleur de peau n’est pas le sujet principal : le personnage aurait pu être chinois, juif ou rouquin, sa trajectoire aurait été la même.
COMMENT DISTINGUER LE VRAI JEAN-PASCAL DE SON DOUBLE À L’ÉCRAN ?
J-P.Z. : Même si JP est un personnage de fiction, je l’ai nourri de ce que je suis ou de ce que j’ai vécu, en tant que père d’enfants métis et comédien. Le JP du film est également mégalo, égocentrique : ce n’est pas un hasard s’il se sert des réseaux sociaux pour prendre la parole.
Aujourd’hui, on ne sait plus si c’est l’activisme qui nourrit la personne ou bien l’inverse.
J.W. : C’est facile de militer sur les réseaux sociaux et de brosser son ego, beaucoup moins de mettre les mains dans le cambouis.
J-P.Z. : Au début, tout le monde est positif envers JP, y compris Fary qui y voit son propre intérêt.
Son idée d’organiser une marche pour les noirs est accueillie avec enthousiasme... sauf qu’il lui suffit d’ouvrir la bouche pour tout gâcher ! C’est une version un peu spéciale du Candide de Voltaire qui révèle, sans le vouloir, les failles de tous ces « notables » et leaders d’opinion.
J.W. : À l’écran, JP s’en prend plein la gueule...
J-P.Z. : C’est obligé sinon comment oser demander à tous ces guests de bousculer leur image ? Ni John ni moi n’aimons les acteurs qui cherchent à être « beaux », à se mettre en avant dans leur film. Plus on se torpille nous-mêmes, plus on est ravi.
J.W. : On adore tous les deux la figure mythique du loser. On l’a été à différentes périodes de nos vies.
JP est aussi un mec maladroit, attachant. Je me sens proche de ce père de famille qui galère et veut trouver sa place dans l’artistique... Dans ma vie, j’ai toujours été curieux de tout : je suis passé du graffiti à la photo, de la vidéo au clip. C’est la passion qui m’a fait tenir pendant toutes ces années.
J-P.Z. : John et moi avons eu des parcours chaotiques dans le domaine de l’art. Si on ne réalise notre premier film qu’à l’approche des 40 ans, c’est qu’il y a eu des moments de doute, une nécessité de ramener de l’oseille, de nourrir la famille... Le fait que le JP du film persévère dans sa quête alors qu’il n’y a aucun signe positif nous parle à tous les deux.
LE SCÉNARIO A-T-IL ÉTÉ ESSENTIELLEMENT ÉLABORÉ EN FONCTION DES GUESTS ?
J.W. : Chaque scène a été écrite en fonction de nos envies de guests, oui... mais bien avant d’avoir leur feu vert. On a commencé la préparation avec seulement quelques accords tacites.
J-P.Z. : Les guests qui ont accepté n’ont pas seulement joué des scènes politiquement incorrectes, ils ont aussi joué avec leur image, le jugement qu’on peut avoir sur eux. C’est une preuve de grande intelligence et je rends hommage à leur capacité d’autodérision.
Si des gens comme Mathieu Kassovitz ou Lilian Thuram nous ont « confié » leur image, c’est parce que le film délivre un message positif qui leur correspond… Chaque scène avec un guest explore une thématique : avec Éric Judor, c’est la place du noir dans les années 80 et la double identité du métis ; avec Fadily Camara, c’est l’afro-féminisme ; avec JoeyStarr et Vikash Dhorasoo, on s’interroge sur ce que ça signifie vraiment être noir aujourd’hui. Le challenge était d’inscrire toutes ces scènes dans une vraie histoire, ce que l’on a travaillé avec Fabrice Éboué et Kamel Guemra...
QUELLE EXPÉRIENCE DE LA CAMÉRA AVIEZ-VOUS AVANT CE FILM ?
J-P.Z. : Je n’ai pas eu la chance d’étudier le cinéma.
Mon école a été de tourner AFRICAN GANGSTER, CRAMÉ, SANS PUDEUR NI MORALE : ces films que j’ai auto-produits sont l’équivalent de mixtapes.
TOUT SIMPLEMENT NOIR est vraiment notre premier film avec John.
J.W. : Comme Jean-Pascal, je suis un autodidacte : je n’ai pas dépassé le brevet des collèges, j’étais un peu traîne-savate et je me suis retrouvé dans le milieu du rap. J’ai appris sur le tas motivé par l’envie de créer. J’ai fini par montrer un petit montage à des potes rappeurs et j’ai commencé à tourner des clips.
J-P.Z. : Pareil pour moi. Dès que j’ai eu une caméra entre les mains, j’ai filmé tout et n’importe quoi jusqu’à tourner des clips de rap. Notre énergie, celle qui balaye le film aussi, est très liée au hip-hop : c’est une culture de l’immédiateté, de l’instant...
J.W. : …de la débrouille aussi. Le ton et les dialogues du film empruntent au rap, à la banlieue, à la street quoi !
J-P.Z. : Le rap fonctionne à la punchline. Et notre scénario se cale souvent sur ce rythme.
POURQUOI AVOIR OPTÉ POUR LA FORME DU FAUX DOCUMENTAIRE ?
J.W. : C’était le meilleur moyen de rester ancré dans le réel, d’avoir un garde-fou qui empêche les situations de basculer dans la dinguerie totale. Dans l’économie de budget qui était la nôtre, c’était aussi un parti-pris malin : pas besoin de travelling ni de grue, une caméra à l’épaule suffit.
Une fois le décor éclairé, on peut se concentrer sur le tempo comique et les acteurs... Au fil du récit, on finit aussi par oublier ce procédé. Il n’y a qu’une scène, la bavure policière, où la présence des réalisateurs du documentaire est mise en avant.
J-P.Z. : On ne voulait ni voyeurisme ni imagerie putassière : la caméra filme de loin, comme un témoin neutre qui enregistre des faits. C’est plus puissant que de filmer dans la mêlée. Il s’agissait de dénoncer sans être outrancier dans les sentiments.
J.W. : L’image du film est également volontairement soignée, à l’inverse de ce qu’on pourrait attendre d’un documentaire sur le vif.
COMMENT VOUS ÊTES-VOUS CONCRÈTEMENT « PARTAGÉ » LA RÉALISATION ?
J-P.Z. : J’étais quasiment de toutes les scènes. Même si on discutait des plans, John s’occupait essentiellement de la technique. Je me suis reposé sur lui.
J.W. : Le partage s’est fait naturellement. C’est une question de confiance : si j’estime qu’une scène est foirée, Jean-Pascal s’en remet à moi. Je l’ai dirigé, et pas qu’un peu. (Rires). Je ne voulais pas qu’il compose mais qu’il soit lui-même. Faire ressortir sa nature était parfois compliquée, il fallait l’empêcher de jouer !
J-P.Z. : Je suis davantage intervenu sur l’idéologie véhiculée par certaines scènes. J’ai aussi fait attention à ne pas froisser ni blesser les gens inutilement.
J.W. : Le tournage a été comme un grand-huit. Il fallait s’adapter sans cesse, notamment au planning des guests. Quand tu apprends que tu as deux heures pour une scène au lieu de la journée prévue, tu n’as pas droit à l’erreur. J’ai misé sur mon expérience, mon instinct et j’ai foncé !
J-P.Z. : Sur un film comme celui-là, le comédien doit être immédiatement mis en confiance. De son arrivée jusqu’à son départ, John et moi avons fait en sorte qu’il sente notre bienveillance et notre professionnalisme.
J.W. : On devait être en permanence au taquet. Prêt à rebondir si la scène, pourtant validée, ne fonctionnait pas. Prêt à être souple si des dialogues changeaient in extremis. Ça a été notre quotidien pendant les quatre semaines de tournage.
PARMI LES SCÈNES-CLÉS DU FILM, IL Y A CELLE DU DÉRAPAGE ENTRE RAMZY, RACHID DJAÏDANI ET JONATHAN COHEN. COMMENT L’AVEZ-VOUS ORCHESTRÉE ?
J.W. : À réaliser, c’était un vrai cauchemar ! Le matin, on donne le texte à Jonathan qui le balance en souriant. Le ton était donné, on avait affaire à des volcans comiques.
J-P.Z. : Le fil conducteur de la scène, c’était l’envie des arabes, eux-mêmes composites, de se greffer à la marche de JP car ils sont mal vus en ce moment par l’opinion. Le tournage a pris une journée entière ! Capter l’énergie du jour a été une prouesse. J’ai fini la tête en vrac à force d’avoir rigolé.
AVEC UN TEL ENCHAÎNEMENT DE SCÈNES DÉLIRANTES, COMMENT ÉVITER LE PIÈGE DU FILM À SKETCHES ?
J.W. : C’était notre hantise, de l’écriture jusqu’au dernier jour de montage. On s’est parfois retrouvé avec un vrai micmac, une succession de scènes qui fonctionnaient mais auxquelles il manquait du liant. On a dû retourner des petites choses précises pour que le fil conducteur apparaisse clairement.
J-P.Z. : On a écrit le film avec l’envie de divertir le public mais c’est également ultra personnel. Le fil conducteur est là. Lorsqu’on décide d’évoquer la place des noirs dans la société française, on n’échappe pas au réel, c’est un sujet sociétal. Le scénario brasse des thèmes dont on a débattu mille fois entre amis. C’est le cas de la scène où la discussion entre Fabrice Éboué et Lucien Jean-Baptiste dégénère parce que chacun revendique d’être plus noir que l’autre.
J.W. : Trouver un équilibre entre réel et fiction nous a obligés à supprimer, à l’écriture et lors du tournage, des scènes trop gaguesques ou loufoques. Celle avec Claudia Tagbo est un exemple parfait d’équilibre. Au-delà du comique de situation, Claudia a été séduite par notre liberté de parole notamment sur son physique, sujet qu’elle ne s’était jamais autorisée à aborder dans ses spectacles.
COINCER LE SPECTATEUR ENTRE RIRES ET SIDÉRATION, NE PAS DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX, EST-CE JOUISSIF ?
J.W. : C’est génial si le film provoque des questionnements...
J-P.Z. : ...mais ça n’est pas à nous d’apporter des réponses. Savoir ce que l’on en pense n’a aucun intérêt. L’important est de confronter, à travers des thèmes forts, les spectateurs à leur positionnement en tant qu’être humain dans notre société...
…SOCIÉTÉ OÙ CHAQUE MOT EST PASSÉ AU SCANNER DU POLITIQUEMENT CORRECT. DANS CE CONTEXTE, « TOUT SIMPLEMENT NOIR » EST LIBÉRATEUR !
J.W. : Ça n’est pas prémédité. C’est simplement le ton qui nous correspond. Ceux qui nous connaissent bien ne sont pas surpris d’entendre ce type de dialogues.
J-P.Z. : On a eu aussi la chance d’avoir carte blanche de la part de Gaumont. Ils ne nous ont jamais censurés. Cette liberté est une force. Être, comme John et moi, des mecs de la vie de tous les jours en est une autre. On n’a pas été conditionnés par le show-biz ou des impératifs commerciaux...
J.W. : J’espère qu’on gardera longtemps cette envie d’être politiquement incorrect. On ne recherche ni l’humour facile ni les poncifs ni le consensus. Et c’est du boulot !
J-P.Z. : Aller juste au-delà de ce qui est toléré et convenable, c’est ce qui nous motive pour continuer à créer. Le cinéma français se réfugie souvent dans un entre-soi. Notre parole est celle des gens de la rue, du quotidien. On s’exprime comme ça... Nous n’avons rien inventé d’exceptionnel.
QUE RÉPONDEZ-VOUS À CEUX QUI VOUDRONT TAXER LE FILM DE « COMMUNAUTARISTE » ?
J-P.Z. : C’est une erreur. Le film est une critique du communautarisme par l’absurde, on essaie de montrer que parler de communautarisme n’a pas de sens... Le cœur du film, c’est le parcours d’un père de famille qui essaie de trouver sa place dans la société. Est-ce que l’on parle de communautarisme lorsqu’il n’y a que des blancs dans un film français ? La question est aussi absurde concernant un film où la grande majorité des acteurs sont noirs. Je serai heureux le jour où je verrai un réalisateur prendre des acteurs noirs uniquement parce qu’ils vont porter son histoire et non parce qu’ils sont noirs.
J.W. : TOUT SIMPLEMENT NOIR est universel dans son propos, il a pour vocation de rassembler. La preuve : j’ai pu être coréalisateur et je peux en parler aujourd’hui sans être noir. C’est aussi une question de génération : quand j’étais adolescent, personne ne se posait la question de l’autre comme un problème ; juif, arabe, portugais, noir, on traînait tous ensemble.
J-P.Z. : On a fait un film d’hommes et de femmes qui parle de la société française et de l’identité, pas des communautés. Un être humain n’est pas déterminé par un groupe mais par ce qu’il est.
J.W. : Parler de « communauté » n’a aucun sens. Le problème des noirs, des juifs, des arabes dans la société française, cela ne concerne pas que les noirs, les juifs et les arabes : c’est le problème de tout le monde dans ce pays.
J-P.Z. : Il y a une phrase de l’écrivain et philosophe Frantz Fanon qui résume tout : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».
« Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi et John Wax
France, 2020, 85 min
Scénario : Jean-Pascal Zadi, Kamel Guemra
Production : Gaumont, C8 Films
Productrice : Sidonie Dumas
Image : Thomas Brémond
Montage :Samuel Danesi
Musique : Christophe Chassol
Avec Jean-Pascal Zadi (Jean-Pascal Zadi), Fary Lopes B (Fary) Caroline Anglade (Camille) Fabrice Eboué (Fabrice Eboué) Claudia Tagbo (Claudia Tagbo)
Et dans leurs propres rôles :
Lilian Thuram, Claudia Tagbo, Cyril Hanouna, Joeystarr, Vikash Dhorasoo, Kareen Guiock, Fabrice Eboué, Lucien Jean-Baptiste, Éric Judor, Fadily Camara, Ramzy Bedia, Rachid Djaïdani, Melha Bedia, Amelle Chahbi, Jonathan Cohen, Mathieu Kassovitz, Ahmed Sylla, Eriq Ebouaney, Moussa Mansaly, Soprano, Augustin Trapenard, Stéfi Celma
Sur Arte le 11 septembre 2024 à 20 h 55
Disponible jusqu'au 07/01/2025
Visuels : © 2020 GAUMONT – C8 FILMS
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