Le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) présente, à l’occasion de l'Olympiade Culturelle 2024, l’exposition « André Steiner. Le corps entre désir et dépassement ». Né dans une famille juive de l'empire austro-hongrois (actuelle Hongrie), André Steiner (1901-1978) a été un précurseur dans l'utilisation du Leica en 1924, représentant de la « Nouvelle Vision », communiste engagé dans la République des conseils de Hongrie, sportif accompli. Exilé à Paris, résistant durant la Deuxième Guerre mondiale, il se spécialise après 1944 dans la photographie appliquée à la technique et à la science. « À travers une soixantaine de clichés réalisés dans les années 1930, l'exposition éclaire le travail de ce pionnier de la photographie sportive en France. »
« Alfred Nakache, le nageur d’Auschwitz » de Christian Meunier
Victor Younki, dit « Young » Perez (1911-1945)
Victor Younki, dit « Young » Perez (1911-1945)
« André Steiner est né en Hongrie en 1901. Dans le cadre de sa formation scientifique à la prestigieuse Technische Universität de Vienne, il est l’un des tous premiers utilisateurs du Leica en 1924. Il réalise alors une série de nus de Léa Sasson, dite Lily, sa future épouse. En 1928, face à la montée de l’antisémitisme en Autriche, il quitte Vienne pour Paris. »
« La décennie suivante, André Steiner se consacre entièrement à la photographie, explorant largement ses possibilités. Il ouvre un studio avenue Gambetta, puis rue Louis-le-Grand, et multiplie les collaborations avec la presse. Son expérimentation moderne du médium – usage systématique des déformations, points de vue inhabituels, superpositions… – fait de lui un des tenants de la « Nouvelle Vision ». Ce mouvement né en Allemagne dans l’entre-deux-guerres va renouveler la scène photographique française. »
« Champion de décathlon aux Jeux universitaires mondiaux de 1928, entraîneur de natation à Vienne au club sportif juif de l’Hakoah (« force » en hébreu), André Steiner se spécialise à Paris dans la photographie sportive, encore peu explorée. Il devient un spécialiste du corps en mouvement et du nu. Adepte de l’idéal communiste – il a pris part en 1919 à l’éphémère République des conseils de Hongrie – il considère le corps photographié comme un manifeste autant individuel que social. Dans les années 1930, cette conception morale du corps est partagée par le magazine VU, pour lequel André Steiner réalise des clichés sur le sport et la danse, contribuant à forger le style singulier de la revue. »
« En 1939, il s’engage dans l’armée de l’air française, où il effectue des prises de vue aériennes. Démobilisé en 1940, menacé en tant que juif et étranger, il quitte Paris pour le Midi. Il s’installe à Cannes comme photographe et intègre la Résistance. Après la guerre, André Steiner obtient la nationalité française. De retour à Paris, il se spécialise dans la photographie appliquée à la technique et à la science. »
« Cette exposition est rendue possible grâce à des prêts exceptionnels du musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône et du Centre Pompidou. »
Elle est proposée en partenariat avec Les Douches la Galerie et le Centre culturel hongrois.
Le commissariat est assuré par François Cheval, commissaire indépendant avec Nicolas Feuillie (mahJ).
Autour de l'exposition, le mahJ a conçu des visites guidées avec François Cheval, et Julie Jones, musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, des ateliers danse, de technique photographique et de méthode Feldenkrais .
Parcours de l'exposition
Une photographie engagée
« Pour André Steiner, qui a combattu aux côtés du communiste Bela Kun (1886-1938) lors de l’éphémère république des conseils de Hongrie (mars-août 1919), les mouvements populaires sont source d’inspiration. En France, avec le Front populaire, les salariés accèdent à douze jours de congés payés dont ils peuvent disposer en toute liberté. Et l’on voit ainsi l’irruption joyeuse des ouvriers sur les plages, à la campagne, au plein-air. Steiner regarde défiler devant son objectif cette multitude heureuse en quête de bonheur, d’un nouvel équilibre. »
Danse et photographie
« Dans les années 1930, la danse moderne a établi une riche confrontation avec la photographie. S’éloignant de la tradition académique, influencés par l’expressionnisme allemand, les danseurs et chorégraphes prennent leur inspiration dans les arts primitifs et font du corps le théâtre des pulsions intérieures. Le désir de retour à la nature exalte cet Éden perdu qui doit redevenir un lieu d’épanouissement pour l’homme. Le corps ainsi mis en scène refuse l’industrialisation sauvage et s’insurge face à l’anonymat urbain. La danse est source d’énergie, la possibilité d’un ressourcement nécessaire facilité par des mouvements brusques, angulaires, basés sur une grande tension des muscles de tout le corps. »
La passion du corps
« Le corps fut la grande passion d'André Steiner. Jeune homme, il pratiquait le sport à haut niveau. Les documents familiaux attestent sa rencontre avec Léa au club de l’Hakoah, le cercle sportif juif de Vienne. Steiner y était un des entraîneurs de la prestigieuse section nautique à laquelle appartenait Léa. Au début des années 1950, il explicite sa conception du nu et du modèle. Pour lui, le nu est une fiction « suggérée par l’opérateur… La qualité primordiale d’un modèle est de se prêter comme un pantin désarticulé, de façon à remplir un volume parfois amputé par les ombres, parfois rehaussé par un excès de lumière… ».
Sculpter le corps de l’homme nouveau
« Pour Steiner, photographié dans sa saisie directe, le corps est un manifeste. Il n’a besoin que de lui-même pour s’afficher. L’image se dépouille et se concentre sur l’effort. La quête du mouvement, qui fit le bonheur des premières revues photographiques, se s’efface au profit d’une esthétique sculpturale. Si Etienne-Jules Marey (1830-1904) et Eadweard Muybridge (1830-1904) furent utiles à la compréhension du geste, l’espace photographique des années 1930 se confond avec l’art antique de la statuaire. La pratique collective du sport suspend le soupçon d’indécence de la nudité. Le corps perd sa signification érotique au profit d’un idéal politique. Il s’agit de sculpter l’homme nouveau, au service du changement social. La nouvelle « aristocratie » révolutionnaire de l’entre-deux-guerres, tout en s’inspirant d’un modèle eugéniste, fait de la pratique sportive et de la danse une adhésion à la modernité débarrassée de l’individualisme. »
Le corps parfait
« La pratique de la photographie dans l’entre-deux-guerres et la demande de la presse sportive naissante ne se satisfont pas de corps s’ébrouant dans des paysages bucoliques. Elles exigent désormais la théâtralité du stade pour que le corps exprime ses qualités dramatiques. La photographie illustrera les idéologies totalitaires sur le corps de l’« homme nouveau ». Certes, les photographes de la « Nouvelle Vision » en se mettant à la recherche du perfectionnement gestuel n’adhèrent pas à ce système de pensée. Mais, bien souvent, il vont lui fournir ses codes visuels. Les images parfaites de corps en extension, sans la moindre la trace de graisse superflue, succèdent aux représentations des chairs éclatées et dispersées de la Grande Guerre qui hantent encore les esprits et s’opposent au corps gras du bourgeois ! Le sport et la photographie s’associent à définir la modernité. Ils ont en commun l’idée du partage du moment et de l’instantanéité. Précise par nature, proche dans l’action, la photographie va au-delà de l’enregistrement : elle fige un instant éphémère par nature. Les magazines des années 1930 inventent ainsi la transfiguration d’un acte simple en chant épique. L’image mécanique, soutenue par un verbe louangeur, transcende l’événement pour en faire un véritable phénomène collectif. »
Le sportif héroïsé par la presse
« De nombreuses revues développent sur de doubles pages la géométrie de la mécanique corporelle. L’ascèse n’est plus le moteur de la conception du corps. La photographie sportive renseigne sur la puissance et la richesse des nations. Cette sensibilité nouvelle et l’exaltation de l’exploit sportif sont relayées par le dynamisme de la presse et le développement des techniques de reproduction. La presse se saisit de la photogénie du corps du sportif érigé au rang de demi-dieu, héritier des héros homériques, saisi au plus près. »
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 86 53
Horaires d’ouverture de l’exposition Du mardi au vendredi de 11h à 18h Nocturne le mercredi jusqu'à 21h Samedi et dimanche de 10h à 19h
Visuel :
Affiche
Arabesque aérienne, vers 1935 - Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais © Nicole Steiner-Bajolet
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Les citations proviennent du dossier de presse.
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