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lundi 5 juin 2023

Aracy de Carvalho (1908-2011)

Aracy de Carvalho (1908-2011) 
était responsable des visas au consulat du Brésil à Hambourg (Allemagne) de 1938 à 1942. Elle a aidé des Juifs allemands persécutés par les Nazis notamment en leur accordant des visas pour qu'ils fuient le IIIe ReichEn 1982, elle a été distinguée par le titre de Juste parmi les Nations par Yad Vashem à Jérusalem (Israël). Arte diffusera le 8 juin 2023 à 11 h 40 « Aracy de Carvalho - Une Juste à Hambourg », documentaire de Gabriele Rose. 


Née à Rio Negro (Etat du Paraná, au sud du Brésil), Aracy de Carvalho (1908-2011), dont le père était brésilien et la mère allemande, était polyglotte. De son premier mariage est né un fils, Eduardo.

Elle était chef du secteur des passeports au consulat du Brésil à Hambourg (Allemagne) de 1936 à 1942, année de la rupture des relations diplomatiques entre les deux Etats, et de la déclaration de guerre du Brésil à l’Axe.

Le Président brésilien Getúlio Vargas avait réduit le nombre de visas, et officieusement demandé de ne pas accorder l'asile aux Juifs. "Si le décret-loi n° 406, du 4 mai 1938, présente une liste détaillée des immigrés indésirables qui inclut les Juifs, dès 1935 des Juifs se voient refuser un visa par les autorités diplomatiques brésiliennes. Le texte du décret en question donne aux personnels consulaires un prétexte supplémentaire. Et ce personnel diplomatique, qui joue un rôle fondamental dans la politique de la porte fermée exercée par le pays vis-à-vis des Juifs, suit le plus souvent au pied de la lettre les recommandations. Jusqu’en avril 1941, la question est gérée par une quantité très importante de « Circulaires secrètes » émises à ce sujet par le gouvernement et distribuées aux représentations diplomatiques. Celles-ci sont en effet les principales responsables des procédures d’entrée des étrangers dans le territoire, et ce grâce justement au décret cité de mai 1938 et au décret-loi n° 3.010, du 20 août de la même année, qui en réglemente l’application. La première Circulaire secrète (n° 1.127), signée par le Ministre des Affaires étrangères le 7 juin 1937, traite spécifiquement des restrictions à l’admission de Juifs au Brésil et répond à des pressions exercées en ce sens par des membres du gouvernement et par certains diplomates, inquiets de l’augmentation des demandes de visa de la part des Juifs européens. Ces circulaires expriment clairement – mais discrètement – l’antisémitisme existant au sein des élites politiques brésiliennes ; elles sont pourtant irrégulièrement appliquées : dépendant de l’interprétation de chaque diplomate en poste, elles rendent possible l’existence de négociations au cas par cas, de dérogations et de désobéissances pures et simples. La Circulaire n° 1.249 du 27 septembre 1938 permet une augmentation temporaire de l’entrée des Juifs européens au Brésil, observable notamment pour l’année 1939 : 4.601 juifs entrés, record pour la décennie, contre seulement 530 l’année d’avant1. Etablissant des catégories particulières de Juifs pour lesquelles les visas sont autorisés, ce texte privilégie non seulement scientifiques, artistes et techniciens mais aussi « capitalistes et entrepreneurs » capables de déposer à la Banque du Brésil les montants exigés". (Mônica Raisa Schpun, “Aracy de Carvalho et Margarethe Levy : une amitié née dans l’urgence (Hambourg, 1938)”, Nuevo Mundo Mundos Nuevos. DOI: https://doi.org/10.4000/nuevomundo.2021)

Elevant seule son enfant, Aracy de Carvalho a aidé des Juifs allemands persécutés par les Nazis notamment en leur accordant des visas d'entrée pour qu'ils fuient le IIIe Reich afin de se réfugier au Brésil. "Elle a aussi distribué des vivres, caché certains de ses protégés chez elle ou dans le coffre de sa voiture diplomatique, avec laquelle elle a traversé la frontière danoise." Le nombre exact des Juifs aidés varient d'environ 80 à des centaines. "Certains ont imputé l’initiative à Guimarães Rosa, supérieur dans la hiérarchie consulaire, homme de lettres très important, et homme tout court. S’il était au courant des agissements de sa compagne, il n’y a jamais pris une part active." 

"Certaines notes existant dans les agendas de la Chef du secteur des passeports du consulat se réfèrent de façon discrète à ses actes vis-à-vis des Juifs. Ces notes montrent que les Juifs sauvés n’étaient pas seulement des Hambourgeois. Malgré le découpage de l’Allemagne en circonscriptions différentes, dont la responsabilité est partagée entre les diverses représentations consulaires, Aracy de Carvalho s’organise pour pouvoir aider des personnes dont la résidence ne justifie pas leur passage par les services de Hambourg. Le propriétaire de l’auto-école où elle apprend à conduire, un ancien gardien de la paix de Hambourg, M. Hardner, est devenu l’un de ses amis et, anti-nazi, fournit des fausses attestations de résidence. Ainsi, le 21 novembre 1938, elle écrit dans son agenda : « J’ai reçu de clients de Munich deux coupes de tissu pour faire des robes ». Une semaine après, elle reçoit un bracelet de « clients » venant d’une autre ville (au nom illisible)." (ibid)

"Margarethe Levy était-elle au courant de ces échanges de cadeaux ? Dans son témoignage, elle m’a parlé de deux manteaux en fourrure qu’elle achète pour Aracy de Carvalho, en guise de remerciements, demandant au pelletier qu’il ne les envoie chez sa bienfaitrice qu’après le départ de son bateau pour le Brésil. Dans l’agenda de 1938 d’Aracy de Carvalho on trouve pourtant, à la date du 29 octobre, la deuxième référence faite à Mme Levy : « J’ai reçu de Brager mon manteau en fourrure donné par Gretel L. ». Elles sont déjà intimes à l’époque si l’on tient compte du diminutif de Margarethe employé. Le mode codé de la notation, réutilisé par la suite, apparaît déjà." (ibid)

"La communauté allemande de São Paulo, organisée autour de la Congrégation Israélite Pauliste (CIP), fondée en 1936, compte, parmi ses membres, un petit groupe de Hambourgeois qui se connaissent entre eux, et dont quelques-uns sont arrivés grâce à Aracy de Carvalho..." (ibid)

Lors du pogrom de la Nuit de cristal (9-10 novembre 1938) - "les SS et la Gestapo arrêtent en Allemagne environ trente mille hommes juifs et les enferment dans les camps de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen" -, Aracy de Carvalho a accueilli chez elle Margarethe Bertel-Levy et son mari Hugo, dentiste, tous deux juifs non pratiquants. Elle l'a ensuite aidée, ainsi que d'autres Juifs allemands, à quitter l'Allemagne en toute sécurité, ce qui comprenait des dispositions pour emporter à bord du navire des effets personnels, dont des meubles. Albert Feis, Grethe Jacobsberg, Tuch et Kazenstein et bien d'autres ont bénéficié de son aide. Aux juifs persécutés, elle a concédé des visas pour le Brésil sans y apposer le « J » rouge les identifiant. 

"Les visas donnés aux Juifs voulant quitter l’Europe pour le Brésil sont des visas touristiques. Arrivés au Brésil, ces visas ont une validité de trois mois renouvelable une fois. Au delà des six mois, les porteurs du titre passent à la clandestinité. Ce qui implique plusieurs difficultés d’ordre pratique, à commencer par l’interdiction légale de travailler. Des combines de toute sorte existent, il est vrai, incluant l’entraide communautaire et familiale, et le travail au noir. Mais certains métiers ne peuvent tout simplement pas être exercés dans ces conditions et, plus généralement, les situations irrégulières entraînent la précarité. Sans compter l’instabilité statutaire de ces étrangers, constamment sous la menace d’expulsion. En fait, plusieurs fois évoquées, les mesures d’expulsion ne seront jamais mises en place et des régularisations seront progressivement rendues possibles. Ce qui ne diminue en rien la tension entourant la vie des clandestins, les difficultés financières de leurs familles et la peur d’une expulsion imminente, avec la guerre en Europe en arrière-plan. Margarethe Levy a été très claire à ce sujet, et y est revenue à plusieurs reprises lors de nos rencontres : « un visa temporaire ne servait à rien ». Or, la grande majorité des Juifs en partance pour le Brésil étaient porteurs de ce document, et vivaient, en arrivant, les difficultés qu’il implique. Pour les Levy, grâce à l’amitié qui lie Margarethe et Aracy, les choses se passent autrement. Selon Mme Levy, au moment de faire signer le visa du couple par le Consul, Aracy de Carvalho réussit à glisser, dans un espace blanc du formulaire, et sans que le signataire s’en rende compte, la mention « doit être transformé en visa permanent à l’arrivé ». Mme Levy a affirmé qu’à ses propres risques Aracy de Carvalho aurait couvert cette inscription supplémentaire au moment de soumettre le document à son supérieur hiérarchique. Nous ne pouvons pas savoir si le Consul en question, Joaquim Antonio de Souza Ribeiro, méconnaissait réellement les efforts d’Aracy de Carvalho pour doter son amie d’un visa permanent. Ce qui est sûr, cependant, c’est que l’inscription a été vraiment inclue dans le formulaire, dont Margarethe Levy a reçu une copie - et le visa du couple a effectivement été transformé en visa permanent après leur arrivée." (ibid)

Aracy de Carvalho et le vice-consul et écrivain brésilien João Guimarães Rosa (1908-1967) ont oeuvré au consulat brésilien de Hambourg jusqu'à la rupture des relations diplomatiques entre le Brésil et l'Allemagne, à la mi-1942.

"Les diplomates brésiliens restent en poste jusqu’à la rupture des relations diplomatiques avec les pays de l’Axe, en janvier 1942. Ils sont ensuite internés dans des camps, avant d’être échangés avec des diplomates allemands. C’est le cas d’Aracy de Carvalho et de son compagnon João Guimarães Rosa, qui passent trois mois au camp de Baden-Baden. De retour au Brésil, en attendant la désignation du prochain poste diplomatique de Rosa, le couple s’installe à Rio." (ibid)

João Guimarães Rosa a dédié son ouvrage "Grande Sertão: Veredas" (1956).

Gunther Heilborn, l'un des Juifs allemands sauvés, a nommé sa fille née au Brésil Aracy en l'honneur d’Aracy de Carvalho

En 1982, Aracy de Carvalho a été distinguée, grâce à une initiative de Margarethe Levy qui envoie en Israël en 1980 son témoignage de sauvée, par le titre de Juste parmi les Nations remis par Yad Vashem à Jérusalem (Israël). 

"Lors du quatre-vingtième anniversaire d’Aracy de Carvalho, en 1985, un hommage lui est rendu par la communauté juive brésilienne. Elle déclare alors à l’hebdomadaire Resenha Judaica : « Aujourd’hui encore, à l’âge de 80 ans, si des faits de cette nature recommençaient, je ferais la même chose. Je n’ai jamais eu peur de rien ni de personne » (ibid)

En 2013, "Esse Viver Ninguém Me Tira” ("Cette vie, personne ne peut me l'enlever, documentaire brésilien d'Alessandra Paiva et de Caco Ciocler retrace le parcours d’Aracy de Carvalho.

En 2019, un timbre brésilien de la série Les Femmes brésiliennes qui ont marqué l'Histoire a été édité en son honneur.

« Aracy de Carvalho - Une Juste à Hambourg »
Arte propose des documentaires historiques sous le titre général « Les nazis au pouvoir  - Terreurs, résistances et libération ». « 1933, Adolf Hitler devient chancelier du
Reich. À partir de 1939, l'Allemagne nazie impose au monde guerre et meurtres de masse. De l'horreur de la Shoah à la délivrance, des témoins et des historiens racontent cette funeste période de l'histoire du XXe siècle. Une collection de films documentaires pour mieux retracer la réalité du nazisme. »

Arte diffusera le 8 juin 2023 à 11 h 40 « Aracy de Carvalho - Une Juste à Hambourg », documentaire de Gabriele Rose.

« Sous le IIIe Reich, la Brésilienne Aracy de Carvalho, alors fonctionnaire au consulat de son pays à Hambourg, a sauvé de nombreux juifs en leur délivrant des visas pour le Brésil. Récit d’un parcours inspirant. »

« En 1934, la Brésilienne Aracy Moebius de Carvalho Guimaraes Rosa et son fils quittent leur pays pour l'Allemagne. La jeune femme, qui vient de se séparer de son mari, a décidé de commencer une nouvelle vie dans le pays d’origine de sa mère. Tandis qu'elle commence à travailler au consulat brésilien de Hambourg, elle découvre l’horreur du régime national-socialiste. 

« Révoltée par les persécutions dont sont victimes les juifs, elle décide de faciliter la fuite du plus grand nombre possible d’entre eux. Le Brésil interdit leur accueil sur son territoire à partir de 1937. Aracy de Carvalho dissimule la confession juive de ceux qui souhaitent obtenir un visa. Les autorités allemandes imposent la lettre "J" sur leur passeport à partir d’octobre 1938. La jeune femme se débrouille pour distribuer des visas touristiques... Cette simple agente diplomatique va ainsi sauver des milliers de personnes, prenant des risques considérables. »

« En 1982, le mémorial de la Shoah Yad Vashem de Jérusalem a octroyé à Aracy de Carvalho le statut de "Juste parmi les Nations", un titre accordé aux personnes non juives qui ont risqué leur vie pour protéger des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. » 

« Des descendants d’exilés témoignent et rendent hommage à cette femme inspirante, qu’ils appellent "l’ange de Hambourg". 

« Un portrait poignant, nourri d’archives et d'éclairages d’historiens.


Allemagne, 2022, 91 min
Coproduction : ARTE/NDR, Doclights
Sur Arte le 8 juin 2023 à 11 h 40 
Sur arte.tv du 08/06/2023 au 16/11/2032
Visuels :
© Tess Carvalho Family Collection
© Patrick Popow 

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