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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
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vendredi 2 septembre 2022

Le Décret d'abolition de l'esclavage de 1848

Les Archives nationales 
exposent, dans le cycle Les Essentiels, le « Décret d'abolition de l'esclavage de 1848 ». 
Ce Décret « est mis en regard d'archives replaçant en contexte la réalité de l'esclavage colonial, fait majeur de l'Histoire de France, reconnu en tant que crime contre l'humanité, depuis 2001. Ces documents témoignent du lent processus et des combats menés pour voir aboutir les revendications de liberté, nées des aspirations des populations réduites en esclavage dans les colonies françaises, des Lumières et de la Révolution française ».

« Esclaves blancs - maîtres musulmans » par Lisbeth Jessen 
« Les routes de l'esclavage » par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant

« Créées pendant la Révolution française, rattachées au ministère de la Culture, les Archives nationales conservent les archives publiques des différents régimes politiques du VIIe siècle jusqu’à nos jours, ainsi que les minutes des notaires parisiens et des fonds d’archives privées ».

« Composées de millions de documents, leur valeur tient autant à leur contribution à la connaissance historique et à la mémoire individuelle et collective qu’à leur intérêt patrimonial. Certains de ces documents matérialisent des événements fondateurs de notre histoire. Ils constituent des jalons incontournables dans la construction de notre société contemporaine. Ils sont facteurs de cohésion et interrogent notre présent. »

« Les Archives nationales ont pour missions fondamentales de collecter, conserver, communiquer, faire comprendre et mettre en valeur leurs fonds et favoriser l’apprentissage de la citoyenneté ». 

Lancé à l'automne 2021 avec la présentation de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le cycle Les Essentiels « donne à voir et à comprendre les documents fondateurs de l'histoire de la Nation. Il place le visiteur dans une relation de proximité avec les originaux de documents dont chacun a entendu parler, parce qu'ils sont des marqueurs forts de notre Histoire et qu'ils interrogent aussi notre présent. »

« Signe d’ouverture des Archives nationales sur la société, la programmation du cycle Les Essentiels est déterminée par le choix du public. Cette démarche participative est une première pour les Archives nationales, et positionne l’institution comme un acteur engagé en faveur de la citoyenneté et du débat public. L’exposition de ces textes et la démarche globale illustrent la volonté des Archives nationales de réaffirmer son ADN né de la Révolution française. »

À l’Hôtel de Soubise, les Archives nationales permettent, dans le cadre du cycle Les Essentiels, de « découvrir un document emblématique des collections et de l’histoire de France : le Décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848 ».

Le Décret d’abolition de l’esclavage de 1848 « est mis en regard d’archives replaçant en contexte la réalité de l’esclavage colonial, fait majeur de l’histoire de France, reconnu en tant que crime contre l’humanité, depuis 2001. Ces documents témoignent du lent processus et des combats menés pour voir aboutir les revendications de liberté, nées des aspirations des populations réduites en esclavage dans les colonies françaises, des Lumières et de la Révolution française. »

« Les Archives nationales s’associent à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage dont l’éclairage et l’approche ont été extrêmement précieux pour situer le sujet dans les débats contemporains. L’exposition s’est enrichie, les 1er et 2 juin 2022, d’un colloque ouvert à tous. Intitulé 1848, et après ? Sortir de l’esclavage, ce colloque recontextualise l’abolition de 1848 dans le temps long et dans un processus mondial dans ses conséquences juridiques, sociales, économiques afin de réfléchir aux enjeux mémoriels de celle-ci. »

« À l’automne 2022, l’Ordonnance de 1944 qui accorde le droit de vote aux femmes, et, puis, au printemps 2023, la Loi dite Badinter de 1981 qui abolit la peine de mort, seront à leur tour exposées au public et accessibles gratuitement. »

Le deuxième des quatre rendez-vous du cycle Les Essentiels est donc dédié au « décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848, un document emblématique des collections et de l’Histoire de France ».

« Bien que la caractéristique principale des Essentiels soit la rencontre entre le spectateur et le document original, les Archives nationales ont décidé de décliner l’exposition sur leur site de Pierrefitte-sur-Seine, via des fac similés. En attendant de pouvoir se rendre à l’hôtel de Soubise, les visiteurs peuvent ainsi, en groupe, entre amis, seuls ou en famille, approfondir leurs connaissances sur l’histoire française de l’esclavage jusqu’à son abolition. »

« Le principe des Essentiels est de mettre en lumière un document, connu de tous mais jamais approché dans sa matérialité. La mise en scène est volontairement sobre, centrée sur le document iconique remis en contexte. »

« Trois vitrines présentent le décret de 1848, le premier décret d’abolition de 1794 et afin d’illustrer les conditions de vie des esclaves, le recensement des esclaves d’une « habitation » ainsi qu’une paire d’entraves prêtées par le musée du Nouveau Monde de la Rochelle. Derrière les vitrines, trois grands kakémonos mettent en perspective et approfondissent le propos. Enfin, un entretien vidéo complète la présentation de ces documents administratifs en évoquant, au travers de documents judiciaires, le destin de deux esclaves qui ont lutté contre ce statut inhumain, Joseph Furcy et Jeannette dite Cottier. »

Le Commissariat scientifique - Archives nationales est assuré par Tiphaine Gaumy, responsable du pôle Justice, département de la Justice et de l’Intérieur, et Christophe Bouvier, responsable des fonds de la Cour de cassation au pôle Justice, département de la Justice et de l’Intérieur, et le Commissariat technique - Archives nationales par Éric Landgraf.

La rédaction des textes du livret d’aide à la visite est signée par Tiphaine Gaumy et Dominique Taffin, directrice de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.

« Promulgué le 27 avril 1848, le décret portant abolition de l’esclavage dans les colonies met fin à l’esclavage considéré comme « un attentat contre la dignité humaine » et à la traite d’êtres humains, pratiqués depuis le début du XVIIe siècle dans les colonies françaises au nom d’intérêts commerciaux et encadrés notamment par le « Code noir ». Second décret de l’histoire française à mettre fin à l’esclavage, il est l’aboutissement d’un processus complexe et mouvementé ouvert par la Révolution française, né des valeurs portées par les Lumières et des combats des esclaves et des libres de couleur pour l’émancipation. Acte essentiel dans le mouvement pour la liberté et l’égalité civique, il ne provoquera pas, pour autant, le renversement de l’ordre colonial. »

Le Code noir
Déclarons les esclaves être meubles […] (article 44, Code Noir) 
« Bien que l’esclavage soit contraire au droit du royaume de France, sa pratique est établie dans les îles françaises des Antilles depuis 1625 au moins, dans le sillage de l’entreprise coloniale européenne dans le monde atlantique et dans l’océan Indien. »
« La colonisation de la Guadeloupe et de la Martinique en 1635, puis celle de l’île Bourbon (La Réunion) et de Tobago en 1649, d’une partie d’Hispaniola (Saint-Domingue), 1640-1665, de la Louisiane, découverte en 1673, colonisée à partir de 1699, et de l’île de France (Maurice), 1715, entre autres, et le développement de la culture de la canne à sucre et du café qui, à partir de 1660, tend à remplacer celles du tabac et de l’indigo sur ces territoires favorisent la traite négrière qui fournit la main-d’oeuvre nécessaire à l’exploitation des propriétés (les « habitations »). »
« Concédée par le pouvoir royal à plusieurs compagnies commerciales puis encouragée par des primes au XVIIIe siècle, la traite déporte entre 1,5 et 2 millions d’Africains vers les colonies françaises. En 1682, la Martinique recense ainsi 9634 esclaves noirs, soit 68 % de la population totale de l’île, et 314 métis qui posent avec acuité la question du statut des enfants « mulâtres » nés d’une mère esclave. »
« En avril 1681, Louis XIV charge le secrétaire d’État à la Marine, Jean-Baptiste Colbert, d’élaborer une réglementation qui régira le fait esclavagiste dans les colonies des Antilles rattachées au domaine royal depuis 1674. »
« Pour le rédiger, il s’appuie sur les intendants et gouverneurs qui compilent les usages, décisions et règlements locaux. Près de quatre années, ponctués de brouillons et de rapports préliminaires aujourd’hui conservés aux Archives nationales d’outremer et aux Archives nationales, seront nécessaires pour aboutir au texte final promulgué en mars 1685 sous le titre d’Ordonnance sur les esclaves des isles de l’Amérique ou Édit du roy servant de règlement pour le gouvernement et l’administration de justice et de la police des isles françoises de l’Amérique et pour la discipline et le commerce des nègres et esclaves dans ledit pays. »
« Le texte est enregistré, souvent après modifications, par les conseils souverains des différents territoires, d’abord en Martinique et en Guadeloupe (1685) puis dans la partie française de la colonie de Saint-Domingue en 1687, en Guyane en 1704. Communément appelé « Code noir » dans les éditions imprimées, il sera étendu à l’Île Bourbon et à l’Île de France en 1723, à la Louisiane en 1724 selon une nouvelle version promulguée en mars 1724, qui durcit les conditions de vie des esclaves. Il reste en vigueur jusqu’en 1848 dans ses principales dispositions. »
« Tout en affirmant la primauté du pouvoir royal aux colonies, il fait de l’esclavage un fait pleinement légal. Composé de 60 articles, il règle le statut des esclaves ainsi que les relations entre maîtres et esclaves. Il tranche le débat juridique sur le statut des enfants métis dont la situation pouvait jusqu’ici varier d’une île à l’autre. Dorénavant, les enfants nés de parents esclaves sont eux-mêmes esclaves et appartiennent au maître de la femme esclave. Dans tous les cas, ils suivent la condition de leur mère. Les esclaves n’ont aucune personnalité juridique, mais peuvent être jugés au pénal. Les procédures judiciaires d’alors montrent la défaillance des maîtres sur la fourniture d’habillement, de soins et de nourriture, et la complaisance de la justice locale qui sanctionne rarement ces abus. »
« Par la suite, divers autres textes tentent d’améliorer les conditions de vie des esclaves¤: on peut citer notamment l’ordonnance du 18 août 1762, qui institue les « jardins à Nègres », lopins de terre que les esclaves exploitent à leur profit, l’ordonnance royale du 15 octobre 1786 qui prévoit que toute habitation de plus de vingt esclaves doit posséder une case servant d’hôpital. »

La première abolition de l’esclavage de 1794 ; un acte fort mais temporaire
« Alors que la traite atteint son apogée dans la 2e moitié du XVIIIe siècle et que les révoltes et le marronnage se multiplient dans les colonies, les critiques envers l’esclavage et la traite se durcissent, dans les milieux éclairés. La contradiction philosophique avec les valeurs humanistes des Lumières éclate dès la Déclaration des droits de l’homme en 1789. Le parti colonial bataille pour que la liberté et l’égalité des droits proclamées dans le 1er article ne s’appliquent ni en outremer, ni aux esclaves, ni aux libres de couleur. Ainsi, si la loi du 16 octobre 1791, qui porte que « tout homme est libre en France, et que, quelle que soit sa couleur, il y jouit de tous les droits de citoyen s’il a les qualités prescrites par la Constitution », réaffirme le vieux principe régulièrement bafoué au XVIIIe siècle que le « sol de France affranchit l’esclave », ce texte évite la question de l’esclavage dans les colonies. »
« Il faut attendre la loi du 4 avril 1792 pour que l’égalité des droits politiques entre Blancs et libres de couleur dans les colonies soit affirmée. »
« À Saint-Domingue, où s’opposent les esclaves qui se sont soulevés depuis 1791 et les colons royalistes, et dans un contexte de guerre, le commissaire civil abolitionniste Léger-Félicité Sonthonax proclame la liberté générale pour le nord de l’île le 29 août 1793¤: la proclamation de 38 articles, qui sera bientôt étendue à toute l’île, invoque explicitement les Droits de l’homme, abroge la législation royale sur les esclaves, mais maintient l’obligation de travail des cultivateurs sous peine de sanctions. Cet acte décisif, relayé par les nouveaux députés républicains des Antilles, est entériné et généralisé par la Convention, le 4 février 1794. »
« Désormais « l’esclavage des Nègres, dans toutes les Colonies, est aboli ; en conséquence (…) tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens Français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution ».
« Cette première abolition se révèle précaire et inégalement appliquée : dans l’océan Indien, les colons empêchent son application, tandis que la Martinique, Tobago ou Sainte-Lucie, passées aux mains des Britanniques, n’en connaissent pas les effets. En Guadeloupe et en Guyane, dès 1802, Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, rétablit l’esclavage, au prix d’une répression sanglante. Le retour à l’ordre esclavagiste s’accompagne d’une législation explicitement basée sur la couleur. »
« À Saint-Domingue, en revanche, il échoue à reprendre en main l’île, provoquant ainsi l’indépendance d’Haïti en 1804 qui devient, au XIXe siècle, un symbole de libération dans les colonies d’Amérique et un épouvantail pour les pouvoirs métropolitains. »

Abolitionnisme et projets de réforme coloniale
Le décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848
« Dans le premier tiers du XIXe siècle, au Royaume-Uni et aux États-Unis, le mouvement abolitionniste se renforce, d’abord contre la traite : les Anglais, qui l’ont abolie en 1807, l’imposent à Louis XVIII en 1815. »
« Le trafic esclavagiste, bien qu’illégal, se poursuit néanmoins activement jusque dans les années 1830 et même au-delà. Dans les colonies, les propriétaires freinent toute mesure libérale. »
« En 1833, la fin de l’esclavage est décidée dans les colonies britanniques, portée par une opinion publique favorable, mais en France, marquée par l’expérience de Saint-Domingue, le mouvement abolitionniste ne prend de la vigueur qu’au cours des années 1830. Ses partisans penchent d’abord majoritairement pour une abolition graduelle, après une préparation morale et intellectuelle des esclaves. »
« Dès 1834, cependant, Cyrille Bissette, homme de couleur martiniquais, préconise l’abolition immédiate. »
« Dans les années 1830-1840, ce que certains nomment les « complots » d’esclaves se multiplient dans les colonies. »
« Les recours en Cour de cassation, devant laquelle peuvent être portés des pourvois des colonies à partir de 1828 seulement, ouvrent des espoirs : en 1831, le cas du nommé Louisy Adzée, reconnu comme libre de fait par la Cour de cassation, malgré l’absence d’un acte écrit de son maître, fait jurisprudence et permet de confirmer le statut de 2000 libres en Martinique. »
« En 1834, à La Réunion, Joseph Furcy-Madeleine, au terme d’une procédure éprouvante de 27 ans, se voit reconnaître la liberté que sa mère avait acquise mais qui lui avait été déniée. »
« La Monarchie de Juillet, malgré un considérable corpus d’enquêtes et de propositions pour mettre fin à l’esclavage, ne parvient pas à passer à l’acte, confrontée au conservatisme des planteurs. Tout juste parvient elle à « l’adoucir », notamment par les lois Mackau de 1845, qui instaurent l’instruction religieuse et « le rachat forcé ». »
« Les plus clairvoyants des colons, en 1847, acceptent l’idée de l’émancipation, en contrepartie d’une indemnisation importante, et de garanties de la poursuite du travail par leurs anciens esclaves. Comme en 1794, c’est la République qui abolira l’esclavage pour la deuxième fois. »
« En 1848, le gouvernement provisoire mis en place à l’abdication de Louis-Philippe compte plusieurs anciens membres des sociétés abolitionnistes (Lamartine, Arago) : avant même la constitution des nouvelles chambres législatives, le décret du 4 mars 1848 stipule que « nulle terre française ne peut plus porter d’esclaves » et instaure une commission, présidée par Victor Schoelcher, nommé sous-secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies par François Arago et avec le soutien du ministre de l’Intérieur Alexandre Ledru-Rollin. La mission de Schoelcher est d’établir les termes du décret d’abolition et de « proposer les moyens les plus sages pour assurer le travail avec la liberté ». Composée de sept membres dont une majorité d’abolitionnistes, comme Gatine, Perrinon et Wallon, la commission recueille, entre le 6 mars et le 21 juillet 1848, les témoignages de fonctionnaires, d’hommes de couleur libres (dont Cyrille Bissette) et de délégués des colonies, villes portuaires, etc. La commission reste intransigeante sur le caractère immédiat de cette émancipation mais les discussions sont âpres sur la question de l’indemnisation, de l’organisation du travail et de la citoyenneté pleine et entière donnée aux nouveaux libres. »
« Le décret d’émancipation, publié le 27 avril 1848, avec ses neuf articles, volontairement brefs, a une portée morale, juridique, politique et économique. Précédés par un puissant préambule rappelant que « l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine », six articles précisent le caractère absolu et général de l’abolition¤: toutes les colonies (comptoirs africains et Algérie compris), toutes les variantes de l’esclavage (comme l’engagement à temps au Sénégal) sont concernées. »
« En interdisant à tout Français à l’étranger, sous peine de déchéance de nationalité, de pratiquer la traite ou de posséder des esclaves, et en garantissant la liberté aux esclaves touchant le « sol de France », il porte un coup aux intérêts transnationaux des esclavagistes français, empêche toute colonisation nouvelle de tolérer l’esclavage et s’inscrit dans la tradition révolutionnaire de la France. En effet, en 1848, seuls, Haïti, puis, plusieurs pays hispanophones d’Amérique latine, la Suède, le Danemark et surtout le Royaume-Uni ont mis fin à l’esclavage. »
« Deux articles dessinent aussi l’évolution du rapport colonial : le principe d’une indemnité pour les anciens propriétaires, à laquelle Schoelcher était pourtant opposé, leur donne des gages de maintien de l’ordre économique ; en instaurant la représentation des colonies à l’Assemblée nationale, le décret donne une consistance à l’exercice de la citoyenneté et esquisse l’assimilation du régime politique des colonies en prévoyant le suffrage universel masculin, l’instruction publique gratuite, la moralisation par la structure familiale, l’aide sociale, le travail, le système bancaire et le régime hypothécaire, la liberté de la presse, etc. »

La liberté arrachée,
L’émancipation encadrée : la fin de l’esclavage mais le maintien du système colonial
« L’annonce de l’émancipation prochaine entraîne des réactions variées selon les territoires. La tension est palpable en Guadeloupe et en Martinique. Du côté des esclaves, l’impatience redouble, notamment en Martinique, où l’arrestation d’un esclave à Saint-Pierre provoque un soulèvement le 22 mai. Face à la situation insurrectionnelle, le gouverneur Rostoland proclame l’émancipation dès le 23 mai, quinze jours avant l’arrivée du commissaire de la République Perrinon, porteur du décret d’abolition. »
« Le 27 mai 1848, pour prévenir les troubles qu’a connus la Martinique, Layrle, gouverneur de la Guadeloupe, y déclare l’état d’urgence et anticipe aussi le décret par la proclamation « Il n’y a plus d’esclaves à la Guadeloupe ». En Guyane et à la Réunion, l’émancipation se fait dans les délais prévus (2 mois après l’annonce sur le territoire concerné), respectivement les 10 août et 20 décembre 1848. En revanche, l’application sera chaotique en Algérie, au Sénégal et à Mayotte. »
« L’abolition est annoncée notamment par voie d’affichage, avec des proclamations dont la typographie et les formulations étudiées visent à maintenir un contrôle social ferme, sous un ton paternaliste. Ces affiches appellent les anciens esclaves à poursuivre un travail présenté comme seul susceptible de leur donner « toute la dignité d’homme libre » et annoncent la lutte contre le vagabondage. Elles s’adressent aussi aux anciens maîtres en les rassurant sur leur indemnisation. Car l’enjeu pour le pouvoir est de maintenir les colonies sur le plan social, économique et politique. »
« La loi du 2 mai 1849 accorde finalement 12 millions de francs, dont la moitié forme le capital des banques coloniales, pour toutes les colonies soit près de 250 000 esclaves, contre les 90 millions évalués en 1848. Si dans le cas de Saint-Domingue l’indemnité aux colons avait été imposée au nouvel État d’Haïti, elle est pour les autres colonies, prise en charge par l’État français. »
« Pour le régime foncier, le statu quo est maintenu, la terre restant aux mains des propriétaires, et la revendication des nouveaux libres de posséder leur case et leur jardin n’est pas prise en compte. Les nouvelles modalités du travail (salariat, métayage, association, etc.) ne se mettent pas en place comme l’avait rêvé Schoelcher. »
« Les colons, d’abord à la Réunion, puis aux Antilles et en Guyane, se tournent vite vers une nouvelle main-d’œuvre recrutée en Afrique, en Inde et même en Chine, « les engagés », et traitée dans des conditions proches des anciens esclaves malgré leur contrat de 10¤ ans. Cette main d’oeuvre exploitée permettra de maintenir des bas salaires et de poursuivre la production sucrière, dans un contexte de mutation industrielle. »
« Dès 1849, la réaction coloniale amplifiée par le retour d’un régime autoritaire en 1851, laisse le goût d’une abolition inachevée, qui ne réalise pas le projet de citoyenneté et d’égalité annoncé, et demeure marquée par le paradoxe inhérent au projet d’une République colonisatrice au nom des droits de l’homme. Texte essentiel pour les plus de 250 000 hommes et femmes émancipés en 1848, affirmation éclatante des droits humains, le décret d’abolition de 1848 est autant une rupture qu’un jalon dans l’histoire de la colonisation française dans ces territoires. »


Du 12 mai au 5 septembre 2022
Hôtel de Soubise
60, rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris
Du lundi au vendredi de 10 h à 17 h 30. Samedi et dimanche de 14 h à 17 h 30. Fermé le mardi. Entrée gratuite


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