lundi 11 avril 2022

« Histoire de l’antisémitisme » de Jonathan Hayoun

Arte diffusera le 12 avril 2022 dès 20 h 55 « Histoire de l’antisémitisme » (Eine Geschichte des Antisemitismus), série  documentaire "islamiquement correcte" en quatre parties de Jonathan Hayoun. « De l’Antiquité jusqu’à nos jours, le dense récit de deux millénaires d’intolérance et de persécution à l’égard des juifs, étayé par les éclairages passionnants d’une pléiade de chercheurs. » Une confusion entre antijudaïsme et antisémitisme.

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Jonathan Hayoun a été président de l'UEJF (Union des étudiants Juifs de France), syndicat qu’il a maintenu ancré à gauche et partisan de la « Solution-à-deux-Etats », de 2011 à 2013. Fondateur de InProdWeTrust, diplômé en Master de Communication Politique Paris XII et en Master de Production audiovisuelle INA'Sup, il a réalisé le documentaire « Sauver Auschwitz ?  »

Il est le co-auteur avec Judith Cohen Solal de La Main du diable, comment l'extrême droite a voulu séduire les Juifs de France (Grasset, 2019), Les Adieux au Général  (Robert Laffont, 2020) et Zemmour et nous  (Bouquins, 2022).

« Fondée sur les travaux de nombreux chercheurs – historiens, théologiens, islamologue, psychanalyste, anthropologue… –, cette traversée de deux millénaires d’antisémitisme impressionne par sa riche iconographie, son érudition et sa densité. Elle accable aussi, tant l’histoire se répète ».

« Aux brèves accalmies (la période Al-Andalus, la Pologne des XVIe et XVIIe siècles…) succèdent des torrents de haine, le fléau voyageant à travers l’Europe. Battant en brèche l’idée d’un rejet immémorial, la série montre par quels ressorts l'antisémitisme, instrumentalisé pour des raisons religieuses, politiques ou économiques, s’est construit et recyclé à travers le temps ». Bref, le mythe al-Andalus est véhiculé en édulcorant la dhimmitude.

« Les nazis ont par exemple puisé dans l’imagerie moyenâgeuse pour stigmatiser leurs contemporains. Mais ces persécutions ont paradoxalement renforcé l’existence de la communauté juive, qui s’est structurée à force d’être ramenée à une identité fantasmée ». 

« Cette histoire des discriminations est donc aussi celle d’une émancipation et d’une résistance, des protestations du philosophe Philon au Ier siècle à l’épithète rageuse de Robert Badinter (interviewé dans la série) contre le négationniste Robert Faurisson, qualifié de "faussaire de l’histoire", en passant par le poème du Russo-Israélien Haïm Bialik en réaction au pogrom de Kichinev de 1903. Cette œuvre littéraire, pour une fois suivie d’effet, exhortait les juifs à "se réveiller" et provoqua un exode massif vers des terres plus hospitalières. »

« Pourquoi la haine des Juifs n’a-t-elle cessé de renaître au fil des époques ? »

« Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, des bords de la Méditerranée à ceux de la Volga, de la péninsule espagnole aux forêts polonaises, plus de 2000 ans d’histoire sont portés pour la première fois à l’écran ! Cette série croise la route de personnages aussi variés que Staline et le pape Jean XXIII, Hitler et Alfred Dreyfus, le roi Louis IX dit Saint-Louis et Spinoza. La narration s’appuie sur les études et analyses de grands universitaires. Elle voit se succéder iconographies d’époque, photographies et documents filmés »

« De l’antijudaïsme à l’antisémitisme  moderne, ce grand récit documentaire  explore les multiples facettes du phénomène, de ses origines jusqu’à nos jours, avec l’aide d’une trentaine d’experts internationaux, en s’appuyant à la fois sur un corpus d’archives et sur des images historiques en 3D élaborées à l’origine par Ubisoft pour sa série Assassin’s Creed. » (Ubisoft)


« Aux origines, 38-1144 » (So begann es: 38 – 1144)
« Épisode 1 : les historiens situent le premier massacre en 38, à Alexandrie, qui abritait une communauté juive florissante, ce qui déchaîna la fureur des Égyptiens. » Un pogrom évoqué par Philon. Une date qui écarte l'histoire relatée par la Bible.
Quatre millions de juifs vivent alors sur le pourtour méditerranéen.

« Dès le IIe siècle, l’ardeur du prosélytisme ruine l’entente entre chrétiens et juifs, les premiers accusant les seconds de déicide ». 

« En 413, saint Augustin publie La cité de Dieu. Ce livre influera durant près d’un millénaire sur la place dans la morale chrétienne des juifs, "peuple témoin" qu’il s’agit à la fois de protéger et d’assujettir, une idée reprise ensuite par les musulmans ». 

« Aux XIe et XIIe siècles se déroulent les premières croisades, qui combattent les musulmans mais aussi les juifs, vus comme l’ennemi intérieur. »

"Le mot même de dhimmitude est extrêmement controversé et politisé. Il touche un élément essentiel de la politique internationale puisque toute la politique d’Eurabia s’est fondée sur le mythe andalou, « l-islam-religion-de-paix-et-d-amour » construit et propagé dès le début du XXe siècle par l’Empire allemand allié de l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale, puis par le Troisième Reich", m'a confié Bat Ye'or le 12 avril 2022.

Et cette essayiste a explicité : "Comme le mot antisémitisme qui désigne un élément particulier à la civilisation judéo-chrétienne et que les juifs ashkénazes, aidés par des chrétiens, ont eu la force et le courage d’imposer à la conscience chrétienne, les juifs sépharades, porteurs d’une autre histoire – celle de la dhimmitude différente de l’antisémitisme car elle y associe les chrétiens, les zoroastriens, les bouddhistes, les hindouistes –, doivent parler de la dhimmitude. Ceci exige deux actions : voir le phénomène et lui donner un nom. Tant que l’objet n’est pas nommé, il n’existe pas. C’est pourquoi Dieu a fait défiler les animaux devant Adam et lui a dit de les nommer. C’est pour les faire exister devant son regard."

Bat Ye'or a conclu :"Il faut donc parler de la dhimmitude pour la faire exister, pas de l’antisémitisme dans l’islam car l’antisémitisme est une notion appartenant à un contexte particulier : le judéo-christianisme et se définissant par les concepts de déicide, de crucifixion d’un Christ (Messie) rédempteur, concepts inexistants et incompréhensibles dans l’islam, tandis que la dhimmitude naît du terreau islamique : théologie et juridiction. Il faut la faire connaître pour arriver à la paix avec les musulmans. La dhimmitude ne doit pas faire partie de l’histoire de l’antisémitisme, c’est une autre histoire". 


2e partie : « Le temps du rejet 1144-1791 » (Ablehnung: 1144 – 1791)
« Aux XIIe et XIIIe siècles, la situation des juifs en Europe se dégrade ». 

« Les souverains durcissent les règles sous l’influence d’une chrétienté qui s’étend et leur confère une légitimité ». 

« Ils vont s’astreindre à rendre visibles des juifs que rien ne distinguait du reste de la population, à travers une iconographie délirante (nez crochus, chapeaux pointus…) et des mesures discriminatoires, tel le port de la rouelle, anneau jaune dont la couleur, symbole de traîtrise, resurgira sous l’ère nazie ». 

« En 1290, les premières expulsions surviennent en Angleterre avant de gagner l’Europe de l’Ouest. » 




3e partie : « De l’émancipation à la Shoah 1791-1940 » (Emanzipation - Shoah: 1791 - 1945)
« Sous l’influence des révolutionnaires français, de nombreux juifs accèdent à la citoyenneté en Europe ». 

« Mais l’essor industriel amène de nouvelles formes d’hostilité ». 

« Le poids de la religion diminuant, l’antisémitisme s’appuie désormais sur des théories raciales ». 

« Les juifs servent aussi de bouc émissaire à un courant socialiste populiste qui réactive le cliché moyenâgeux du "juif homme d’argent" et leur impute la misère ouvrière ». 

« Sous l’impulsion du journaliste Theodor Herzl émerge le mouvement sioniste et la revendication d’un État refuge ». 

« En 1903, le pogrom russe de Kichinev indigne la communauté internationale ». 

« Le XXe siècle est aussi marqué par l’avènement du régime hitlérien, à la doctrine ouvertement antisémite. »

4e partie : « Les nouveaux visages de l’antisémitisme 1945 à nos jours » (Der neue Antisemitismus: 1945 bis heute)
« Après la Shoah, la communauté internationale découvre avec stupeur l’extermination de 6 millions de juifs ». 

« Pourtant, l’antisémitisme n’a pas disparu, comme en témoigne le pogrom de Kielce, en Pologne, où des rescapés des camps sont massacrés ». 

« Après la proclamation de l’État d’Israël en 1948, les populations juives doivent, en majorité, quitter les pays arabes. » 

« En 1965, à l’issue du concile Vatican II, l’Église met fin à deux mille ans d’antijudaïsme. »

« Après une période d’accalmie dans les années 1960, l’antisémitisme adopte de nouveaux visages. »


« 
Dans une série documentaire très riche, le réalisateur Jonathan Hayoun dissèque les mécanismes de l’antisémitisme depuis l’Antiquité, mettant en lumière les permanences et les évolutions. Entretien. Propos recueillis par Laetitia Moller.
 
Quelles étaient vos intentions de départ et les écueils que vous souhaitiez éviter ?
Jonathan Hayoun : Avant tout, notre récit devait être le plus rigoureux possible. Nous nous sommes appuyés sur les travaux de près de trente chercheurs issus d’une dizaine de pays différents. L’enjeu était ensuite de rendre sensible la permanence de l’antisémitisme depuis l’Antiquité tout en éclairant la façon dont il se recycle selon les époques. Enfin, il était essentiel que ce récit ne se limite pas à une histoire de violences visant des victimes passives : il était essentiel d’éclairer le combat de ceux qui ont lutté contre l’antisémitisme dès ses origines.

Remonter à l’Égypte ancienne implique de produire des images inexistantes. Comment avez-vous procédé ?
Nous avons mélangé les supports. Un partenariat avec Ubisoft, qui réalise les reconstitutions historiques en 3D les plus abouties du secteur, nous a permis d’utiliser des extraits de plusieurs éditions du jeu vidéo Assassin’s Creed, mettant en scène l’atmosphère et les paysages de l’époque. À cela nous avons mêlé des animations, les archives existantes et des images de tournage en Europe sur les traces encore vivantes de cette histoire.

Comment passe-t-on de l’antijudaïsme religieux à l’antisémitisme ?
Cette transformation progressive survient à partir du moment où l’on ne déteste plus seulement les juifs parce qu’ils pratiquent une religion différente, mais parce qu’ils seraient les serviteurs du Mal et la cause de tous les maux. Certains historiens situent cette bascule au XIVe siècle avec l’invention des lois de pureté de sang en Espagne. D’autres se focalisent sur l’invention du mot "antisémitisme" au XIXe siècle. Quoi qu’il en soit, ce qui était jusqu’alors un outil religieux devient un instrument politique.

Les stéréotypes antijuifs ont souvent des racines très anciennes...
Au fil des époques, les prêcheurs de haine recyclent des motifs enracinés dans des siècles d’imagerie. Le nez crochu et le port d’un signe distinctif de couleur jaune apparaissent ainsi dans les iconographies chrétiennes dès le XIIe siècle. L’association entre juifs et argent apparaît à la même période lorsque, interdits d’exercer certaines professions, les juifs sont contraints de pratiquer les métiers de prêteurs sur gage et de collecteurs de taxe. Cette stigmatisation se retourne contre eux et on les accuse de vouloir accaparer le pouvoir financier.

Dans le dernier épisode, vous pointez les nouvelles formes de l’antisémitisme, parmi lesquelles l’antisionisme radical. N’est-ce pas une assertion plus polémique ?
Selon moi, elle ne l’est pas. Et si le sujet est plus inflammable, il n’était pas question de l’éviter tant il est présent dans l’antisémitisme du XXe siècle. Il ne s’agit pas de pointer toute critique politique à l’égard de l’État d’Israël, tout à fait légitime. L’antisionisme radical peut faire appel à une position de détestation et de diabolisation, ancrée dans des stéréotypes très anciens. On les applique à un État, mais la mécanique est la même : le "complot sioniste" remplace le "complot juif".


« Histoire de l’antisémitisme » de Jonathan Hayoun
France, 2022 
Production : Effesvescence Doc, Arte France, avec le soutien du CNC, l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Fondation Alain de Rothschild et la Claims Conference.
Écrite par Jonathan Hayoun, Laurent Jaoui et Judith Cohen Solal
Produite par Simone Harari Baulieu
Conseillers historiques : Annette Wieviorka et Denis Charbit
Montage : Yvan Demeulandre, Vincent Trisolini et Grégory Balga
Chef Opérateur : Olivier Raffet 
- En partenariat avec Ubisoft et des extraits du jeu Assassin's Creed capturés par Ruben Thiar
- Les séquences Dessin et animation 2D sont l"oeuvre de Léonard Cohen avec Raphaëlle Cohen.
Graphisme : Martin Wiklund et Thomas Fage
Chargée de production : Jeanne Cloquet
Documentaliste : Firouze Mahmoudi-Blossier
Musique originale : Julien Deguines
Avec la voix de Christian Gonon de la Comédie-Française 
Sur Arte :

1ère partie
  (52 minutes) : 12 avril 2022 à 20 h 55
Visuels :
Reconstitution en 3D de la ville d' Alexandrie
Dessin illustrant les " Croisades
© Effervescence Productions

2e partie  (57 mn) : 12 avril 2022 à 21 h 45
Visuels :
© Effervescence Productions

3e partie 
(58 mn) : 12 avril 2022 à 22 h 45
Visuels :
Représentations anti-juives
Illustrations sur l' affaire Dreyfus
© Effervescence Productions

4e partie  (57 mn) : 12 avril 2022 à 23 h 45
Visuels :
© Effervescence Productions
Sur arte.tv du 05/04/2022 au 10/06/2022

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