vendredi 17 décembre 2021

« La bonne conduite » d’Arnaud Bédouet

Arte diffusera le 17 décembre 2021 « La bonne conduite » (Führerschein und nichts wie weg) d’Arnaud Bédouet. « De retour dans la cité où il a grandi, un militaire accepte de reprendre les rênes de l’auto-école de son père, gravement malade. Avec sa mosaïque de destinées entravées, ce "feel good movie" balaie avec générosité les clichés sur la banlieue. »

« Quinze ans déjà que Pierre, maître principal dans la Marine nationale, a largué les amarres de la cité du nord de la France où il a grandi. Après des années de silence, il fait sur la pointe des pieds son retour entre les tours après avoir appris que son père, avec lequel il a coupé les ponts, est hospitalisé. Pour épauler Félix, le seul employé de l’auto-école paternelle, il accepte d’assurer un temps l’intérim auprès des candidats au permis de conduire. Mais entre les valeurs et les principes défendus bec et ongles par ce militaire de carrière et la débrouille, le dilettantisme, la pesanteur des rigueurs religieuses et la petite criminalité à l’œuvre chez les habitants de ces grands ensembles, le fossé semble difficile à combler… »

« Divorcé et père d’un ado qu’il n’a pas vu depuis des années, Pierre (Alban Lenoir) s’accroche à ses convictions. Il se tient en voiture comme dans sa vie : rivé sur le siège passager. »

« Taciturne et rigide, le militaire veut remettre au pas Félix (Olivier Saladin), le salarié brouillon de son père (André Wilms), et mener à la baguette ceux qui se succèdent à ses leçons de conduite ». 

« Derrière le volant prennent place Mata, une perspicace jeune femme, Nasser (Riadh Belaïche), volubile organisateur de concerts de rap, Yaguël, vieille dame appelée à conduire jusqu’au bled la voiture familiale ». 

« Il y a aussi le bouillonnant Rachid, qui trempe dans des deals peu orthodoxes, et surtout Yasmina (Naïlia Harzoune), une jolie mère de famille en mal d’amour. Dans le huis clos de l’habitacle, les langues se délient, les trajectoires et les secrets se révèlent... Pierre, petit à petit, s’ouvre à ceux-là mêmes qu’il avait tant cherché à fuir. »

« Avec tendresse, Arnaud Bédouet (Clandestin) réunit un petit monde en mosaïque, contraint de livrer bataille pour prendre la main sur son destin ». 

« Se jouant des clichés attachés à la banlieue, le réalisateur orchestre avec brio la générosité des modestes, l’énergie des jeunes issus de l’immigration et leurs rêves d’un monde meilleur. Un "feel good movie" à la chaleur humaine contagieuse. »

Ce que montre le réalisateur de cette banlieue, gangrenée par les trafics, illustre le "grand remplacement". Hormis l'employé accommodant de l'auto-école, l'inspecteur du permis de conduite stéréotypé et les policiers, nul autre "Français de souche" que Pierre et son fils. A noter que ces Français de souche sont pauvres, parfois paumés. Quant aux personnages issus de l'immigration, ils sont épiciers, retraités, agent artistique d'un group de rap ou à la profession ignorée ; certains, au vocabulaire restreint, massacrent la langue française, surveillent, insultent et méprisent les jeunes femmes, dédaignent ou haïssent les Français chrétiens - à cet égard, la réaction initiale du demi-frère de Pierre. Blessée par les préjugés sexistes la visant, une jeune femme d'ascendance africaine en quête d'autonomie, préfère envoyer de l'argent dans son pays d'origine pour acheter une maison, plutôt que d'utiliser cet argent pour quitter cette banlieue. On cherche vainement des habitants juifs ou d'origine asiatique.



Propos recueillis par (ARTE magazine)

"Au travers d’une histoire de filiation contrariée, Arnaud Bédouet brosse le portrait amusé d’une cité de banlieue au travers d’une auto-école, point de convergence d’une poignée de personnages attachants. La bonne conduite est la seconde fiction du réalisateur après Clandestin, récompensée par quatre prix au Fipa en 2010 et par le Prix Europa."

"Quel a été le point de départ de cette fiction ?
Arnaud Bédouet : En général, mes idées viennent de personnages. Je m’intéresse à ceux auxquels on donne peu la parole, ou qui sont souvent réduits à des archétypes. J’essaie de les enraciner dans une réalité. Dans La bonne conduite, c’est précisément à ses racines que Pierre se retrouve confronté. J’avais envie de raconter le parcours d’un homme à l’esprit cloisonné qui, en revenant dans le quartier qu’il a quitté, voit ses préjugés battus en brèche. L’auto-école, quant à elle, m’est apparue comme un biais idéal pour explorer les non-dits, les recoins cachés de mes protagonistes. La voiture est en effet un peu comme un cabinet de psychanalyse sur roues : elle est un espace clos, hors du temps, où peut se libérer une parole intime et libre.

Pourquoi avez-vous choisi d’aborder par la comédie des sujets difficiles comme la filiation, le poids des conventions, la précarité ?
Il est exact que mes sujets sont souvent graves, que ce soit au théâtre avec ma pièce Kinkali, ou dans mon précédent film Clandestin ! Mais je suppose que mon tempérament me pousse à amener de l’humour dans la manière de m’en emparer. Cette forme de pudeur, de décalage par rapport à leur gravité, me convient bien. En ce sens, je me sens très influencé par les comédies sociales anglaises, ou par le cinéma d’Aki Kaurismäki.

La force de votre film repose en grande partie sur son casting et ses personnages très attachants...
J’ai un goût immodéré pour le travail avec les comédiens, probablement nourri par le fait d’être acteur moi-même. J’essaie d’instaurer une relation confidentielle avec chacun d’eux, et de les accompagner non pas en expliquant la psychologie de leurs personnages, mais en les regardant. Pour moi, c’est la force de l’attention qui dirige les comédiens, et la volonté de ne pas lâcher une scène tant qu’on n’a pas la note souhaitée. Autour d’Alban Lenoir, tout en rigidité fragile, et d’Olivier Saladin en moniteur anticonformiste, je trouve que chacun d’eux apportent, par son originalité, une incarnation réjouissante et profonde aux personnages dont j’avais rêvé."


« La bonne conduite » d’Arnaud Bédouet
France, 2021, 95 min
Scénario : Arnaud Bédouet
Production : La Boîte à Images, ARTE F, Pictanovo
Productrice : Mathilde Muffang
Image : Marc Romani
Montage : Isabelle Dedieu
Musique : Philippe Miller
Avec Alban Lenoir (Pierre), Olivier Saladin (Félix), André Wilms (Serge), Aïmen Derriachi (Rachid), Naïlia Harzoune (Yasmina), Jisca Kalvanda (Mata), Riadh Belaïche (Nasser), Tata Milouda (Yaguël), Benjamin Quique (Hugo)
Sur Arte le 17 décembre 2021 à 20 h 55
Disponible du 10/12/2021 au 17/02/2022

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