mercredi 3 mars 2021

« Les déportés Juifs de France rescapés de la Shoah »

La mezzanine du Mémorial de la Shoah Paris accueille l’exposition « Les déportés Juifs de France rescapés de la Shoah ». 74 182 Juifs ont été déportés de France métropolitaine vers les camps nazis, d'où près de 4 000 en sont revenus. Inauguré en 2005, rénové, mais incomplet et « arabiquement ou islamiquement correct », le Mur des Noms [des Juifs déportés de France] a été inauguré le 27 janvier 2020 par le Président de la République Emmanuel Macron.

Dans le cadre du 75e anniversaire de la découverte des camps, le Mémorial de la Shoah présente plusieurs expositions sur ses sites à Paris - 
« Les déportés Juifs de France rescapés de la Shoah » - et à Drancy. Le Commissariat scientifique de cette exposition est assuré par Thomas Fontaine, historien, directeur du Musée de la Résistance nationale, et Karen Taïeb, responsable des Archives du Mémorial de la Shoah, et la coordination générale par Lucile Lignon, responsable des expositions temporaires.

« En 2005 est inauguré le Mur des Noms, composé d’un ensemble de trois murs en pierre de Jérusalem sur lesquels sont gravés les noms et années de naissance des 76 000 enfants, femmes et hommes Juifs, dont 11 400 enfants. Ils ont été déportés de France parce que définis comme juifs entre 1942 et 1944, et par les nazis avec la collaboration du gouvernement de Vichy ».

« Seulement quelques milliers de rescapés sont revenus en 1945 ».

Retrouver sa famille et ses amis, récupérer son domicile et des vêtements, remplir des formalités administratives, poursuivre sa scolarité ou sa carrière professionnelle, effectuer un choix essentiel - rester en France ou rejoindre un autre Etat ou la Palestine mandataire (passeport de Georges Judkowski visé le 17 août 1945 "par les services de l'émigration du gouvernement de Palestine") -, découvrir le sort des siens durant sa déportation, dire ce qu'ont été la déportation et les camps nazis, survivre avec ses cauchemars... 

L'exposition décrit des parcours de rescapés de la Shoah et les "chemins du retour à la vie". Relate l'historiographie des déportations et du recensement des déportés et rescapés de la Shoah. Réunit un "certificat provisoire" de dispartion délivré par le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre, des affiches annonçant notamment le livre "Retour d'Auschwitz", "reportage saisissant" de Guy Kohen, la lettre de ce "rescapé d'Auschwitz" proposant le 24 juin 1945 au Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés de renseigner des familles sur le sort des leurs et l'entrefilet dans la presse du 10 août 1945 visant la même finalité. Montre le carnet ou cahier dans lequel Ady Fuchs relate ses souvenirs dès son retour en France... 

Le Mur des noms
Au Mémorial de la Shoah, le Mur des Noms est formé de plusieurs pans en pierre blanche sur lesquels sont listés, année par année et par ordres chronologique des convois et alphabétique les noms des déportés Juifs de France.

« Par ce monument de pierre blanche, les victimes disposent désormais d’un lieu faisant office de pierre tombale et les familles d’un lieu de recueillement ». 

« Les victimes, inscrites par année de déportation et dans l’ordre alphabétique des noms, ne restent pas des chiffres ou des statistiques mais bien une multitude de personnes aux histoires individuelles. »

« Mais cette liste des « survivants » des camps n’a jamais été établie avec certitude, malgré l’estimation pionnière de 2 500 personnes publiée par Serge Klarsfeld dans le Mémorial de 1978 ».

« Aujourd’hui, plusieurs travaux récents permettent d’avancer des réponses ». 

« Débutée en 2014, l’enquête menée par le Mémorial de la Shoah répond à cet enjeu de mémoire autant que de recherche historique ». 

« Pour cela, sa base de données et ses archives collectées depuis la Libération ont été utilisées, et complétées par des recherches et l’étude de très nombreuses sources, tout particulièrement le fonds du Service historique de la Défense. »

« Au-delà du nombre à établir, il s’agit avant tout de retrouver des histoires de vie et des histoires de mort, de comprendre les mécanismes de la survie, d’enrichir notre documentation sur les survivants ». 

Ainsi, en 1978, lors de la publication du Mémorial de la déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld, avocat, historien, président de l'association des Fils et Filles des déportés juifs de France et membre du Bureau de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, avait identifié 2 500 rescapés. Une étape historique majeure.

En 2012, l'édition revue et augmentée "
regroupe les noms des Juifs déportés depuis la France, morts dans les camps d'internement français et exécutés en France. Cette nouvelle édition rassemble les noms, prénoms, noms de jeune fille, âge, date et lieu de naissance, adresses, villes, camps de rassemblement des 74 182 Juifs déportés de France. Elle apporte des milliers de précisions supplémentaires quant aux lieux d'arrestation. De nombreuses corrections orthographiques ont également été apportées. Cet ouvrage dresse le bilan global de la Shoah en France et illustre l'ampleur de la tragédie qui a touché les Juifs sur tout le territoire. Un CD-Rom interactif est également disponible pour faciliter la recherche des familles et le travail des chercheurs. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah a soutenu les recherches menées dans le cadre de cette nouvelle édition"

« En 2015, Alexandre Doulut, Serge Klarsfeld et Sandrine Labeau publiaient les noms de 3 359 personnes dans l’ouvrage 1945. Les rescapés juifs d’Auschwitz témoignent (éditions Après l'oubli / FFDJF). Mais les noms de nombreux rescapés manquaient encore. Certains d’entre eux étaient restés inconnus parce qu’ils avaient succombé peu de temps après la libération des camps, dans des sanatoriums, dans des hôpitaux ou chez eux ; d’autres étaient morts dans les années 1946-1947, sans avoir eu le temps de laisser des traces administratives qui représentent autant de sources pour les chercheurs aujourd’hui ; d’autres, réfugiés de Belgique, de Hollande, d’Allemagne, d’Autriche ou de Pologne, étaient rentrés chez eux après leur rapatriement sans passer par la France ; d’autres encore avaient préféré émigrer en Palestine, aux USA, en Australie ou ailleurs. Parmi ceux qui étaient restés en France, certains s’étaient tenus à l’écart de toute association et le ministère des Anciens combattants n’avait pas pour mission de communiquer leurs noms. »

« Autant d’éléments qui ont amené les auteurs à se mettre en quête de nouvelles archives. Aujourd’hui, cette recherche est terminée : le nombre de rescapés juifs déportés de France avoisine désormais les 4 000. Alexandre Doulut, auteur avec Sandrine Labeau du livre Les 473 déportés juifs de Lot et Garonne (éditions Après l'oubli / FFDJF, 2010), Serge Klarsfeld et Sandrine Labeau publient dans ce livre leurs noms ainsi que de nouveaux témoignages. » "Le Lot-et-Garonne se trouve en zone libre et il est séparé de la Gironde occupée par la ligne de démarcation. Le département est sous juridiction de la préfecture régionale de Toulouse pendant cette période... En Lot-et-Garonne, quelques particularités se dégagent par rapport aux statistiques nationales : 94 % des déportés sont des étrangers, contre 68 % en France, il y a moins d’enfants et moins de vieillards qu’ailleurs en France - les déportés sont surtout des quadragénaires ou des quinquagénaires qui n’ont pas d’enfants à charge avec eux -, enfin, la présence de trois fermes-écoles de l’Organisation-Reconstruction-Travail (ORT) dans le département a eu un impact non négligeable sur le nombre des déportés : 40 déportés sur 473, soit 8,5 %, y ont été arrêtés". 

Puis, en 2018, a été publié le « Mémorial des 3943 rescapés juifs de France » d’Alexandre Doulut, historien membre de la commission Mémoire et Transmission de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de Serge Klarsfeld, et de Sandrine Labeau (The Beate Klarsfeld Foundation / FFDJF / Après L'oubli). 

« En mars 2018, le Mémorial de la Shoah a lancé une campagne nationale de crowdfunding pour financer la rénovation du Mur des Noms ». 

« En effet, de 2005 à aujourd’hui, les équipes du Mémorial ont compilé des centaines de corrections notamment grâce aux familles et aux archives nouvellement accessibles ». 

« Après 3 campagnes de corrections ponctuelles, la rénovation complète du Mur des Noms a permis de procéder aux modifications orthographiques de 1823 noms, 1097 prénoms et 1498 dates de naissance, et de rajouter 175 noms manquants. »

«  Débutée en 2014, l’enquête menée par le Mémorial de la Shoah répond à cet enjeu de mémoire autant que de recherche historique. Pour cela, sa base de données et ses archives collectées depuis la Libération ont été étudiées et complétées par des recherches et l’utilisation de très nombreuses sources. Au-delà du nombre à établir, il s’agit avant tout de retrouver des histoires de vie et des histoires de mort, de comprendre les mécanismes de la survie, d’enrichir notre documentation sur les survivants.  »

« Alors que le nouveau Mur des Noms a été inauguré » le 27 janvier 2020, « cette exposition présente le premier état de cette recherche ».

Pourquoi l'absence sur ce Mur des noms de Juifs sépharades déportés de Tunisie ? Rappelons que la Tunisie était alors un protectorat français dont des Juifs ont été déportés vers les camps nazis. Citons par eux : Victor Cohen Hadria, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunis, tué à Auschwitz. Cette interrogation ne résulte pas d'une concurrence des mémoires mais d'une réflexion historique sur la Shoah qui visait tout le peuple Juif, où qu'il se trouve : en France métropolitaine, dans ses départements ou son empire, en Amérique, etc.

Lors de l'inauguration de ce Mur rénové composé de plusieurs éléments, le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré au Mémorial de la Shoah le 27 janvier 2020 :
« “Ir zen do”, vous êtes là, survivants, filles et fils de rescapés qui portaient leurs souvenirs. 
Vous êtes là, comme pour répondre à l'Histoire, la regarder en face, s’en souvenir, la conjurer. L'émotion, l'honneur d'être parmi vous, témoins, passeurs de mémoire se mêle ce jour aux images d'horreur sur lesquelles le monde a ouvert les yeux il y a 75 ans, jour pour jour, lorsque, le 27 janvier 1945, les soldats de la brave Armée rouge découvrirent une plaine de Pologne battue par les vents, hérissée de barrages et de barbelés, d'où s'échappaient les râles d'agonie de 7 000 spectres. Ces soldats horrifiés dans la Pologne occupée par l'Allemagne nazie ne savaient pas encore qu'ils venaient de pénétrer avec la plus grande force dans ce qui était le plus grand charnier de l'histoire, qu’ils marchaient sur les cendres d'un million 100 000 morts, que d'autres usines de la mort comme celle-ci allaient porter le nombre de juifs assassinés à 6 millions, qu'au même moment, d'autres s'éteignaient sur les chemins d'Europe poussés par des SS fuyant l'avancée russe dans d’interminables marches funèbres, emportés par l'épuisement, la faim, le froid glacial. L'ultime martyre de ceux qui avaient réussi à survivre à l'enfer des camps. L'immense camp d'Auschwitz sembla presque vide aux libérateurs. 7 000 agonisants, ça n'était plus qu'une poignée d'êtres qu'ils pouvaient encore espérer sauver du plus grand crime de l'humanité. Le silence assourdissant des morts, le regard exorbité et l'impossible maigreur des survivants lancés à la face de l'Europe, de la France, la honte de leur passivité et l'horreur suprême de leur complicité, car parmi les morts de la Shoah, 75 568 étaient Français, livrés avec la participation active du Gouvernement de Vichy. Leurs 75 568 noms, 75 568 actes d'accusation, 75 508 injonctions aux souvenirs sont gravés à jamais dans la pierre. Eux qu’on priva de nom pour les réduire à un matricule retrouvent ici une identité. Eux dont on voulu effacer jusqu'à la trace de leur existence et qu'on priva de sépulture, trouvent ici une pierre tombale. Eux qu’on voulu anéantir à jamais gagnent ici l'éternité. C'est pourquoi cette rénovation est si vitale. Graver sur ce mur de nouvelles dates, ajouter les noms de ceux qui n'y figuraient pas encore, corriger des orthographes qui étaient inexactes montrent que nous continuons à vouloir tout recueillir, tout savoir pour tout dire, pour ne rien oublier, tout savoir, c'est la quête inlassable de milliers d'hommes et de femmes qui ne laisseront pas s'éteindre la flamme du souvenir. Les premiers artisans de la mémoire, ce furent les juifs opprimés eux-mêmes. Face à la tentative d'effacement de leurs noms, de leurs visages, de leurs vies même, certains ont immédiatement compris l'urgence de dire, de garder, de témoigner. Ils ont écrit et archivé tout ce qu'ils pouvaient avec les seules armes qu'ils avaient : la plume contre le fusil, l’encre contre le sang. Ces carnets, ces journaux, ces mémoires souvent rédigés en yiddish, ont constitué les pierres de fondation du travail des historiens. La société d'après-guerre préféra ne pas poser de questions, oublier avant même de savoir, ne pas entendre les voix douloureuses, ne pas voir les stigmates des matricules. À sa parution en 1947, le chef d'œuvre de Primo LEVI, « Si c'est un homme », ne s'est vendu qu’à 1 500 exemplaires. Si les témoignages des survivants ont fini par percer la chape de silence, et en France sans doute un peu plus tôt qu'ailleurs, c'est grâce au travail d'hommes et de femmes qui ont eu le courage et la force de livrer leurs récits, de raconter, et ceux qui ont recueilli, publié, diffusé leur parole. Je veux ici particulièrement rendre hommage au travail d'Isaac SCHNEERSOHN qui, dès la guerre, à Grenoble, au cœur de la nuit, commença ce travail ; au travail de Léon POLIAKOV et toutes ces chaînes que vous venez de rappeler.
Grâce à eux, Grenoble a abrité le premier centre de recherche consacré au génocide. Et ce sont eux qui ont œuvré pour l'ouverture à Paris, en 1953, de ce Mémorial de la Shoah, le premier au monde. Je salue les œuvres qui ont dessillé les yeux du public de « Nuit et Brouillard » à « Shoah », les inlassables passeurs qu’ont été les membres de l'Association des fils et des filles de déportés juifs de France, Raymond ARON, Henri MICHEL, Claude LANZMANN, Alan RAYNER, Serge et Beate KLARSFELD et tant et tant d'autres. Eux aussi, à leur manière, à leur tour, furent des Justes. C’est grâce à eux en effet que la conscience de la barbarie a frayé son chemin dans nos esprits jusqu’à aboutir en 1995 à la reconnaissance de la culpabilité de l’Etat français par le président Jacques CHIRAC. C’est grâce à eux qu’a pu se déployer le travail de l’Histoire qui sont les ténèbres et les lueurs de ces années terribles. Ce travail n’est pas terminé, il est sans doute sans fin. Il n’est pas terminé et il nous faut encore collecter les traces, les preuves pour lutter contre l’oubli et poursuivre. Vous l’avez rappelé, parmi tous ces noms, il y en a parmi les plus émouvants, ceux qui ne sont pas encore. Ces enfants dont le nom n’a pas encore été trouvé et qui montrent combien le travail des historiens et des archives demeure indispensable. Alors j’appelle aujourd’hui à ce que chacun et chacune dans notre pays apporte ici au Mémorial ses archives, ses archives individuelles et familiales. Que ces carnets qui paraissent innocents, ces lettres retrouvées, soient à chaque fois vus comme des traces indispensables qui aideront à poursuivre ce travail des historiens et ce travail de mémoire. Apportez vos archives individuelles et familiales ici au Mémorial car ce travail doit se poursuivre pour retrouver ces noms, pour lutter contre l’oubli et tout négationnisme, pour continuer ce qui ici est parfaitement conduit : la trace, la connaissance, la transmission. Leurs lueurs furent alors les greniers, les trappes et les planchers creux qui se sont ouverts à ceux qui étaient traqués. Les tampons d’employés de mairie qui ont scellé des passeports pour la liberté. Les écoles, les fermes, les villages qui ont caché des enfants juifs. Les couvents, les presbytères dont les portes closes ont sauvé des vies. Les mains que les Justes ont su tendre aux innocents. Celles du Père Jean FLEURY, de la Sœur Marie ARNOL, du pasteur Charles WESTPHAL, de Jean LECANUET, d'Edmond MICHELET, de tant et tant d’autres, de militaires et de policiers, d’enseignants, d’artistes, de chefs d’entreprise, de médecins, de sportifs, de femmes et d’hommes anonymes prenant tous les risques pour eux et leurs familles. Tous ceux qui ont permis aux trois-quarts des juifs de France de survivre à l’extermination. 240 000 personnes, 59 000 enfants. C’est dans leur humanité, leur courage, que l’honneur et l’espoir ont su trouver sur le sol français leur dernier retranchement. Et ici dans notre Mémorial pour nos enfants, c’est cette double dette qui figure. Dette en y inscrivant le nom de nos martyrs, dette en y plaçant le nom des Justes, l’inoubliable et l’espérance. Des “jamais” et des “toujours”, notre époque en a parfois une conception relative. Les chagrins éternels se consolent, les mausolées s'écroulent, les marbres se fissurent. Peu de choses résistent à l'oubli qui nimbe les noms et les lieux d'une brume de plus en plus opaque jusqu'à les noyer dans la grisaille des siècles. Mais le “plus jamais” que nous dicte la Shoah est un impératif catégorique. Le souvenir de l'horreur ne doit pas s'estomper, la Shoah ne doit pas cicatriser. Elle doit rester une plaie vive au flanc de l'humanité, au flanc de notre République. Notre vigilance doit sans cesse être éclairée par notre mémoire, scruter la haine dans notre passé pour mieux la déceler dans notre présent. Qui aujourd'hui ne voit l'insupportable regain de l'antisémitisme qui rentre dans notre Europe, dans notre pays ? Qui ne voit ce mal souterrain progresser, qu'il porte son visage de toujours ou qu'il emprunte les masques nouveaux de la haine islamiste, de l'antisionisme ? « Le pire est toujours possible », avertissait Simone VEIL. Le pire rôde chaque jour. Au printemps 2019, des symboles nazis sont réapparus sur les murs dans les cimetières de France. Aujourd'hui encore parce qu'ils sont nés juifs des femmes, des hommes, des enfants sont insultés, méprisés, frappés, parfois tués. Cet antisémitisme qui revient n'est pas le problème des juifs, c'est notre problème à tous. C'est le problème de la République car c'est le visage de la haine de l'autre. C'est le frère indissociable du racisme, de toutes les exclusions. C'est la négation de notre héritage et de nos idéaux. Alors nous ne céderons rien. Ne rien céder, forts de l'adoption d'une nouvelle définition de l'antisémitisme, celle de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, nous traquerons l'antisémitisme, le racisme sous toutes ses formes, la haine qui s'affiche au grand jour comme celles qui se tapissent dans l'ombre et l'anonymat des réseaux en ligne. Ne rien céder, 868 lieux de culte juifs font l'objet d'une surveillance renforcée. Les associations qui appellent à la violence sont dissoutes, des équipes d'enquêteurs spécialisés sont mises sur pied sur tout le territoire et nous poursuivrons. Ne rien céder parce que l'ignorance a toujours creusé le lit du racisme et de l'antisémitisme. Nous continuerons à éveiller les générations futures à l'amour de la démocratie par le souvenir des victimes de l'Holocauste, par le témoignage des survivants, par les traces, par l’apprentissage. Le travail de mémoire et l’éducation sont nos antidotes et vous voir, Messieurs les ministres de l’éducation nationale ici ensemble, français et allemand, c’est la preuve que ce travail de vérité et de transmission saura se poursuivre et donner à notre jeunesse cette force. Nous continuerons. Nous continuerons à emmener les enfants de France dans ce mémorial, celui de Drancy, au camp des Milles, à la maison d’Izieu, dans tous nos lieux où ces traces comme ce combat se portent, à leur raconter sans cesse, à leur faire rencontrer dans leur livres d’histoire les visages des 11 400 enfants juifs de leurs âges qui perdirent la vie. Nous continuerons, oui, à nous remémorer leurs histoires, en Israël à Yad Vashem où j’étais la semaine dernière, à Auschwitz, comme ici au plus près de ce drame français à nous incliner et nous recueillir devant leurs noms, à les lire tous les ans pendant 24 heures, en un psaume de douleur et de rédemption que nos voix intérieures relaieront à jamais encore et encore car le récit des vies de ceux qui sont tombés, le récit des vies de ceux qui ont survécu est désormais inarrêtable et sera toujours transmis. “Mir zaynen do”, nous sommes là. C'est le soupir que beaucoup d'entre vous ont poussé lorsque vous êtes rentrés chez vous après avoir échappé à la mort. C'est un bout de ce poème que vous avez chanté comme un hymne de survie et d'espoir. Vous aviez vécu le pire mais vous étiez là. C'était malgré tout une défaite de la bête immonde. Aujourd'hui, c'est au nom du peuple français que je reprends ces mots “Mir zaynen do”, nous sommes là et nous ne céderons pas, nous ne nous déroberons pas et de toutes nos forces, nous continuerons à porter vos récits, à graver vos noms. Nous continuerons sans relâche à raconter la Shoah, à dire son unicité et à ce titre, à conduire le devoir de lucidité qui nous enjoint à toujours regarder notre passé pour bâtir le présent. Nous élèverons nos enfants dans le souvenir et la vigilance pour leur donner cette force d'âme, la vôtre, celle des Justes, pour que jamais plus l'humanité ne sombre dans l'horreur, l'horreur d'elle-même. Et j'ai confiance. J'ai confiance en nous. Nous étions, il y a quelques jours à Roglit, dans ce lieu, Serge, Beate, que vous avez voulu penser et qui a inspiré. Ce mur dénonce (inaudible) ce mur inauguré le 18 juin 1981 et nous étions là avec quelques-uns d'entre vous, vous étiez là. Il y avait les 80 000 arbres devant nous et une jeune virtuose s'est mise à interpréter le chant des déportés et elle jouait sur un violon qui venait du ghetto de Varsovie, puis qui avait été dans les camps et que les nazis avaient voulu casser et un luthier l'avait réparé et j'entendais derrière moi sur cet air de violon, le murmure. Le murmure des fils et filles de déportés, les survivants qui étaient avec nous, qui chantaient. Rien de tout ça n'aurait dû être là. Cette jeune femme qui jouait au violon, c'est la transmission par l'éducation. Ce violon réparé, c'est la résistance la plus extrême. Ce violon était, lui aussi, revenu de tout et ce murmure, c'est ce chant que des enfants avaient retenu de leurs parents et qu'ils continuaient à fredonner avec eux. J'ai confiance parce qu'il y aura d'autres violons, d'autres jeunes filles qui apprendront cet air et d'autres pour le fredonner avec et nous le ferons. Et devant votre forêt d'arbres, c'était la formidable leçon, pas simplement du souvenir. Non ! D'une mémoire vivante, d'une transmission et d'un esprit de combat, ensemble réconcilié.
C'est la mission du Mémorial de la Shoah.
C'est la promesse de la République française.
C'est notre serment face à l'Histoire.
Vive la République, vive la France ! »
Le 30 janvier 2020, à Nice, un mur comportant les noms des 3486 Juifs déportés depuis la côte d'Azur, édifié sur la Colline du Château, a été inauguré en présence d’édiles, de Serge et Beate Klarsfeld.


Du 26 janvier 2020 au 29 août 2021
Dans la mezzanine
17, rue Geoffroy–l’Asnier. 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72
Visuels :
Fiche d’inscription d’Hélène Persitz au « centre d’accueil parisien » dépendant de la Fédération nationale des centres d’entr’aide, rue d’Artois à Paris, mai 1945. © Mémorial de la Shoah / Coll. Persitz. Le centre d’accueil parisien de la Rue d’Artois, dépendant de la Fédération Nationale des centres d’entraide, délivre secours et vestiaire aux déportés rapatriés. ©Mémorial de la Shoah/coll. Persitz.

De Gleiwitz, le 12 mars 1945, André Berkover adresse une lettre à son père et à sa sœur pour les informer de ses localisations successives et de son retour prochain. ©Mémorial de la Shoah/coll. Berkover

Carte de rapatrié délivrée à Marie Royal. ©Mémorial de la Shoah/coll. Frydman.

Les citations sont extraites du communiqué de presse. 

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