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vendredi 17 janvier 2020

« La journée de la jupe » par Jean-Paul Lilienfeld


« La journée de la jupe » (Heute trage ich Rock!), film réalisé par Jean-Paul Lilienfeld (2008), a suscité un intérêt, ainsi qu'un succès, publics et critiques dans le monde. Ce long métrage a été adapté par son auteur au Théâtre des Béliers parisiens dans une mise en scène de Frédéric Fage. « Au bord de la crise de nerfs, Sonia, professeure dans un collège de banlieue, bascule dans la prise d'otages... Un état des lieux sans concession de l'impasse éducative ».

Henri Alekan (1909-2001), directeur de la photographie
L'acteur Roschdy Zem, un « coeur qui bat pour la paix » selon SaphirNews 

En 2004, Jean-Pierre Obin a remis son rapport intitulé Les Signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires au ministre français de l'Education nationale. Quatre ans plus tard, « La journée de la jupe » en offrait une illustration inquiétante en montrant l’antisémitisme, la violence, le sexisme, la misogynie et la délinquance d’élèves issus de la « diversité culturelle » au sein d’un lycée de « zone sensible dans la société multiculturelle » française. Et son grand succès d’audience a révélé qu’il répondait à l’attente par des citoyens d’un langage de vérité.

Film
« Professeure de français dans un collège « sensible », Sonia Bergerac s’obstine à venir en cours en jupe, malgré la désapprobation de son principal, dépassé par la déliquescence de son établissement. Au bord de la dépression nerveuse, récemment quittée par son mari, elle vit de plus en plus mal sa difficulté à enseigner, la discrimination dont les filles sont victimes, comme le racisme de certains élèves ».

« Lorsqu’elle découvre une arme dans le sac de l’un d’eux, elle s’en empare et, paniquée, prend sa classe en otage. Intervention du Raid, angoisse des parents, négociations, vacarme médiatique… : dans le huis clos de la classe, l’envers de la cité se révèle… »

« Au bord de la crise de nerfs, Sonia, professeure dans un collège de banlieue, bascule dans la prise d'otages... Un état des lieux sans concession de l'impasse éducative et un rôle à la démesure d'Isabelle Adjani. Avec également Denis Podalydès, Yann Collette et Jackie Berroyer ». « À travers ce scénario culotté d’une prise d’otages dans un collège de banlieue, Jean-Paul Lilienfeld dresse un état des lieux vertigineux de l’impasse à laquelle est confrontée l’Éducation nationale ».


« Car ce film « sur la corde raide », en rupture avec le politiquement correct, emprunte avec virtuosité les codes de la fiction et du cinéma d’action pour éclairer, sans concession, la complexité des enjeux : violence et confusions identitaires des élèves, enseignants à bout de souffle, laïcité en péril, aveuglement de la hiérarchie, démission des politiques… »

« Teintée d’un humour du désespoir, cette puissante dramaturgie montre surtout combien les tensions de la cité retentissent sur la vie scolaire, jusqu’à l’implosion ».

« Haletant, à fleur de peau, La journée de la jupe offre un rôle à la démesure d'Isabelle Adjani, Sonia, d’une flamboyante fragilité, passant de l’hystérie à la drôlerie, face à de jeunes comédiens à l’irrésistible énergie ».

Il a été difficile de trouver le financement de « La Journée de la jupe » : « Le cinéma n'en a pas voulu, c'est vrai. Il faut leur demander. On avait une ou deux chaînes qui n'étaient pas contre mais comme nous n'avions aucun distributeur en salles, le projet était mort. En fait, les adjoints des patrons étaient très enthousiastes. Chez Pathé, il y avait des gens qui avaient envie de le faire. J'ai même reçu un coup de fil un dimanche soir de l'un d'entre eux qui voulait non seulement distribuer le film mais prendre des parts de coproduction dans le film. Et puis, comme le sujet est sensible, les adjoints devaient en référer à leurs patrons, qu'ils soient ou non le propriétaire de la boîte. Et c'est là que la décision a été bloquée sur le mode « On ne touche pas à ça »... Ils se sont dit : pourquoi aller s'embêter avec un sujet difficile, potentiellement polémique, quand il y a tant d'autres films plus simples à faire ? Et puis, il y a la peur irraisonnée. L'un d'entre eux a justifié son refus en disant : « Je n'ai pas envie que ma maison saute ». Comme s'il allait encourir je ne sais quelle fatwa en distribuant La Journée de la jupe ... Il faut dire aussi que je n'étais pas en cour. Mon dernier film avait été un échec commercial… J’ai vécu de zéro à 18 ans à Créteil. J'ai l'occasion d'y retourner et j'ai vu ce que c'est devenu. Le déclic d'écriture, je l'ai eu en regardant les reportages à la télévision lors des émeutes dans les banlieues en novembre 2005. Dans l'un deux, une mère de famille disait qu'elle couchait devant sa porte pour empêcher ses fils de descendre dans la rue. Mais ils étaient tellement en colère que, lorsqu'elle s'endormait, ses fils l'enjambaient et sortaient quand même... Ce qui me frappait dans ces images, c'est qu'on ne voyait aucune fille », a déclaré le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld au Point (23 mars 2009).

« Avec ses 2,25 millions de spectateurs lors de sa première diffusion en 2009, La journée de la jupe est l'un des plus beaux records d'audience d'ARTE » avec 9,7% de parts de marché. Puis, ce film a été distribué en salles de cinéma et présenté à la Berlinale 2009. Un score explicable aussi par les apparitions rares d’Isabelle Adjani et des thèmes tabou enfin abordé.

Recevant le prix de meilleure actrice aux Globes de cristal 2010, Isabelle Adjani a déclaré : « Une jupe, ce n'est qu'un bout de tissu, mais qu'elle soit courte ou qu'elle soit longue, ce symbole peut nous aider à gagner une bataille contre l'obscurantisme, et même contre ce qu'il convient d'appeler la haine des femmes ».

En 2010, « La journée de la jupe » a reçu les César de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani, du meilleur film et du meilleur scénario original.

Le 20 avril 2018, Jean-Paul Lilienfeld a posté ce message sur sa page Facebook et sur son site Internet :
"Je dédie à Audrey Garric, dont vous allez pouvoir admirer la performance dans cette vidéo ou elle descend mon film, cette pensée d'Umberto Ecco:
"Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui, avant, ne parlaient qu'au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu'aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. C'est l'invasion des imbéciles. "
Habituellement on met des critiques dithyrambiques pour inciter les gens à regarder un film. J'ai choisi l'inverse: vous montrer ce qu'une partie des bien-disants, de ceux qui expliquaient comment il fallait penser, disaient du film à l'époque.
Car le genre de critique que vous allez voir est emblématique de la réaction d'une partie de la presse au moment de la sortie du film. Choqués qu'ils étaient par le propos qui contredisait le dogme auquel ils s'accrochaient tous, mais incapables d'argumenter sur le fond, c'est à dire de me prendre en défaut d'inexactitude sur ce qui était montré, ils s'attaquaient à la forme.
Le film était ridicule, mal joué, mal filmé... mal tout quoi!...
Peu importe que @Audrey Garric, la "journaliste" improvisée critique soit elle-même mauvaise, parlant faux, jouant très mal les 3 secondes qu'elle avait choisi de jouer, et n'ait aucun argument autre que la dénégation gratuite. Il faut être dans la note et descendre ce film au propos incorrect. Ce genre d'auto-promotion sur le dos de mon travail, et parfois même de ma personne, a fait flores à l'époque parmi les aspirants journalistes en mal de reconnaissance.
Quand aux leader d'opinion, ceux de la presse reconnue, les "Influenceurs" de l'époque qui donnait le "La" de ce qui était bien ou mal, beaucoup s'en sont donné à cœur joie... voici quelques extraits non exhaustifs...
De Bruno Girard dans le Nouvel Obs: La journée de la jupe: la triple impostureOu encore Emily Barnett dans les Inrock toujours à la pointe de la pensée vertueusement morale: "Mais derrière les caricatures d’un prof qui lit le Coran pour se rapprocher de ses élèves, ou d’un proviseur taxé de lâcheté parce que pas assez restrictif, c’est un retour aux bonnes vieilles méthodes répressives qui est finalement défendu. En réalité, la posture anti-langue de bois n’est qu’un écran de fumée dissimulant (mal) une pensée plutôt réac."
Dominique Widemann dans l'Humanité: "Nous n'y adhérons pas plus qu'aux vertus républicaines du Karcher, au fantasme de la cité invisible d'où seule l'émeute pourrait advenir. Hors champ."
Jacques Mandelbaum dans Le Monde "(...) Le problème, c'est que tout y est tellement simplifié, tellement cousu de fil blanc, qu'on a l'impression que le réalisateur prend a priori son public pour une classe à éduquer."
CONCLUSION
Audrey Garric est aujourd'hui journaliste au service planète du Monde. Sa pertinence cinématographique n'a honteusement pas été appréciée à sa juste valeur.
Mon film à eu depuis 22 prix dans le monde. Il a honteusement été surestimé par ceux qui ne savent pas penser.
Et même Le Monde a été victime du succès de mon film! Si vous tapez dans les recherches du site du journal "La journée de la Jupe" vous trouvez 511 articles qui emploient cette expression.
Un titre de film "cousu de fil blanc" passé dans le langage courant? Un comble!🖕"
Avec 900 000 téléspectateurs, Arte a ce soir-là enregistré un record d'audience en se positionnant en première place des chaines de la TNT.

De la Journée de la jupe au Hijab Day
S'il fut un temps où il était "révolutionnaire" pour une femme d'enfiler des pantalons, depuis quelques décennies, porter une robe ou une jupe, même couvrant les genoux, s'avère mal perçu dans des "zones sensibles".

Outre son succès d'audience télévisée, ce film a connu une diffusion mondiale, de Russie à Israël, qui a surpris son auteur.

La portée de ce film-alerte non "politiquement correct" a été contestée, voire dévoyée, atténuée, aseptisée par diverses manifestations : "Hijab Day" à Sciences Po, port de la jupe par des élèves garçons, etc. Et ce pour ne pas stigmatiser celles portant le foulard islamique, au nom de l'égalité hommes/femmes !?

L’idée d’une Journée de la jupe a émergé en 2006 dans un lycée technologique d’Etrelles, près de Rennes. Au niveau régional, c’est le « Printemps de la jupe et du respect ».

L'association féministe Ni putes ni soumises a appelé toutes les femmes à porter une jupe lors de la journée contre les violences à leur égard, le 25 novembre 2010.

En 2012, le collège Roger-Vailland de Poncin (Ain) a refusé que des élèves adolescentes, âgées de treize à quinze ans, soient vêtues de jupes. « En raison d'agressions verbales dont certaines ont été victimes, un membre de l'équipe de direction leur a proposé d'adopter une autre tenue», a expliqué vendredi Sylvain Weisse, le principal du collège. « Mais les adolescentes de 4e et de 3e ont refusé d'obtempérer. Soutenues par quelques enseignants, elles ont fait circuler une pétition qui a retenu près de 80 signatures pour soutenir leur action. « Cet incident sera l'opportunité pour l'établissement de poursuivre une action engagée depuis des années autour des thèmes du respect d'autrui et des relations entre les filles et les garçons » convient le principal de Roger-Vailland. La volonté des élèves s'inscrit dans une démarche positive et reconnue comme telle par l'établissement. Des actions pédagogiques et éducatives seront très prochainement conduites avec les élèves et leurs familles», promet-il pour apaiser les tensions ».

Nouvelle étape dans le dévoiement, l'aseptisation, cette fois au nom de la lutte contre les inégalités hommes/femmes et le sexisme. En 2017, « garçons et filles sont invités à se rendre en jupe dans leurs établissements le 19 mai, avant de participer à des débats sur l’inégalité des salaires ou le sexisme. Cette nouvelle « journée de la Jupe », la troisième, est pour la première fois organisée au niveau national, et à l’appel de quatre organisations : SGL, UNL, UNL-SD et FIDL. « C’est une opportunité pour aborder le thème de l’égalité hommes-femmes, qui est primordiale mais dont on ne parle pas beaucoup au lycée », explique Coline Mayaudon, déléguée à la communication du Syndicat général des lycéens (SGL). Une initiative qui doit permettre de « déclencher des débats, des discussions, autour de l’inégalité de salaires [entre hommes et femmes] par exemple, ou même du sexisme que l’on vit au quotidien », dit-elle. Et l’occasion, espère-t-elle, d’aborder « l’ouverture des filières », notamment scientifiques et techniques, « parce qu’on se rend bien compte que les filles n’y vont jamais ». En 2014, à Nantes, une action similaire avait été menée dans plusieurs établissements, avec le soutien du rectorat. Mais en pleine polémique autour de la théorie du genre, des incidents avaient éclaté entre lycéens et militants de La Manif pour tous, mouvement qui s’était mobilisé contre la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe. « A cause des incidents, on était passés à côté du message principal, qui est la lutte contre le sexisme, donc nous voulions relancer l’initiative », explique Coline Mayaudon».

En Angleterre, « ce sont les garçons qui réclament de pouvoir porter la jupe et ce, toute l’année s’ils le souhaitent. Ces jours-ci, le collège et lycée privé londonien de Highgate propose à l’initiative d’une association d’élèves de mettre en place des uniformes neutres : jupes ou pantalons pour tous. L’école consulte également les parents sur plusieurs questions comme la mise en place de toilettes unisexes ou l’utilisation du terme neutre «élève» plutôt que «garçon» ou «fille». Adam Pettitt, le directeur de l’établissement scolaire, notant que de plus en plus d’élèves s’interrogent sur leur identité de genre, s’est expliqué au Sunday Times : «Cette génération se demande si nous ne sommes pas binaires dans la manière dont nous voyons les choses.»

"L’association caritative et LGBT Educate & Celebrate « accompagne ainsi les établissements qui souhaitent adopter une plus grande fluidité : elle estime qu’en Angleterre pas moins de 120 écoles se sont déjà inscrites à son programme qui propose un code vestimentaire assoupli et inclusif. « Nous avons pu constater que les écoles primaires adoptent le programme plus vite que le secondaire », précise sa fondatrice, Dr Elly Barnes. Une enseignante de l’école Allens Croft à Birmingham, qui a mis en place une politique neutre depuis 2013, explique au Guardian : « Il faut juste que les enfants puissent exprimer leur personnalité et mettre des habits dans lesquels ils se sentent à l’aise. » Et ce au mépris des enfants, de leur rythme, sans respecter les périodes de latence.

En 2016, 2 700 adolescents étaient suivis par un médecin ou un thérapeute pour des troubles relatifs à l’identité de genre, selon des chiffres du Guardian. Au Royaume-Uni, l’Equality Act ratifié en 2010 simplifie la législation en matière de discrimination: depuis, un fonds de 5,15 millions d’euros est mis à disposition par le gouvernement contre le harcèlement homophobe, transphobe et biphobe dans les écoles. A l’étranger, dans d’autres pays où l’uniforme scolaire et encore la norme, les codes s’assouplissent, comme récemment dans un établissement de Nouvelle-Zélande où chacun peut désormais porter à sa guise la jupe ou le short… et même le kilt  ».

Le 20 avril 2016, à Sciences Po a eu lieu le Hijab Day, « journée de sensibilisation sur la question du foulard en France », inspirée du « World Hijab Day ». Les étudiantes étaient invitées à porter, pendant une journée, un foulard islamique au nom du « droit de se vêtir comme elles le souhaitent et d’être respectées dans leur choix », pour « essayer la décence, le respect de l’autre, l’échange et la compréhension mutuelle, tout ça, tout ça… dans notre société tristounette », si elles sont « humanistes, féministes, anti-racistes, anti-paternalistes, sciences piste ».

Pour attirer les fashionistas, la page Facebook du Hijab Day proposait de « jolis foulards et pashmina (mais vous pouvez amener les vôtres si vous le préférez) - pour des petits tuto et une assistance manuelle, et discuter plus longuement, si vous le souhaitez ». Le but ? « Démystifier le tissu! Il y a autant de voiles que de femmes. C’est la personne qui le porte qui donne une signification à son vêtement, et elle est la seule légitime à le faire… 1) Nous pensons que se couvrir les cheveux d’un foulard, même une petite journée, en cours, dans la rue, permet de prendre conscience du regard de l’autre, de ses propres appréhensions, et mieux comprendre -dans une moindre mesure, bien sûr- l’expérience de la stigmatisation vécue par de nombreuses femmes voilées en France. 2) Par ailleurs, quand bien même vous vous en pensez bien conscients, il s’agit aussi de montrer que nous disposons de nos corps comme nous l’entendons, nous vêtissons comme nous l’entendons, et n’admettons pas l’idée d’un diktat quant à la façon dont nous choisissons de nous présenter, de nous vêtir. Voilé.e.s, pas voilé.e.s, tou.te.s égales/égaux ».

L’Union nationale interuniversitaire (UNI) "juge que les étudiants sont incités à se voiler. « Ça n’est pas le débat sur le port du voile qu’on dénonce, c’est le caractère prosélyte de l’événement », affirme Carla Sasiela, responsable de l’organisation à Sciences Po qui forme l’élite de la France, dans les secteurs publics et privés. La direction de l’établissement a autorisé la journée tout en précisant que sa tenue dans les murs de Sciences Po « ne saurait être interprétée comme un quelconque soutien de l’école à cette initiative ». Lui aurait préféré un « vrai débat encadré ».

A l’heure où tant de femmes sont sanctionnées sévèrement dans le monde musulman quand elles ôtent leur foulard islamique, et à l’aune des problèmes des universités, des guerres notamment en Afrique et au Moyen-Orient, ces événements frisent l’indécence.

Charles-Hugo Lerebour, étudiant à Sciences-Po, signait une tribune dans Le Figaro (22 avril 2016) :
« La «twittosphère» s'emballe: plus de 10 000 tweets sont postés à midi concernant l'événement. Et quels tweets! Des femmes s'indignent du soutien de l'association dite féministe «Politiqu'elles», de nombreux internautes ne comprennent pas l'intérêt d'une telle manifestation. A cela vient s'ajouter quelques «dérapages» et autres attaques ad hominem. Dans l'après-midi, les politiques entrent dans la danse: Valérie Boyer, députée LR, dénonce «l'honneur perdu des féministes de Sciences Po», Bruno Le Maire, enseignant dans l'école, évoque sa «désapprobation», une pétition de «NouS les jeunes» groupe de soutien de Nicolas Sarkozy, est adressée à Frédéric Mion, le Directeur de Sciences Po. Parmi les milliers de tweets, un en particulier retient mon attention: «Hijab à Sciences Po, et si Houellebecq avait encore vu juste?». Il convient d'y répondre…Le fait que cet événement ait été organisé en anglais n'est pas un hasard: il reflète l'importation d'un modèle communautaire tout droit venu des pays anglo-saxons. Un modèle qui n'est pas le nôtre, donc, et un événement mondial: le «World Hijab Day», créé à la suite du 11 Septembre pour lutter contre les stéréotypes liés au port du voile. A noter ensuite que de nombreuses filles en train de faire l'essayage n'était pas françaises mais australiennes ou britanniques, dont la culture cosmopolite diffère à bien des aspects de notre sensibilité laïque nationale.
Et c'est bien cette notion de sensibilité laïque qui fut, en vérité, offensée durant cette journée. Derrière le paravent de «lutte contre l'islamophobie», de «démystification du tissus» et de «vecteur de débat d'idée», il y a cette notion essentielle de laïcité à la française qui est testée, défiée, provoquée depuis une vingtaine d'années dans notre pays. Voilà la clef de la polémique. Cette initiative a choqué, à juste titre, car elle allait dans le sens contraire du combat à la fois Républicain et universaliste puisé dans l'héritage de la Révolution et du baptême de Saint Louis. Jusqu'à peu de temps, la France et ses élites se sont toujours battues contre l'obscurantisme. Et voilà que dans le temple de la formation des élites, certaines en font la promotion! Comment ne pas s'indigner? Comment ne pas y voir le signe d'un renversement? Et pourtant. Certains y ont vu une tempête dans un verre d'eau. J'y vois plutôt la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Et l'ampleur de la réaction dans le pays contredit l'idée d'une France lasse, fataliste et nihiliste.
Ne pas reconnaître que le voile est ce qu'Alain Finkielkraut appelle un «petit tract d'étoffe» est abscons. Le «Hijab» n'est pas seulement le témoignage d'une croyance, il est l'affirmation ostentatoire de l'identité de l'individu. Le fait que des féministes aient soutenu cette initiative est je crois ce qui a le plus déconcerté. La troublante convergence des luttes qui s'opère actuellement entre féminisme et islamisme contre les «discriminations religieuses et sexistes» mérite un éclaircissement. Au cours de cette journée, il fut possible d'entendre que les femmes qui se voilaient le faisaient par choix. Dire le contraire témoigne selon elles d'un «réflexe paternaliste» traduisant le fait que les femmes ne peuvent avoir «de liberté de conscience». Ce qu'elles appellent liberté, je l'appelle servitude. Volontaire, certes. Et encore. Comment alors ne pas voir le décalage entre ce genre de propos et la réalité des femmes des quartiers populaires français qui se voilent pour avoir «la paix» et éviter ainsi de se faire insulter de «salle pucelle de française» ou de «pute»? Comment ne pas s'indigner d'entendre vouloir «tourner ce sujet en dérision» alors que tous les jours des femmes sont prêtes à mourir pour s'émanciper de cette marque de soumission. Ce «combat» est-il réellement la priorité ou ne cacherait-il pas d'autres motivations moins envieuses?
Ce mercredi a encore une fois démontré que la démocratie française, sa passion pour le débat, et son attachement à ses valeurs et ses principes était bien vivante. Parce que tout ce qui est excessif est dérisoire, sachons considérer cet événement à son juste niveau: celui d'une provocation qui a mal terminé. En tout, ce ne sera qu'une vingtaine de personnes qui porteront le voile à cette occasion, sur une école comptant plus de 13 000 étudiants. Un petit rien, donc, mais un rien qui jette une fois de plus l'opprobre sur une majorité silencieuse que le flot médiatique laisse sur le rivage du débat ». 
Théâtre
A partir du 18 janvier 2019, le Théâtre des Béliers parisiens proposera La Journée de la jupe adaptée par Jean-Paul Lilienfeld et mies en scène par Fréderic Fage (1 h 20). La Journée de la Jupe a été distinguée par le prix Théâtre 2019 de la Fondation Barrière.

"Sonia Bergerac est professeure de français dans un collège de banlieue sensible et s’obstine à venir en cours en jupe malgré les conseils du proviseur. Dépassée par l’attitude de ses élèves ingérables, au bord de la crise de nerf, elle tente tant bien que mal de faire son cours. Mais lorsqu’elle trouve un pistolet dans le sac d’un de ses élèves, elle s'en empare et, involontairement, tire sur l'un d'entre eux. Paniquée, elle prend la classe en otage..."

"Dans le microcosme d’un collège difficile, au-delà des clichés, nous découvrons les mécanismes des relations de domination entre professeur(e)s et élèves, mais également entre les élèves eux-mêmes. Des questions se posent sur la violence, la laïcité, les rapports hommes/femmes et la domination masculine qui règne dans certains quartiers de banlieues."

Jean-Paul Lilienfeld explique pourquoi il a écrit La Journée de la jupe et lui "donne une seconde vie au théâtre" :
"Parce que malheureusement, après tout ce temps, les raisons qui m’avaient motivé à écrire cette histoire demeurent.
Parce que le réflexe de culpabilité post-coloniale, consistant à assigner malgré eux les immigrés et leurs enfants à une irresponsabilité collective me semblait et me semble toujours le summum du néocolonialisme.
Parce que cette irresponsabilité collective conduit ensuite inévitablement à décréter une responsabilité collective dans les attentats tragiques commis par les terroristes.
Parce que l’école n’est pas le no man’s land neutre fantasmé par les institutions, un intérieur cosy protégé du réel, mais bien au contraire l’unique lieu où tous les extérieurs se rencontrent, essaient de cohabiter et souvent se télescopent.
L’école est notre société en modèle réduit.
Et à l’image de cette société, elle n’est pas aujourd’hui « entre les murs » mais « au pied du mur ». De notre capacité à accepter de voir ce qui est, à trouver une autre voie que la démission ou la répression, dépendra l’issue.
Différentes composantes de notre société s’affrontent aujourd’hui en des face-à-face tendus.
Ayons le courage de ne pas les laisser se transformer en corps-à-corps.
J’espère que cette pièce y contribuera."
Frédéric Fage, metteur en scène, analyse la pièce de théâtre :
"La Journée de la jupe s’ouvre sur la silhouette de Sonia Bergerac baigné dans une lumière de pleine lune qui annonce déjà une certaine tension. Mais qui est cette professeure embarquée dans une prise d’otage maladroite et sans revendications ? Sonia Bergerac, ce pourrait être n’importe quelle professeure...
La salle de théâtre, elle, souligne l’universalité de la pièce : les personnages sont des archétypes, ils incarnent une idée.
Molière est ici convoqué pour faire écho à l’enjeu crucial de La Journée de la jupe. Il y a de la farce dans cette situation : une professeure au bord de la crise de nerfs devient preneuse d’otages presque malgré elle et fait lire du Molière à ses élèves en les menaçant avec son arme.
La farce n’est jamais très loin du drame, elle est là pour révéler les travers de la société, comme chez Molière.
Ce que révèle cette farce tragique, c’est avant tout un système de domination masculine opprimante à travers les deux caïds qui terrorisent la classe. D’origine ethnique et d’appartenance religieuse différentes, ces deux adolescents ont en commun un comportement machiste violent, déterminé par une vision archaïque de la virilité.
La Journée de la jupe est une pièce qui peut provoquer la colère. Contre les médias irresponsables, contre l’école qui ne fonctionne plus, contre les jeunes qui ne semblent connaître que la violence et les insultes.
La pièce tente de déconstruire cette dynamique, passant du groupe chaotique des élèves du début aux individualités jusque-là silencieuses qui prennent la parole. Cette colère nous ferait presque accepter cette image de Sonia tenant d’une main un livre et de l’autre un pistolet. Est-ce une image symbolique pour nous dire qu’un livre est déjà en soi une arme et qu’apprendre, c’est s’armer ?"

A partir du 18 janvier 2020
Au Théâtre des Béliers parisiens
14 bis rue Sainte Isaure. 75018 PARIS
Tél. : 01 42 62 35 00
De Jean-Paul Lilienfeld
Mise en scène et scénographie : Fréderic Fage
Lumières : Olivier Oudiou 
Vidéos : La cabane aux fées 
Musique : Dayan Korolic
Photos : © Fabienne Rappeneau
Distribution : Gaëlle Billaut-Danno, Julien Jacob, Hugo Benhamou-Pépin, Lancelot Cherer, Amélia Ewu en alternance avec Sarah Ibrahim, Sylvia Gnahoua, Abdulah Sissoko
Du mardi au samedi à 21 h. Dimanche à 15 h.

« La journée de la jupe » par Jean-Paul Lilienfeld
France, 2008, 88 min
Image : Pascal Rabaud
Montage : Aurique Delannoy
Production : Mascaret Films, ARTE F, RTBF, Fontana
Producteur/-trice : Bénédicte Lesage, Ariel Askénazi
Scénario : Jean-Paul Lilienfeld
Acteurs : Isabelle Adjani, Denis Podalydès, Yann Collette, Nathalie Besançon, Jackie Berroyer, Anne Girouard, Marc Citti, Khalid Berkouz, Yann Ebongé, Sonia Amori, Kévin Azaïs, Mélèze Bouzid
Chargé(e) de programme : Pierre Merle
Son : Philippe Richard
Sur Arte le 20 avril 2018 à 20 h 55

Visuels :
Isabelle Adjani (Sonia)
Isabelle Adjani (Sonia) et ses élèves
© Mascaret Films

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Les citations sont d'Arte et du dossier de presse. Cet  article a été publié le 17 avril 2018.

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