mercredi 6 septembre 2017

David Garfinkiel (1902‐1970), peintre


La Société Historique et Littéraire Polonaise / Bibliothèque Polonaise de Paris présente une exposition du peintre David Garfinkiel (1902-1970). Artiste juif d’origine polonaise, photographe, créateur de motifs pour les soyeux lyonnais, sioniste, David Garfinkiel est un artiste de l’Ecole de Paris, ville où il a effectué l’essentiel de sa carrière. Cubiste, puis expressionniste, son œuvre prolifique, sur différents supports, est inspirée par son environnement, la Shoah et le judaïsme.


« Maître de la couleur et de la matière », David Garfinkiel  est né en 1902 à Radom (Pologne).

Il est le benjamin d’une famille juive nombreuse – cadet d’une fratrie de neuf enfants -, à la pratique artistique variée : pieux, son père est sculpteur sur pierre, un frère et une sœur sont peintres, un autre photographe.

Dès son plus jeune âge, David Garfinkiel « transgresse l’un des commandements de la doctrine juive qui interdisait toute représentation d’image ».

Il étudie aux Beaux-arts de Cracovie et de Varsovie. Proche des Kapistes (Comité Paris), ou coloristes, tel Jan Cybis, il est influencé par Józef Pankiewicz, promoteur du colorisme né du postimpressionnisme, et Artur Markowicz, auteur de pastels sur la vie quotidienne dans Kazimierz, quartier juif de Cracovie. Ses œuvres sont montrées dans des expositions collectives.

En 1932, David Garfinkiel  arrive en France. Il se plaisait à confier qu’il « avait gagné son ticket pour Paris en jouant à la loterie et aux échecs ».

La capitale française brille en « Capitale des Arts », « pôle d’attraction privilégié et d’émulation artistique pour tous les jeunes artistes européens », et notamment ceux de l’École de Paris : Soutine, Krémègne, Kikoïne

David Garfinkiel  rejoint les rangs du groupe d’artistes polonais tentant de percer, et complète sa formation à l’Académie Julian et à la Grande Chaumière. Il se rend souvent dans le quartier Montparnasse fréquenté par Pablo Picasso, Tristan Tzara, Giorgio de Chirico... Fréquente les célèbres cafés et brasseries de ce quartier - Dôme, La Rotonde -, où il saisit des scènes de la vie parisienne. « De nature solitaire, David Garfinkiel  aime à se réfugier dans son atelier pour créer et recomposer les scènes qu’il a vues au‐dehors ».

Pour survivre, il est employé dès 1934 comme retoucheur pour le studio Harcourt ouvert la même année. L’année aussi de son mariage avec Pauline Glotzer.

David Garfinkiel « est attiré par les couleurs des peintres fauves, par le travail de la lumière des Impressionnistes. Il visite le Louvre, découvre les maîtres anciens, les maîtres modernes. Puisant dans toutes ces influences, il expérimente en même temps les styles, les techniques, les sujets et les formats. Connu de la communauté artistique parisienne ».

Ce « discret visionnaire » (Waldemar George) expose aux Salons d’Automne, des Indépendants dont il est sociétaire, ainsi qu’à la galerie Zak, dirigée par Jadwiga Zak (1885–1943) ou Madame Zak, veuve du peintre Eugeniusz Zak ou Eugène Zak (1884-1926).

Quand la guerre est déclarée en 1939, David Garfinkiel s’engage volontairement dans l’armée française.
    
A la signature de l’armistice en 1940, il se réfugie avec son épouse et leur fille à Brive la Gaillarde en Corrèze, puis à Lyon. Là, il gagne sa vie « en créant des motifs floraux, abstraits, d’oiseaux destinés à orner des textiles et des parapluies » Revel. Il obtient la nationalité française en 1940. Mais brièvement, car les lois anti-juives du régime de Vichy le déchoient de sa nationalité.

En 1942, à Lyon, nait le fils du couple Garfinkiel, un enfant handicapé.

En zone libre, a lieu à Lyon l’exposition « Provinces de France » proposant des œuvres de ce peintre. D’autres sont montrées au Salon d’Automne de Lyon et au Salon de l’Union des artistes.

En 1945, la famille Garfinkiel s’agrandit avec la naissance d’un troisième enfant.

Mais, la Shoah a décimé la parentèle de David Garfinkiel : « ses huit frères et sœurs ont péri, ainsi que quatorze de ses quinze neveux et nièces ».

De retour à Paris, David Garfinkiel « découvre son atelier pillé, et toutes ses œuvres d’avant-guerre volées, œuvres qu’il tentera discrètement de retrouver ».

A Montparnasse, beaucoup de ses amis artistes ont été tués durant la Shoah.

David Garfinkiel rend hommage dans ses tableaux figurant des scènes d’exode.

Il « conserve son talent d’observation personnelle et se distingue par la recherche d’un langage pictural et des touches de pinceaux particulières. Au-delà de la tristesse et de la nostalgie qui transpercent dans certaines toiles, dans ses paysages, ses natures mortes ou ses compositions, on ressent une sensualité et une joie de vivre puissante et intemporelle ».

« Trop méconnu, le peintre ne parvient pas encore à vivre de ses toiles et dans les années 1950, il ouvre à Belleville », quartier parisien populaire situé dans le XIe arrondissement, « un studio de photographie, le Studio David, renouant avec son expérience de jeunesse chez Harcourt ». Le « Studio David » lui sert d’atelier de peinture.

Toile, contreplaqué, papier, carton… David Garfinkiel peint et dessine sur tous les supports. Et avec tous les outils : pinceau, couteau, crayon, pastel, encre de chine, feutre.

David Garfinkiel « participe à de nombreuses expositions, individuelles et collectives, à but caritatif, pour les enfants, les anciens déportés… Mais il retrouve également les cimaises du salon des Indépendants, du salon d’Automne, du Salon de l’Art libre ».

Au Studio David, il fait la connaissance de « celle qui devint pour dix ans, aux côtés de son mari, la mécène du peintre, lui achetant un tableau par mois qu’elle venait elle‐même choisir dans l’atelier ».
En 1956, il « se rend en Provence, où ébloui par les couleurs chaudes, propres au Sud de la France, il éclaircit sa palette ».

David Garfinkiel est également invité à diverses manifestations, dont la première Exposition internationale de la Ville de Paris en 1956.

En 1958, « lors de son exposition à la Galerie Zak, la Ville de Paris fait l’acquisition de son œuvre, « L’Exode ». L’année suivante, le ministère de l’Education Nationale lui décerne le prix d’encouragement artistique ».

« Lancé, il se rend peu de temps après en Bretagne. Chaque fois, c’est la nature qui l’inspire et qu’il se plaît à retranscrire sous une pâte épaisse travaillée au couteau ».

David Garfinkiel « se produit dans de nombreux salons, à Versailles, à Taverny où il obtient un prix en 1960, à Deauville où il est finaliste au troisième grand jury international de peinture en 1961, à Vanves où il obtient le prix de peinture de la ville en 1962 ».

En 1961, « d’un long séjour en Israël où sont organisées deux expositions de ses œuvres, il ramène toute une série de dessins et une nouvelle inspiration ».

Il « enseigne aux enfants et adultes handicapés mentaux au foyer Saint-Michel, où son fils est pensionnaire ».

En 1966, David Garfinkiel « est décoré de la médaille d’argent de l’Académie européenne des arts, nommé Chevalier de l’Ordre culturel et philanthropique de France et reçoit la médaille de vermeil de l’association Le Génie Français ».

« Pendant de nombreuses années il s’est impliqué dans l’Association des Artistes peintres et sculpteurs juifs de France dont il sera vice-président ».

A sa mort en 1970, institutions et presse lui rendent hommage.

David Garfinkiel « laisse une grande collection de peintures, d’aquarelles et de dessins, dispersée notamment en Europe, aux États-Unis et en Israël au gré des expositions qui ont présenté son œuvre. Ainsi, un autoportrait a été acquis par le musée d’art et d’histoire du Judaïsme ».

Le Salon des Indépendants rend hommage à ce peintre en 1972 par une exposition rétrospective.

Dans le catalogue de la Galerie Colette Dubois, qui lui consacre une exposition posthume, l’auteure Moussia Toulman écrit : « Voici un peintre qui restera parmi les meilleurs de l’Ecole de Paris ».

En 2006, Marie Boyé‐Taillan lui consacre une monographie, David Garfinkiel, Ecole de Paris (Editions ESKA).

Dans les œuvres de David Garfinkiel présentées dans cette exposition, alternent scènes de la vie quotidienne juive, natures mortes, animaux, bateaux, portraits et nus féminins. Des œuvres « travaillées avec la même intensité chromatique ». Le peintre sait restituer le temps d’un instant. Il capture les moments d’une époque, d’un jour, d’un café, d’un mariage ou la simple expression d’un visage. Jamais il n’oublie ses racines juives, ses racines polonaises, que l’on retrouve notamment dans ses lumineuses et entraînantes scènes de danse. Et cela finalement, semble se percevoir dans le reste de son œuvre ».
                   
CITATIONS SUR DAVID GARFINKIEL

« Je suis dans l’atelier du peintre, juif polonais, qui porte encore dans ses yeux, la lumière des champs de blé de Radom ».
Mandel Mann, dans Unzer Wort (Notre parole, en yiddish)

« Ses débuts en France avaient été marqués par l’influence du cubisme prismatique. Très vite, il s’orienta vers son style propre, un expressionnisme aux touches denses, aux couleurs vibrantes, où, sur un fond de tonalités sombres, jaillissent des rouges sanglants, des violets nostalgiques, des jaunes sulfureux, des bleus profonds. Aimant la vie dans toutes ses manifestations,(…) il a su en peindre les aspects les plus variés, les maisons hagardes des vieux quartiers, les silhouettes fantastiques des ouvriers au travail dans les constructions, le calme quotidien de l’intérieur familial, mais aussi l’animation du cirque et des musiciens, l’ivresse des beaux nus féminins. Il sut voir également avec un œil neuf la densité ramassée de nos villages de France, la symphonie multicolore de la Provence en un style frémissant et tournoyant fort original, la lumineuse gloire des paysages d’Israël. Enfin, le peuple de ses frères lui inspira d’inoubliables compositions évoquant les musiciens passionnés ou les vieillards à têtes de prophètes penchés sur les livres sacrés avec une ardeur dévorante.
Et quand il entreprit, après la guerre, de ressusciter, en de grandes compositions, les scènes indicibles d’exode épouvanté et de massacre au ghetto, il atteignit à des accents de sensibilité déchirée, d’horreur convulsive, qui rejoignent l’art des grands maîtres ».
Raymond Charmet (1904-1973) écrivain d’art, a notamment rédigé « Le dictionnaire de l’art contemporain » (Larousse 1955)

Biographie de David Garfinkiel

1902 Naissance à Radom (Pologne)
1923‐24 Service militaire
1925‐31 Etudie la peinture aux Beaux-arts de Cracovie et de Varsovie.
1932 Arrive à Paris
1933‐39 Fréquente l’Académie Julian et l’Académie de la Grande Chaumière
1934 Se marie avec Pauline Glotzer
1937 Naissance de sa fille Gisèle
1939 Engagé volontaire
1940 Naturalisé français
1940‐45 Réfugié à Brive (Corrèze) puis à Lyon où il travaille pour les soyeux
Expose au Salon d’Automne de Lyon et au Salon de l’Union des artistes
1942 Naissance de son fils Emmanuel (handicapé mental)
1945 Naissance de sa fille Edith
1946 Retour à Paris
1947 Exposition particulière à Los Angeles (Californie)
1958 Exposition particulière à la Galerie Zak, Paris 6e
1958 Prix d’encouragement artistique du Ministère de l’Education Nationale
Achat par la Ville de Paris d’un tableau, « l’Exode »
1960 Prix du Salon de Taverny
1961 Expositions personnelles à Tel Aviv et à Bat Yam (Israël)
1962 Finaliste au 3è Grand Prix International de peinture de Deauville
1963 Prix de peinture de la Ville de Vanves
1966 Sociétaire et Médaille d’argent de l’Académie européenne des Arts
Nommé Chevalier de l’Ordre culturel et philanthropique de France et Officier du Génie Français
1970 Meurt à Paris
1972 Rétrospective au Salon des Indépendants
1979 Exposition particulière à la Galerie Aleph, Paris 7e
1989 Exposition particulière à la Galerie Colette Dubois, Paris 8e
2006 Exposition particulière au Centre d’Art et de Culture, rue Broca, Paris
2010 Exposition particulière au Musée du Montparnasse, Paris 15e


Du 5 au 27 juillet 2017, puis du 6 au 30 septembre 2017
6, quai d’Orléans, 75004 Paris
Tél. : 01 55 42 83 85
Du mercredi au samedi de 14 h 15 à 18 h. Fermée le 14 et le 15 juillet

Visuels
Juif polonais
Soulèvement du ghetto de Varsovie
Fleurs

Les citations proviennent du communiqué de presse et du site sur l'artiste. Cet article a été publié le 19 juillet 2017.

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