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jeudi 23 mars 2017

« L’administrateur provisoire » par Alexandre Seurat


Le Rouergue a publié « L’administrateur provisoire » par Alexandre Seurat. Un roman sur un secret de famille lié à un membre d’une famille chrétienne française, devenu administrateur sous le régime de Vichy et ayant spolié des Juifs dont certains furent assassinés au camp nazi d’Auschwitz (Pologne). Une enquête familiale et historique émouvante nourrie de citations d'archives bouleversantes sur plusieurs victimes  juives de ces spoliations sous l'Occupation.

Spoliés ! L’« aryanisation » économique en France 1940-1944 
« Convoi 6 - Un train parmi tant d'autres »

Auteur d’un premier roman remarqué intitulé La Maladroite, Alexandre Seurat centre son nouveau livre sur le secret d’une famille française chrétienne.

« Découvrant au début du récit que la mort de son jeune frère résonne avec un secret de famille, le narrateur interroge ses proches, puis, devant leur silence, mène sa recherche dans les Archives nationales. Il découvre alors que son arrière-grand-père a participé à la confiscation des biens juifs durant l’Occupation ».

Professeur de lettre à Anger, l’auteur souligne la cupidité de cet administrateur, montre les réactions nuancées au sein de la famille, entre ceux qui savaient sans en être choqués et ceux qui sont choqués par le zèle spontané de cet administrateur judiciaire sans regret ni remord.

En un style sobre, Alexandre Seurat présente des extraits bouleversants de documents, souvent des lettres, émanant des Archives nationales et décrivant la spoliation économique de modestes pères de familles juives, artisans dans la confection ou la joaillerie, travaillant à leur domicile parisien dans la crainte de rafles. 

Une spoliation économique signifiant un crime socio-professionnel, prélude pour certains à leur déportation, et leur assassinat dans le camp nazi d’Auschwitz. Une persécution antisémite encadrée par la loi du régime de Vichy.

« Je voulais que les souvenirs de ce frère ne soient pas totalement explicites : on ne saura pas de quoi il est mort, on ne pourra pas reconstituer une histoire complète et c’est important pour moi. En effet, je pense que ce qu’il y a de plus fort ne peut être que suggéré. C’est très important pour moi que ce soit comme un iceberg : une histoire qui essaie de tourner autour d’un centre qui restera mystérieux. Ce frère est comme le réacteur de l’histoire et en même temps il reste très elliptique. On comprend simplement qu’il s’est autodétruit et qu’il était obsédé par la Shoah ; et donc que la grande Histoire résonne sans doute avec la sienne », a déclaré Alexandre Seurat à Pagedeslibraires, le 12 août 2016.

Et d’expliquer : « En me documentant sur cette période, j’ai lu des travaux d’historiens qui montrent que les administrateurs provisoires étaient environ 10 000 et qu’il y en avait de toutes sortes. Certains administraient de façon, si je puis dire, respectueuse des règlements vichystes, sans chercher à s’enrichir – et dire cela c’est considérer que la spoliation était un processus légal et là c’est vertigineux ! En tout cas, ce personnage, ce Raoul H., en plus d’être un administrateur provisoire respectant les consignes, met une hargne particulière à s’en prendre à ses victimes, à leur soutirer le plus d’argent possible. Dans mon texte, j’essaie d’aller le plus loin possible dans l’enquête, c’est-à-dire dans l’exploration du destin de ceux qui ont été spoliés, déportés et tués à la suite de ce processus. L’administrateur n’est pas le bourreau direct, mais la spoliation participe de ce qui va mener à la déportation. Cela est attesté dans les dossiers que j’ai consultés. Les victimes étaient souvent des immigrés de fraîche date arrivés en France dans les années d’entre-deux-guerres. Il y avait très peu de solidarité autour d’eux. C’est aussi à leur parcours que mon texte tente de rendre hommage, sans que je puisse en savoir plus que ce que j’ai trouvé dans les archives »

Un livre à lire aussi à la lumière des spoliations et des ruines impunies de Français juifs – Dr Lionel Krief, Eva Tanger, etc. - par un « gouvernement des juges ». Le rôle d'administrateurs judiciaires s'y est avéré majeur dans ce processus.


Alexandre Seurat, L’administrateur provisoire. Le Rouergue, 2016. 192 pages. 18,50 €. ISBN : 978-2-8126-1104-9

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