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lundi 4 avril 2016

« Le Paradis sous terre. Le cimetière juif de Weissensee » par Britta Wauer


Arte diffusera le 5 avril 2016 à 3 h 10 « Le Paradis sous terre. Le cimetière juif de Weissensee » (Im Himmel, Unter Der Erde. Der jüdische Friedhof Weißensee), documentaire par Britta Wauer. Situé près de Berlin, classé monument historique, ce cimetière juif est l’un des plus importants en Europe.


Ouvert en 1672, le cimetière juif Große Hamburger Straße  avait atteint sa pleine capacité en 1827.

Un deuxième cimetière a alors été créé à Schönhauser Allee. Dans les années 1880, il n’offrait plus assez de place pour des inhumations.

Les Juifs berlinois ont alors acquis un terrain, transformé en cimetière. Ce cimetière juif de Weissensee  a été conçu dans un style néo renaissance italien (bâtiments en briques jaunes) par l’architecte allemande Hugo Licht.

« Explorer ce cimetière est comme marcher au travers d’un livre d’histoire », a déclaré Britta Wauer, documentariste invitée en 2006 par Gabriel Heim, directeur de la chaîne de télévision locale RBB (Rundfunk Berlin-Brandenburg) à réaliser un film sur ce cimetière.

De l’abondante documentation qu’elle a réunie en trois ans, elle a tiré Der Jüdische Friedhof Weissensee, Momente der Geschichte (le cimetière juif de Weissensee, moments dans l’Histoire), livre bilingue anglais/allemand, illustré de 140 photos – archives et clichés actuels signés par Amélie Losier, et émaillé d’anecdotes.

Cimetière juif de Weissensee
Divisé en 120 sections, le cimetière juif de Weissensee a accueilli ses premiers défunts en 1880.

Si la périphérie du cimetière est réservée aux défunts aisés, le centre est alloué par les plus pauvres. Certains mausolées sont marqués par l’influence de l’Art nouveau.

« Plus de 115 000 personnes » de toutes sensibilités juives – orthodoxes, libéral, etc. -, de toutes catégories socio-professionnelles – philosophes (Hermann Cohen), médecins (Hans Aronson), artistes (Louis Lewandowsk), entrepreneurs (Josef Garbáty, Benno Orenstein, Hermann Tietz), avocats, éditeurs, journalistes (Micha Josef Berdyczewski), négociants, scientifiques (Wilhelm Traube), résistants anti-nazis (Herbert Baum), syndicalistes (Max Hirsch), politiciens (Stefan Heym), etc. - «  reposent dans le cimetière juif de Weissensee, à Berlin, depuis cent trente ans ».

La date de la plus ancienne tombe ? 22 septembre 1880, jour où fut inhumé Louis Grünbaum, inspecteur de l’organisme juif allemand de retraite.

La dimension du cimetière : 40 hectares.

Concessions à vie, les tombes juives revêtent des formes diverses : mausolée des époux Ruszak en 1890, œuvres conçues par des architectes célèbres, tels Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe.

En 1926, près de deux cents personnes travaillaient dans ce cimetière : administration, entretiens des espaces verts, etc.

Dans ce cimetière, les Juifs allemands ont prié pour leurs chers défunts, se sont réunis à la mémoire de leurs coreligionnaires soldats engagés lors de la Première Guerre mondiale, ont joué et suivi leur scolarité quand le IIIe Reich interdisait aux enfants juifs l’entrée d’établissements scolaires et de jardins, se sont cachés pour éviter les persécutions et les déportations…

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, environ 4 000 tombes ont été dégradées par des bombes des Alliés.

Les défunts ne sont pas tous décédés de maladies ou d’accidents. Sur les 3 257 Juifs allemands inhumés en 1942 à Weissensee, 823 s’étaient suicidés pour échapper à la déportation.

Martin Riesenburger, futur rabbin de Berlin-Est, a survécu à la Shoah en se cachant, avec son épouse, dans ce cimetière. De 1943 à 1944, il y a dissimulé des objets rituels. La Gestapo a découvert une partie des Juifs s’y abritant, et les a torturés. Le 11 mai 1945, peu après la signature de la capitulation du IIIe Reich, Martin Riesenburger a tenu au cimetière de Weissensee son premier office de prières d’après guerre.

Face à l’entrée du cimetière, ont été érigés le Mémorial des Juifs morts pendant la Première Guerre mondiale – plus de 12 000 sur les 100 000 soldats allemands juifs y sont enterrés - construit en 1927 à l’initiative de l’Association nationale des combattants juifs (Reichsbund jüdischer Frontsoldaten), un Mémorial de la Shoah composée de pierres sur lesquelles sont inscrites les noms des camps de concentration et a été posée une plaque célébrant ceux qui ont combattu le nazisme.

Jusqu’en 1955, les Juifs berlinois ont continué d’enterrer leurs chers disparus dans ce cimetière.

De 1955 à la réunification de l’Allemagne en 1990, seule la petite communauté juive de Berlin-Est y a eu accès, et, vu sa faiblesse numérique, le cimetière a été peu entretenu, et a été envahi par les mauvaises herbes.

En 1961, les tombes d’un cimetière juif abandonné dans le district de Köpenick ont été intégrées au cimetière de Weißensee.

Dans les années 1970, a été lancée l’idée d’une voie expresse dont le tracé traverserait une partie du cimetière juif. Mais, devant l’opposition des Juifs berlinois, le projet a été abandonné.

Les archives, dont le registre des défunts, du cimetière constituent de précieux témoignages sur l’histoire des Juifs berlinois, de l’art notamment funéraire, etc.

« Si le cimetière a échappé aux profanations et à la destruction tout au long de la période nazie, il s'est presque retrouvé à l'abandon » après la Deuxième Guerre mondiale – « laissées aux soins de la nature sous l’administration soviétique, la plupart des tombes, autrefois pour certaines de véritables œuvres d’art, sont aujourd’hui méconnaissables. Comme celle de Joseph Ruszack et de sa femme, surplombée d’une magnifique arche métallique sur laquelle trônait l’étoile de David en 1890, dont aujourd’hui il ne reste rien que les deux petites pierres tombales » -, « avec la quasi-disparition de la communauté juive de Berlin et l'athéisme revendiqué de la RDA ».

« Aujourd'hui, communauté et historiens œuvrent à la réfection de cet extraordinaire trésor d'archives ». Le coût de la réhabilitation du cimetière endommagé s’élève à près de 40 millions d’euros. Lors du 125e anniversaire de ce cimetière, le gouvernement allemand a été sollicité pour qu’il augmente son financement, afin que le site soit ajouté sur la liste du patrimoine mondial de l’Humanité établie par l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture). Une initiative soutenue par le maire Klaus Wowereit.

La documentariste Britta Wauer « relie l’histoire du cimetière à l’Histoire tout court au travers de cinq périodes clé : la création du cimetière sous l’ère impériale (1880-1918), l’entre-deux guerres (1919-1938), la seconde guerre mondiale (1939-1952), l’Allemagne divisée (1953-1989) et l’Allemagne réunifiée (1990- à nos jours). Au long des allées et des rencontres, elle a retracé l’histoire de son pays ».

Un « vieil homme se souvient qu'il s'y réfugiait enfant pour jouer, les rues « aryennes » lui étant interdites. Un autre, adolescent recruté en 1942 pour y creuser des tombes, y a rencontré son premier amour ».

Weissensee, « où Juifs berlinois sont toujours inhumés, est aussi un lieu de sauvegarde des traditions funéraires ».

Une « cité des morts débordante de vie : familles endeuillées, Américains à la recherche des tombes de leurs ancêtres, scolaires, délégations de Tsahal et de la Bundeswehr, restaurateurs de stèles à l'abandon... Sans compter les verdiers, sitelles, geais et renards, qui se réfugient entre les arbres vénérables et les rhododendrons ».

« Déambulation dans ce lieu d'histoire(s) ».

Pourquoi diffuser ce documentaire à un horaire si matinal ?

Cimetière juif Wittlicher Straße
Depuis 1873, la congrégation orthodoxe Adass Jisroel dispose de son cimetière sis à Wittlicher Straße, à Weißensee, dernière demeure de 3 000 Juifs, dont Siegmund Breitbart (1893-1925), connu sous le nom de Zisheor Sische Breitbart, artiste de cirque, notament pour le Cirque Busch, né en Pologne, ancien forgeron devenu célèbre comme « Homme le plus fort au monde », et le rabbin orthodoxe Esriel Hildesheimer (1820-1899).

RBB, 2011, 43 min
Sur Arte 5 avril 2016 à 3 h 10

Visuels : © Britzka Film/Amelie Losier et © Britzka Film/Jana Westmann

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Les citations non sourcées sont d'Arte.

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