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lundi 24 août 2015

Magie. Anges et démons dans la tradition juive


Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) présenta l’exposition "Magie. Anges et démons dans la tradition juiveésotérique. Souvent méprisée en tant qu’élément de traditions populaires ou liée à la superstition, démultipliée en amulettes, manuscrits ou bijoux apotropaïques visant à éloigner/contrer le mauvais œil ou un esprit malveillant, la magie est ignorée par des esprits rationalistes prisant peu le monde surnaturel et invisible. « Ancrée dans des textes religieux », elle concerne les aspects majeurs de la vie Juive, ashkénaze ou sépharade, personnelle – santé, amour - et professionnelle, et a irrigué la culture occidentale : roman, pièce de théâtre. Une exposition « islamiquement correcte » et qui ne distingue pas assez magie, sorcellerie et superstitions.  

« On ne doit pas croire les superstitions, mais il est [...] plus sûr de les respecter. » (Yehoudah ben Samuel de Ratisbonne (vers 1150-1217), Le Livre des pieux)

Amulettes, manuscrit, bijoux, recueils de recettes, hamsot, vêtements contre le « mauvais œil », bols incantatoires… Plus de 300 œuvres et documents, parfois inédits, « venant du Proche-Orient ancien, de l’Empire romain, de Byzance, de l’Empire ottoman, ainsi que d’Asie centrale, du Moyen-Orient, du Maghreb et du monde ashkénaze », évoquent au MAHJ la magie de l’Antiquité au XXIe siècle, en se fondant sur les apports récents des anthropologues.

Les traditions populaires du monde Juif sont animées de nombreux êtres surnaturels : les « anges Métatron, Raziel, Raphaël et Gabriel, ou les anges médecins Sanoï, Sansanoï et Semangelof, redoutables protecteurs des hommes contre les puissances démoniaques conduites par Lilit », première femme d’Adam, ou Samaël. « S’y manifestent aussi les dibbouks – ces esprits qui hantent le monde ashkénaze – ou le Golem créé par le Maharal de Prague au XVIe siècle ». Ces « êtres sont la part familière de croyances et de pratiques « magiques » visant à assurer la protection des jeunes mères et leurs bébés, du foyer, des vie familiale et conjugale, à maintenir la santé » et la prospérité.

Depuis l’Antiquité, le judaïsme et la société Juive ont été influencés par des croyances et pratiques des cultures environnantes, qu’ils ont aussi marqué de leur empreinte. La magie illustre ces interactions, « en raison de la conviction selon laquelle la magie de l’autre est toujours plus puissante ».

Méconnu, dédaigné, souvent appelé « Kabbale pratique » (Kabbalah ma’assit), le recours aux pratiques liées à la magie connaît actuellement un regain d’intérêt. « Transmis depuis l’Antiquité, souvent ancrés dans les textes religieux, ces rites sont mis en œuvre par des Wunderrabbi dans le monde ashkénaze et des rabbins thaumaturges en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Au-delà du monde Juif, ils ont largement influencé la culture occidentale ».

L’exposition « Magie. Anges et démons dans la tradition juive » éclaire les relations « des rabbins avec les kabbalistes pratiques » et souligne « le rôle des leaders spirituels dans la transmission du savoir magique », la manière dont des « autorités religieuses ont encadré ces usages à défaut de pouvoir les interdire. Elle explore les échanges dans le monde gréco-romain, puis dans les pays chrétiens et musulmans depuis le Moyen Âge. Enfin, des témoignages montrent que la Kabbale pratique a toujours cours, tant en Israël que dans la diaspora, et notamment en France ».

L’Antiquité
Pour le judaïsme traditionnel, « Dieu règne sur un monde peuplé de nombreux êtres invisibles et puissants, en particulier les anges, les démons et les morts ».

De la période du Second Temple à la période talmudique (du VIe siècle avant l’ère commune à 500), divers textes « décrivent le monde céleste comme habité par une infinité d’anges, intermédiaires entre les hommes et Dieu. C’est dans le Sefer ha-razim (Livre des mystères), le plus ancien ouvrage de magie Juive qui nous soit parvenu (milieu du premier millénaire de notre ère), que cette vision du monde acquiert une dimension magique, avec une hiérarchie complexe d’anges en charge de chaque phénomène naturel ou d’origine humaine, ainsi que des manières de les convoquer ».

Compilé vers le VIe siècle, le Talmud de Babylone considère que les démons sont « des êtres intermédiaires entre les hommes et les anges : innombrables, ils peuvent changer d’apparence, se déplacer aux quatre coins de la Terre instantanément, devenir invisibles. Obéissant à un roi, Ashmodaï, ils vivent aux marges de la civilisation, dans des déserts, des puits, des ruines, des fosses d’aisance, mais aussi parmi les hommes, et parfois même en eux. Leur pouvoir occulte réside dans leur aptitude à nuire aux humains ».

« Redoutable, la démone Lilit, mère de tous les démons, incarne la brutalité d’une nature hostile à l’être humain. Son effigie et son nom se trouvent sur quantité d’amulettes et d’objets apotropaïques, souvent accompagnés des noms et des figures de trois anges - Sanoï, Sansanoï et Semangelof - qui tiennent la démone à distance ».


Les « sources bibliques et les fouilles archéologiques attestent les rituels magiques des Israélites. On y voit l’influence de la magie babylonienne pour l’époque du Second Temple (de 540 avant notre ère à 70 ou 135) et pour l’Antiquité tardive – du IIIe au VIIIe siècle – dans tout le bassin méditerranéen oriental ».

Les « rites de magie non-juive se sont aussi inspirés du judaïsme et de la magie juive. On en retrouve les marques dans les objets issus de la magie gréco-égyptienne, telle l’utilisation de signes magiques dits « charaktêres », de « mots magiques » (Abrasax, Ablanathanalba, Akrammachamarei, etc.) et de formules écrites associés à des formes géométriques ».

Magie et religion
La Torah prohibe à diverses reprises le recours à la magie. Mais ses rédacteurs et les rabbins avaient connaissance de la persistance des pratiques magiques persistantes par leurs coreligionnaires, notamment par des juifs très pratiquants.

Les « rédacteurs de la Mishna et du Talmud de Babylone autorisent ainsi certaines formes de magie et proposent de nombreuses recettes, car ils considèrent que l’étude de la magie fait partie de la formation des rabbins et qu’il est permis d’y avoir recours pour faire échec aux entreprises des démons et des magiciens mal intentionnés ».

Au Moyen Âge, « de fortes oppositions à la magie engendrent au sein du judaïsme des débats récurrents pour définir les domaines licites et illicites de sa pratique par les rabbins ». Si le philosophe Moïse Maïmonide (1135-1204) « n’y vit que charlatanisme et détournement de la religion, ses objections ne firent pas école. Cependant, elles incitèrent les rabbins à renoncer aux rites problématiques », à se limiter à ce qu’ils appelèrent « kabbale pratique » « et à accepter que celle-ci soit exercée par des experts qualifiés de « Maîtres du Nom » (ba’alei Shem) ». 

Les « Maîtres du Nom » jouaient le rôle « d’intercesseurs entre les êtres humains et Dieu » ; ce qui les situait « au cœur des pratiques miraculeuses de la religion juive ». Certains étaient d’illustres rabbins, admirés, révérés. En diaspora ou en Eretz Israël (Jérusalem, Safed), ces rabbins thaumaturges bénéficiaient du pouvoir de leurs amulettes. Leur médiation était perçue comme infaillible.

Vers leurs tombes affluèrent pèlerins, Juifs et non-Juifs, notamment dans les pays majoritairement musulmans.

Kabbale et magie
De nombreux objets révèlent la perméabilité de la ligne entre kabbale et magie.

Les « ouvrages kabbalistiques en proposent souvent des représentations plus ou moins complexes, la plus emblématique étant l’arbre séfirotique, un schéma arborescent souvent » appelé « Arbre de vie ».

Au « fil du temps, des pratiques empruntées à la riche panoplie des magiciens se sont frayé un chemin dans les recueils de kabbale, et certains magiciens ont jugé bon d’agrémenter leurs livres de recettes de doctrines kabbalistiques. Quantité d’ouvrages et d’amulettes témoignent du sentiment tenace que les œuvres de la « kabbale théorique » et celles de la « kabbale pratique » sont intimement liées ». 

Outre « les amulettes personnalisées réalisées par des experts de la « kabbale pratique », certaines formules et images ont servi de modèles à une production d’amulettes génériques diffusées en grande quantité grâce à l’imprimerie ».

Actuellement, les « consommateurs de magie désireux d’avoir recours à la kabbale dite « pratique » sont confrontés à la raréfaction des praticiens et au tarissement de la transmission des savoirs. S’ils ne peuvent consulter les rares experts encore actifs en France, les clients se tournent vers des thaumaturges vivant en Israël mais dont l’activité se déploie aussi à l’étranger. Que ceux-ci soient issus du judaïsme séfarade ou ashkénaze, leurs tournées internationales rassemblent un large public, des plus divers socialement et de toutes confessions. Par ailleurs, les pèlerinages sur les tombes de rabbins révérés ou de « saints » connaissent un regain de popularité ».

« Conformément à une ancienne tradition, les demandes (inscrites sur des briques, des papiers…) sont déposées sur les tombes des rabbins thaumaturges. Le portrait du rabbin kabbaliste Baba Salé (Israël Abouhatsera, 1889-1984) a été l’icône rabbinique la plus diffusée au XXe siècle chez les Juifs d’Afrique du Nord. Le rayonnement considérable de Yitzhak Kadouri (vers 1898-2006) fut quelque peu terni par son affirmation que le Messie attendu s’appellerait Yehoshou’a (Jésus), mais les amulettes qu’il écrivit et son journal fournissent de précieuses informations sur son activité de kabbaliste pratique. Plus modestes et discrets, les membres de la famille Namias, au Maroc, ont été des érudits religieux de grande qualité et des collecteurs assidus de recettes magiques afin de remédier au désarroi des membres de leur communauté ».

Hormis les amulettes individualisées, de nombreux objets fabriquées en série, souvent de piètre qualité esthétique, « se signalent surtout par l’indifférenciation de leur destination. Aux motifs juifs du répertoire magique traditionnel des bijoux-amulettes se sont ajoutés le mot hébraïque hay ( חי ) et la lettre shin ש pour shaddaï. Quant aux amulettes imprimées, elles sont aussi largement dupliquées par le biais de la photocopie ».

Aux « nouveaux syncrétismes marquant le monde des adeptes de la magie contemporaine (tarot, chamanisme, techniques New Age de guérison, de channeling et de développement personnel) se mêle un renouveau de l’intérêt pour la kabbale aboutissant à de curieux signaux de reconnaissance, comme l’adoption du bracelet de fil rouge, amulette parfois utilisée par les mères juives pour protéger leur enfant » du « mauvais œil ». 

Protéger les vivants
Divers objets apotropaïques visaient à conjurer le mauvais sort, à détourner les influences maléfiques vers autrui.

De nombreuses amulettes apotropaïques contrent l’emprise des démons, préviennent les sorts malveillants, et favorisent la prospérité économique et sociale. La majorité d’entre elles sont conçues en des bijoux aux matières précieuses ou fragiles : « or, argent, jais, turquoise, corail, dents animales, coquillages ».

Le choix des pierres ne doit pas être fortuit, tant il privilégie certaines couleurs supposées apotropaïques, notamment le rouge. Notons aussi que certaines couleurs étaient interdites aux Juifs et d'autres les stigmatisaient (jaune), tant dans l'Europe médiévale chrétienne que dans les pays régis par l'islam. Un aspect peu étudié par cette exposition.

« Si les bijoux apotropaïques sont une coutume plus répandue autour de la Méditerranée que dans l’espace ashkénaze, les amulettes manuscrites sur parchemin ou papier sont produites et utilisées dans toute la diaspora ». Des « boîtiers hermétiques soudés contiennent des amulettes en papier et sont généralement accrochés à une chaîne en or ou en argent. Leur forme ou leur décor sont souvent inspirés par des animaux (serpent, poisson, lézard, lion), mais l’on trouve aussi des clefs et des cadenas pour s’opposer aux démons tentés de pénétrer le corps humain par ses orifices, ainsi que des bracelets prophylactiques en argent gravés de lettres et de formules magiques ».

En plus de « leurs matières (minérales ou végétales) et leurs formes qui possèdent déjà, en soi, des fonctions protectrices, il existe une grande variété de décors réalisés par des orfèvres et des scribes ».

Le « répertoire des motifs décorant les amulettes s’est enrichi au fil du temps au contact des autres cultures. Les objets magiques ne comportent quasiment jamais de figuration humaine, surtout dans les pays musulmans. Cependant, le judaïsme européen a montré du goût pour les amulettes sur papier ou parchemin ornées de scènes figuratives dont certaines sont fortement inspirées de l’art chrétien, d’épisodes bibliques ou de moments de la vie juive ». 

Mère et enfant
La plupart des amulettes (shmirot et qame’ot) protégeaient la future/jeune mère et le nouveau-né. Elles sont revêtues souvent du nom et de l’image de Lilit – « réputée provoquer les fausses couches et la mort des nourrissons –, ainsi que ceux de Sanoï, Sansanoï et Semangelof, les anges qui combattent Lilit ». Bijoux, textiles brodés, amulettes en papier, manuscrites ou imprimées, soulignent l’ancrage de cette tradition dans toute la diaspora. La profusion de ces amulettes révèle le profond sentiment d’insécurité qui règne dans le domaine de la fertilité et de la naissance », lors de temps de taux élevé de mortalité périnatale et des parturientes. 

De nombreux « rites de protection étaient accomplis et transmis par les femmes. Les murs de la chambre de la femme enceinte, son lit ainsi que son corps étaient porteurs d’invocations répétées » : « Adam – Ève – Dehors Lilit – Sanoï Sansanoï Semangelof » !

« Utilisé pour tracer des cercles symboliques prophylactiques autour des lits de la parturiente et du nouveau-né, le couteau dit « Kreismesser », ou en judéo-alsacien « Krassmesser », est un témoignage remarquable de ces rites magiques ». 

Autres objets parés de vertus magiques : des « broches-amulettes en forme de poignard dénommées « épées de Lilit », que l’on accroche sur le vêtement ou l’oreiller de l’enfant. Selon la tradition midrashique, Lilit attaque les nourrissons durant les huit premiers jours de vie pour les garçons et les vingt premiers jours pour les filles. Dans l’espace ashkénaze, une amulette spécifique, le Heh (cinquième lettre de l’alphabet hébraïque tenant lieu du nom divin), signale que l’enfant mâle appartient à Dieu dès avant la circoncision. Du Maroc au Yémen, les « épées de Lilit » étaient épinglées à l’intérieur du berceau ou directement sur le vêtement de l’enfant. En Italie, dans les familles aisées, on suspendait audessus du berceau une amulette en papier enclose dans un étui richement décoré, en or ou en argent, gravé des trois lettres shin dalet youd formant le nom divin « Shaddaï ».

Autre espace protégé : l’espace environnant l’enfant. 

Les femmes Juives, en particulier les voisines de la famille visée, contribuaient « à l’accomplissement des rites protecteurs. Considérés comme le moment de tous les dangers, le jour et la nuit précédant la circoncision étaient les temps forts de cette mobilisation destinée à faire échec à l’assaut final de Lilit. Les prières et les rituels apotropaïques se conjuguaient alors pour gagner en efficacité ».

Protéger son foyer
Prières et cérémonies spécifiques s’associent dans les « rites de protection des espaces familial et professionnel » où demeurent amulettes et objets apotropaïques.

Ces rites perdurent dans les foyers Juifs, dans des déclinaisons locales « utilisant des formules communes et traditionnelles. Elles sont posées ou accrochées en des endroits spécifiques de l’habitation : les dormants des portes pour la mezouzah, l’entrée de la maison ou son seuil pour en interdire l’accès aux démons, aux épidémies, mais aussi aux rats, aux serpents et aux scorpions dont les morsures ou les piqûres sont souvent mortelles ».

Apaiser et guérir
La « santé étant l’un des principaux motifs du recours à la magie, le Talmud accepte, et même, encourage certaines pratiques magiques. Les objets et les rites à valeur prophylactique visent d’abord à écarter les démons considérés comme une des causes premières des maladies et des épidémies. Les recettes incluent l’emploi de plantes et de substances diverses possédant des propriétés (segoullot) également attribuées aux mots ». 

La médecine médiévale se fonde sur l’astrologie afin d’interpréter « le fonctionnement du corps humain et décider des méthodes pour le soigner ».

« Dans ce domaine, les femmes doivent assurer leur bien-être et celui de leurs proches : prières, talismans, amulettes, carrés magiques, gemmes, incantations et autres savoirs se transmettent de mères en filles et font partie du bagage des sages-femmes.

« Bien souvent, les formules magiques utilisées par les Juifs dans l’Antiquité ne diffèrent guère de celles de leurs contemporains non-juifs. Il faut attendre le début de la modernité pour voir se dessiner une approche totalement différente de la magie, et pour voir la médecine scientifique s'en séparer radicalement ». 

A l’instar des démons, les morts « peuvent se révéler dangereux, mais aussi utiles. De nombreux livres de recettes de magie juive leur sont consacrés, décrivant les différents moyens de les chasser ou de les convoquer et de les interroger (nécromancie) ». 

Magie agressive ou érotique
Comme d’autres magies, la magie Juive suggère des recettes pour influencer la vie affective ou matérielle.

Généralement, les demandes visent des problèmes pour lesquels la magie n’est pas la seule solution envisageable : « guérison, protection, réussite, autorité, amour, salut, vengeance », etc.

Les « désirs extravagants qui abondent dans les récits fantastiques sont très rares. Les recettes et les amulettes relevant de la magie agressive ou érotique ont surtout pour but de reconquérir l’amour d’un être aimé ou désiré, de gagner les faveurs d’une personne, de faire péricliter les affaires d’un concurrent, d’obtenir que quelqu’un change d’avis, ou encore de faire taire les médisants. Nombreuses sont les femmes demandant le retour d’un époux volage, ou l’apaisement de conflits conjugaux. Plus rarement, des recettes magiques héritées de l’Antiquité indiquent les moyens de nuire à un rival, voire de le tuer, soit en invoquant des démons, soit en lui jetant un sort par le biais d’une figurine rappelant les « poupées vaudoues », que l’on détruit ensuite ». 

Face à la maladie, à la mort, aux peines sentimentales et aux aléas de la vie, de nombreuses personnes « recourent aux pratiques magiques et à l’invocation des anges pour combattre ou contrôler les démons et les morts » dont ils se considèrent les victimes. « Dans les sociétés Juives, ces phénomènes se retrouvent dans une forme populaire de magie mais aussi dans une forme plus savante », la « kabbale pratique ».

Magie et culture
« Paradoxalement, dans un univers religieux régi par la Torah, le Talmud et de nombreuses prescriptions rabbiniques », les pratiques magiques perdurent, notamment dans les arts : les « dibbouks inspirèrent à Shalom An-Ski une pièce fondamentale du théâtre yiddish" ; écrivain autrichien, Gustave Meyrink "tira du mythe du Golem un roman qui irriguera l’imaginaire du XXe siècle" et dont l'action se situe dans le ghetto de Prague ; "quant à Lilit, elle est omniprésente dans l’art et la littérature depuis le XIXe siècle –, on ignore le plus souvent leurs sources ».

« Suivant une croyance ancienne, les morts peuvent hanter le monde des vivants et les posséder. Au XVIe siècle, dans l’espace ashkénaze, apparaît le terme de « dibbouq » pour désigner l’esprit d’un mort qui a pris possession d’un être humain ou d’un lieu ». Romain Gary s'inspire du dibbouk pour écrire La Danse de Gengis Cohn (1967). Dans Un désir fou de danser (2006), Elie Wiesel imagine un personnage, Doriel, en proie à des hallucinations et pensant être victime d'un dibbouk. A Serious Man, réalisé par Joel et Ethan Coen (2009) s'ouvre par un conte yiddish dont l'un des personnages, un rabbin, serait un dibbouk.


La magie chrétienne
Dès l’Antiquité tardive, la magie chrétienne emprunte à la magie juive. La « fascination pour la magie, et plus spécifiquement pour la magie juive, aboutira paradoxalement à l’un des mouvements intellectuels les plus étonnants et les plus durables de l’Europe chrétienne ».

Au XVe siècle, à partir de la Kabbale, Pic de la Mirandole (1463-1494) et d’autres philosophes humanistes chrétiens créent la « kabbale chrétienne, un système de réflexion philosophique sur le christianisme et l’œuvre divine ». 

Dans l’Europe médiévale, « l’intérêt des clercs pour la démonologie et l’incessante récusation du judaïsme par l’Église se conjuguent pour transformer les Juifs en « ennemis de l’intérieur », en magiciens et en figures démoniaques. Le Talmud, considéré comme une œuvre satanique et hostile au christianisme, est censuré ».

En 1215, le concile de Latran IV accentue « la ségrégation à l’égard des juifs comme des musulmans et réaffirme l’intolérance de l’Église envers toute dissidence qu’elle qualifie d’hérésie ». 

En 1242 à Paris, « à la suite de la disputatio (controverse) entre juifs et chrétiens organisée sous l’égide de la Couronne, Louis IX ordonne le « brûlement de vingt-quatre charretées » de manuscrits du Talmud ».

« Savant ou populaire, l’antijudaïsme de la société chrétienne est profondément imprégné de l’idée de la sorcellerie et de la lutte contre Satan. Les accusations de sorcellerie sont au cœur d’un arsenal antijuif des plus divers ; le moindre des rites, le regard d’un juif ou sa simple présence peuvent déclencher des réactions violentes ».

« Accusés de jeter des sorts, d’empoisonner les puits, de fomenter des complots et de commettre des crimes rituels, les juifs subissent ségrégation, humiliation, tortures, procès et massacres ». 

Amulettes de Tàrrega
La nécropole Juive médiévale de Les Roquetes, au sud de Tàrrega, en Catalogne (Espagne) a été fouillée en 2007 par Anna Colet et Oriol Saula, archéologues.

Cette sépulture réunissait les « squelettes de soixante-dix enfants, adultes et vieillards" Juifs. "Ils furent victimes d’un massacre perpétré dans la juiverie » de Tàrrega en 1348, alors que la peste noire ravageait toute l’Europe médiévale, « suscitant des réactions antijuives d’une grande brutalité. À Tàrrega, les traces des coups visibles sur les os des victimes – parfois plus d’une vingtaine pour un même individu – disent mieux que toute description la violence de ces actes meurtriers ». Ces victimes vivaient dans le quartier Juif ou call de la ville catalane. Leurs restes ont été enterrés au cimetière de Collserola de Barcelone selon les rites juifs.

« Ensevelies à la hâte dans une fosse commune avec les vêtements et les objets qu’elles portaient lors de la tuerie, les victimes de Tàrrega fournissent une documentation rare en contexte funéraire ». Selon le rite juif, les tombes sont orientées ouest-est, mais une victime est enterrée différemment en signe de punition et d’avertissement aux Juifs : « Le jour de la résurrection, elle ne pourra gagner la terre promise ». Le retour des Juifs en Eretz Israël prélude l’ère messianique.

Les rites juifs imposent des inhumations d’une grande austérité, dénuées de toute parure. Aussi, ne retrouve-t-on que de rares objets ou bijoux lors des fouilles archéologiques de nécropoles juives.

Le collier d’amulettes de Tàrrega a été découvert « parmi les ossements d’un enfant inhumé dans le fossar dels jueus » (fosse des Juifs), près de cette nécropole Juive. Il révèle « qu’un enfant Juif à Tàrrega au milieu du XIVe siècle portait un collier constitué de pas moins de dix amulettes, toutes caractéristiques de fonctions protectrices, soit en raison des matières employées, investies de vertus apotropaïques (argent, jais, corail, cristal de roche, verre fumé...), soit en raison de leur forme (hamsot...) »

Le Museu Comarcal del Urgell-Tàrrega présente en l'exposition permanente Tragèdia al Call. Tàrrega 1348 les résultats de ces fouilles archéologiques et les resituent dans le contexte de la Catalogne médiévale.

La magie musulmane
Dans « les pays musulmans, dès le Moyen Âge, les échanges entre magie musulmane et magie juive sont fertiles. De nombreux textes de magie juive rédigés en judéo-arabe sont inspirés par la magie musulmane ; symétriquement, les textes magiques musulmans montrent le recours à l’intercession de Métatron et d’une foule d’autres anges d’origine juive ».


L’exposition note des « similarités entre pratiques juives et musulmanes, telles que les visites rendues aux tombeaux des saints pour recevoir leur bénédiction (baraka en arabe ou berakhah en hébreu), ou le port de bijoux-amulettes semblables arborant les mêmes motifs apotropaïques : la main (khamsa en arabe ou hamsah en hébreu, aussi dénommée « main de Fatima »), l’œil... »

Un peu sommaire, et surtout incomplet.

Magie, djinn (créature surnaturelle) et sorcellerie… Autant d’accusations portées à l’encontre des Juifs en « terre d’islam », et parfois empruntées au Coran.

Le 7 mai 2014, The Daily Beast a indiqué que, sur la chaîne publique iranienne IRIB (Islamic Republic of Iran Broadcasting), Valiollah Naghipourfar, mollah et professeur de l’université de Téhéran, a allégué  que les Juifs utilisent des djinns, « créatures surnaturelles » qui « sont le Mal », pour espionner et miner la république islamique et que le judaïsme est particulièrement expert en magie noire : « Les Juifs ont toujours été associés à la sorcellerie et aux djinns. Vraiment, beaucoup de sorciers sont Juifs. Ceux qui sont en contact avec les djinns sont souvent Juifs… Même le Coran condamne les Juifs, appelant le prophète Salomon un infidèle et l’accusant de sorcellerie… Le Juif est très expérimenté en sorcellerie ». Il a acquiescé à la question de savoir si « les problèmes actuels en Iran proviennent de la sorcellerie et la magie, par des forces surnaturelles ». Il a estimé possible qu’un « gouvernement soit manipulé par les djinns en Israël, mais pas en Iran ». La vidéo a été postée le 4 juillet 2014 sur Youtube.

Le 22 mai 2012, Harun Yusuf Zindani, Yéménite Juif âgé de 50 ans, avait été mortellement poignardé, dans le dos, par un de ses concitoyens musulmans, qu'il ne connaissait pas, à Sanaa (Yémen). L'assassin, qui accusait sa victime de sorcellerie, avait crié lors de l'agression : « Toi le juif, tu as nui à mon commerce avec ta sorcellerie ». Il a été interpellé par la police.

Le samedi 25 juillet 2015, dans le cadre de A la CartaDesde el infierno - El pueblo judío: propagador del culto a Satán (De l'enfer - Le peuple Juif : Propagateur du culte de Satan), émission d'environ trente minutes de la radio publique espagnole de télévision RNE (Radio Exterior), qui fait partie du groupe public RTVEa accusé les Juifs d'avoir "propagé le culte de Lucifer dans plusieurs sociétés secrètes sataniques. A travers la magie noire, les Israélites ont appelé les pouvoirs de l'obscurité". Comme dans l'affaire al-Dura, c'est un media public qui diffuse l'antisémitisme. Sur le site Internet de l'émission, de nombreux commentateurs croient en cette allégation fausse et infamante. Le texte introductif allègue que les Juifs ont fondé et dirigé de manière occulte la franc-maçonnerie", évoque l'ésotérisme...

Le 19 août 2015, Porte-parole de l'Agence Juive et ancien porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor a critiqué RTVE sur Twitter : “Pero como puede un ente publico dar tribuna a este tipo de racismo crudo, cretino y asqueroso? Vuelve la Santa Inquisicion" (Mais comment une entité publique  peut-elle donner une tribune à ce type de racisme cru, crétin et dégoûtant. La Sainte Inquisition est de retour).

Le 27 août 2015, le directeur de la RNE a annoncé le retrait de cette émission radiophonique de son site Internet. Elle a aussi présenté ses excuses.Chargé des relations avec la presse au sein de RNE, Carlos Garrido a souligné que cette émission relevait du genre de la "fiction radiophonique et en aucun cas d'une rubrique d'information".


"Alphabet de Ben Sira – Texte juif du haut Moyen Âge dont un passage raconte l’histoire de la rencontre de Lilit avec les anges Sanoï, Sansanoï et Semangelof, et comment la démone prêta serment de ne pas attenter à la vie des nouveau-nés, chaque fois que le nom des trois anges serait écrit ou prononcé. 
Arbre séfirotique – Représentation la plus courante des dix sefirot qui constituent la Divinité dans la kabbale.
Apotropaïque – Protecteur.
Ashmodaï – Nom du chef des démons, attesté pour la première fois à la période du Second Temple, puis mentionné dans le Talmud de Babylone et dans de nombreux textes magiques juifs.
Baraka ou berakha – Littéralement « bénédiction » en arabe et en hébreu, le mot est souvent utilisé pour désigner les grands pouvoirs d’un saint musulman ou juif.
Charaktêres – Signes magiques, souvent ornés de boucles à leurs extrémités. Apparus dans les textes magiques gréco-égyptiens, ils devinrent très populaires dans la magie juive, et le sont encore aujourd’hui.
Dibbouk – Esprit d’une personne décédée qui habite le corps d’un individu auquel il reste attaché ; si le dibbouk n’est pas exorcisé, cet individu peut mourir.
Exorcisme – Pratique, religieuse ou magique, destinée à chasser un démon du corps d’un possédé ou de tout autre endroit qu’il occupe (par exemple, une maison). 
Halakhah – Ensemble des lois régissant la vie religieuse juive, dont le mariage, les prescriptions alimentaires, l’observance des fêtes, etc.
Hamsah (pluriel hamsot) – Littéralement « cinq » en arabe, le terme désigne aussi la paume de la main tendue, souvent utilisée comme symbole apotropaïque (protecteur).
Hassidisme – Mouvement populaire piétiste qui se répandit chez les juifs d’Europe orientale à partir du XVIII e siècle. Il se caractérise par une intense dévotion religieuse et une direction charismatique exercée par les tsaddiqim.
Iaô – Prononciation grecque du tétragramme dans l’Antiquité, devenue un nom magique courant dans les textes grecs anciens de magie. 
Ilan (pluriel ilanot) – Représentations complexes de l’arbre séfirotique ornées de commentaires kabbalistiques ; elles sont parfois inscrites sur des rouleaux de parchemin et utilisées comme amulettes.
Kabbale (qabbalah, littéralement « réception ») – Nom donné à la tradition ésotérique juive depuis le Moyen Âge. Elle traite principalement des dix sefirot, de la création de l’univers par Dieu, de la place de l’homme dans la création et du rôle cardinal de la Halakhah dans la rédemption divine. 
Kabbale chrétienne – Nom donné à un ensemble d’écrits et de penseurs chrétiens de la Renaissance qui, s’appuyant sur des textes de la kabbale juive traduits en latin, entreprirent de défendre ou de refondre certaines doctrines chrétiennes. 
Kabbale « pratique » (qabbalah ma’assit) – Nom donné, par les kabbalistes eux-mêmes, à cette partie de la kabbale qui s’efforce d’influer sur le cours du monde, à l’aide notamment du nom secret de Dieu. L’expression est aussi employée pour désigner de vieilles pratiques magiques, juives ou non-juives.
Lilit – La plus célèbre figure démoniaque dans le monde juif depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, Lilit, est probablement une déesse de l’époque matriarcale archaïque. Elle a ses racines en Mésopotamie, dans les légendes sumérienne (kisikil lil-là) et akkadienne (lil-itu). L’apparition de Lilit dans la tradition juive remonte à la période de l’exil babylonien (VII e-IV e siècle av. è.c.). Elle est aussi appelée « première Ève » (Havvah rishonah).
Magen David. Étoile de David – Fréquent dans la magie arabe médiévale, ce signe se répandit dans la magie juive. Aujourd’hui, il est utilisé dans l’art juif et dans les représentations symboliques du peuple juif.
Métatron – Souvent considéré, dans le Talmud de Babylone et dans de nombreux textes juifs médiévaux, comme le chef des anges.
Mezouzah – Petit rouleau de parchemin contenant des versets bibliques et fixé aux montants des portes d’une habitation juive. Beaucoup lui accordent un pouvoir protecteur.
Midrash – Commentaire rabbinique de la Bible ayant pour but d’expliciter divers points juridiques ou de prodiguer un enseignement moral en recourant à différents genres littéraires : récits, paraboles et légendes.
Mishna – Le plus ancien code du judaïsme rabbinique, qui servit ensuite de base à l’élaboration du Talmud de Babylone.
Moïse (Mosheh) – Chef ou guide du peuple juif par excellence, il passait aussi pour avoir été un magicien aux pouvoirs exceptionnels qui accomplit de grands miracles.
Monogramme – Nom de Dieu incarné par la cinquième lettre de l’alphabet hébraïque – heh ( – (ה souvent utilisée à la place du tétragramme.
Salomon – Célèbre roi juif du Xe siècle avant l’ère commune qui, selon une légende apparue au temps de Flavius Josèphe (37-ca. 100 è.c.), aurait été un grand mage et aurait combattu les démons.
Sanoï, Sansanoï et Semangelof – Les trois anges capables de chasser Lilit et de l’empêcher de nuire. Le Sefer Raziel ha-malakh en propose une représentation que l’on retrouve sur de nombreuses amulettes juives.
Sceau de Salomon – Dans le Talmud de Babylone, Salomon se sert d’un sceau spécial pour soumettre le démon Ashmodaï. Les magies juive et chrétienne voient dans certains signes magiques, notamment le pentagramme et l’hexagramme, le sceau dont se serait servi Salomon.
Sefer ha-razim (Livre des mystères) – Livre en hébreu de recettes magiques juives rédigé" en Eretz Israël, probablement entre le IV e et le VI e siècle" de l'ère commune, et "qui connut une très large diffusion tout au long du Moyen Âge. Aujourd’hui, nous n’en connaissons que des fragments.
Sefer ha-zohar (Livre de la splendeur) – Le plus important livre de la kabbale, rédigé en Espagne au XIII e siècle ; il s’intéresse relativement peu à la magie.
Sefer hassidim (Livre des pieux) – Compilation de récits et de traditions appartenant au monde du judaïsme piétiste rhénan (XII e-XIII e siècles), attribuée à Yehoudah ben Samuel de Ratisbonne ; elle comprend de nombreuses histoires de sorcières, de démons et de magie.
Sefer Raziel ha-malakh (Livre de l’ange Raziel) – Le plus connu des ouvrages de magie juive, imprimé pour la première fois à Amsterdam en 1701, et sans cesse réédité depuis.
Sefirot (de l’hébreu s-f-r, nombre) – Les dix émanations, ou puissances, à travers lesquelles se manifeste la Divinité ; elles sont au cœur de la pensée kabbalistique.
Shaddaï – L’un des noms de Dieu déjà mentionné dans la Bible hébraïque (par exemple, Exode 6:3).
Shem ha-meforash – Le Nom « explicite » ou « caché » de Dieu ; l’expression désigne le tétragramme, mais est souvent appliquée à d’autres noms de Dieu.
Talmud de Babylone – L’ouvrage le plus important du judaïsme rabbinique ; compilé vers 500 è.c., durant la période de l’exil babylonien, il sera au fondement de toute l’histoire ultérieure du judaïsme. Convaincu de l’existence des anges et des démons, il renferme quelques recettes magiques et se montre plutôt tolérant envers les croyances et les pratiques magiques.
Tétragramme – Nom divin composé des quatre lettres YHWH.
Théurgie – Connaissances et pratiques magiques qui permettent de se mettre en relation avec la Divinité et de bénéficier de sa grâce.
Tiqqoun (pluriel tiqqounim) – Signifiant littéralement « réparation », le terme désigne une catégorie particulière de rites kabbalistiques pratiqués pour la sanctification, la purification et même l’exorcisme.
Torah – Les cinq livres de Moïse ou Pentateuque. La Torah interdit de pratiquer la magie, mais recommande certains rites magiques, et raconte comment Moïse et Aaron l’emportèrent sur les magiciens égyptiens dans une sorte de concours de magie.
Tsaddiq (pluriel tsaddiqim) – Homme pieux dont les prières sont efficaces ; il peut servir d’intermédiaire entre les hommes et Dieu, et faire en sorte que les bénédictions divines rayonnent sur le monde".


Jusqu’au 19 juillet 2015
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple. 75003 Paris
Tél. : (33) 1 53 01 86 60
Lundi, mardi, jeudi et vendredi de 11 h à 18 h, mercredi de 11 h à 21 h, dimanche de 10 h à 19 h

Visuels
Amulette contre le mauvais œil, pour protéger la famille et la maison de Yosef, fils de Brouria
Maroc, vers 1900 - manuscrit en hébreu, encre et aquarelle sur papier
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Bol dit « bol magique » en terre cuite portant un texte incantatoire en judéo-araméen et une image de la démone Lilit
Ve - VIe siècle de notre ère
© collection Lycklama, musée de la Castre, Cannes

Pendentif-amulette
Tunisie, vers 1900
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Manuscrit de kabbale « pratique »
Israël, XXe siècle
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Amulette manuscrite, pour la protection de Tsaddiqah, fille de Magodah (détail)
Palestine mandataire, vers 1930. Encre sur papier
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Collier-amulette
Anti-Atlas, Maroc, fin XIXe siècle – début XXe siècle
© collection Rouach

Pendentif-amulette pour concevoir un enfant
El Djedida, Maroc, 1918
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Pendentif-amulette pour protéger une femme enceinte
Maroc, vers 1900
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Couteau dit « Krassmesser » ou « Kreismesser », pour repousser Lilit et les autres démons
Alsace, fin du XVIIIe siècle début du XIXe, bois et fer
© Strasbourg, Musée alsacien

Épée de Lilit
Yémen, début du XXe siècle, argent filigrané
© Mahj

Collier-amulette, salchani, pour protéger Miriam, fille de Tovah Gabaï et Amulettes, afsa
Bagdad, Irak, 1892-1893
Insc. en hébreu sur les trois étuis : « Miriam fille de Tovah Gabaï »
Or gravé, turquoise, dent de loup, bois, 63 × 7,5 cm, Tel-Aviv, collection famille Gross


Mezouzah dans son étui
Allemagne, XVIIe ou XVIIIe siècle
Encre sur parchemin, buis sculpté,Paris, Mahj,
Dépôt du musée national du Moyen Âge, collection Strauss, don Rothschild
© Photo Claude Germain

Collier-amulette destiné à protéger une femme enceinte
Grande Kabylie, Algérie, vers 1900
Argent, corail, émail, Tel-Aviv, collection famille Gross
© Photo Claude Germain

Amulette pour une mariée
Iran, vers 1900
© Tel-Aviv, collection famille Gross

Cassolette pour faire fondre le plomb
Roumanie, vers 1950
Insc. en hébreu : « Je t’adjure, Ô soleil qui brille sur la terre »
Cuivre et bois, Tel-Aviv, collection famille Gross

Piezas localizadas en la necròpolis Anillo con inscripción hebrea del cementerio judío
Piezas recuperadas en la calle La Font
Collar de amuletos de un niño asesinado durante el asalto a la judería

Amulettes en forme de main, hamsot
Essaouira (Mogador), Maroc, XIXe siècle - première moitié du XXe
Argent moulé et gravé
Collection Rouach
©Photo Claude Germain

Amulettes en forme de main, hamsot
Essaouira (Mogador), Maroc, XIXe siècle - première moitié du XXe
Argent moulé et gravé
Collection Rouach
©Photo Claude Germain

Articles sur ce blog concernant :
Les citations et le lexique proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 16 juillet 2015, puis le 24 août 2015.

vendredi 21 août 2015

« Pictures for Peace. La douleur après l’attentat - Hocine Zaourar » par Rémy Burkel


Arte diffusera le 22 août à 20 h 45, dans le cadre de Pictures for Peace, La paix au bout de l’objectif (2015), le documentaire sur « La Pietà de Benthala », photographie de Hocine Zaourar prise Algérie, en 1997, par Rémy Burkel. L'iconographie chrétienne inspire la propagande palestinienne, notamment dans le blood libel  (allégation mensongère et infondée accusant les Juifs de tuer un enfant non-Juif pour mettre son sang dans la matza de Pessah)"al-Dura".

Arte propose cet été 2015 Pictures for Peace, La paix au bout de l’objectif, « série documentaire dédiée aux images de guerre ou de paix qui ont marqué notre histoire récente. Saisir l'image choc qui fera le tour du monde, pour dénoncer la guerre ou célébrer l'espoir de paix : de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, cette série documentaire décrypte les clichés qui ont marqué l'opinion publique. Willy Brandt à genoux à Varsovie, la poignée de main entre Rabin et Arafat, la manifestation du 11 janvier 2015 à Paris … : douze modules courts sur des photos entrées dans les consciences ». Une série souvent décevante par les commentaires révélant une incompréhension de la situation politique, « politiquement corrects », etc.

« Pietà »
« Le 23 septembre 1997, en Algérie. La veille, des extrémistes musulmans ont massacré deux cents personnes à Bentalha, au sud d'Alger ». Arte omet de nommer ces terroristes : les Groupes islamiques armés (GIA).

La « ville étant bouclée par la police, Hocine Zaourar », photographe algérien pour l’AFP (Agence France Presse), se rend à l'hôpital Salim Zemirli, où les corps des victimes ont été rapatriés. Il y découvre une femme qui pleure sa famille décimée… »

Sa photographie représente « toute la douleur du monde ».

Primée par le World Press Photo 1998, cette photographie, qui « a fait la « Une de 750 journaux », a été intitulée « La Pietà de Benthala », « La Madone de Benthala »… Elle a été analysé par des photographes et historien.

L’iconographie chrétienne abondante de la Madone tenant dans ses bras le Christ mort a influencé ceux qui fabriquent des images : photographes, cameramen, etc. Cette image résonne dans l’inconscient d’Européens, même déchristianisés.

Consciemment ou non, des photographes ou reporters déclinent cette image.

Le World Press Photo 2012 a été décerné au photographe espagnol Samuel Aranda, auteur d’une photo prise le 15 octobre 2011, dans une mosquée yéménite, et cadrée autour d’une musulmane, revêtue du nikab, serrant à Sanaa un homme blessé lors d’une manifestation contre le régime du président Ali Abdallah Saleh. Une « Piétà islamique ». La "Madone au niqab", selon Arrêt sur images.

Pallywood  emprunte lui aussi souvent à cette imagerie chrétienne. Ainsi, l’image de « Mohamed al-Dura  » filmée par le cameraman palestinien Talal Abu Rahma est la palestinisation et la transposition de la mère au père de la Pietà. Dès 2003, le journaliste James Fallow a qualifié l’image de « Mohamed al-Dura » de « Pietà du monde arabe  ».

Cette image ne vise pas seulement l’empathie des téléspectateurs par la diffusion de blood libel diffamant l’Etat d’Israël par assimilation de l’enfant palestinien au Christ, mais s’inscrit dans la théologie de la libération palestinienne : « C’est par le truchement du « Jésus palestinien » coupé de la Bible hébraïque, que s’opère le processus d’islamisation du christianisme » (Bat Ye’or).


4 min
Sur Arte le 22 août à 20 h 45

Visuel :
© Hocine Zaourar
Algérie, 23 septembre 1997, hôpital Salim Zemirli : une femme pleure sa famille décimée dans un massacre perpétré par des extrémistes musulmans. Un cliché de Hocine Zaourar

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Les citations non sourcées proviennent d'Arte.

lundi 10 août 2015

Abram Topor (1903-1992)


Formé aux Ecoles des Beaux-arts de Varsovie (Pologne) et de Paris, Abram Topor (1903-1992) gagne sa vie comme artisan maroquinier dans la capitale française. Encourageant la vocation artistique de son fils Roland Topor (1938-1997), il crée à sa retraite une œuvre picturale principalement de paysagiste, reconnu en France et à l’étranger. La Halle Saint Pierre présente l'exposition Les Cahiers dessinés (21 janvier-14 août 2015) réunissant plus de 500 œuvres de 67 artistes internationaux dont Anne GoroubenMarcel KatuchevskiRoland Topor et Saul Steinberg


Né en 1903 dans une famille Juive en Pologne, Abraham Topor obtient en 1929 un deuxième Prix de sculpture à l’Ecole des Beaux-arts de Varsovie, une bourse et un passeport gratuit pour la France.

En 1930, il complète sa formation à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, où il fait venir sa fiancée, Zlata Binsztok, ouvrière brodeuse, et où il admire les chefs-d’œuvre au Louvre.

Pour gagner leur vie, il est recruté dans une usine de capitonnage de sièges pour wagons de chemin de fer en Lorraine. « Pendant ses moments de pause, il réalisait de petits bas-reliefs en cuivre repoussé sur des chutes de métal abandonnées dans l’atelier », écrit sa fille, l’historienne Hélène d’Almeida-Topor.

Licencié, Abram Topor devient artisan maroquinier, comme son père, dans son atelier du XIIIe arrondissement de Paris. Et par commodité, il choisit de peindre et de sculpter.

Au printemps 1941, il est interné au camp de Pithiviers en tant que Juif.

A l’été 1942, il se propose comme moissonneur, et aidé par son épouse, s’évade. La famille se cache en Savoie. De ces années, Roland Topor, fils du couple et enfant caché, dit : « Les Allemands sont lancés à mes trousses. Ils veulent ma peau. Beaucoup de Français sont des Allemands qui parlent français ».

Après la Deuxième Guerre mondiale, Abram Topor reprend son activité professionnelle et sa passion artistique. 

Puis ce retraité, qui se surnomme le « jeune peintre qui monte », se consacre entièrement à la peinture, et expose ses tableaux dans des musées et galeries en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne et en Italie. Hélène d’Almeida-Topor, fille d’Abram Topor, Anne d’Almeida, Fabrice d’Almeida et Nicolas Topor, jardinier paysagiste, ont consacré l’ouvrage Abram Topor, grandeur nature (Passages et éditions Seli Arslan, 2003) dédié à Zlata Topor.

La réussite vient vite, comme celle de son fils, l’artiste polymorphe – dessinateur notamment pour Hara-Kiri (1964-1968) et pour La Planète sauvage de René Laloux (1973), affichiste pour le cinéma et le théâtre, illustrateur de livres, peintre, écrivain, poète, metteur en scène, illustrateur, chansonnier, dramaturge, acteur, scénariste, réalisateur - Roland Topor (1938-1997), dont toute la famille encourage la vocation.

En 2003, le Centre d’Art et de Culture - Espace Rachi a présenté une soixantaine d’huiles et la lithographie, essentiellement des paysages, permettant de suivre l’évolution d’un style sur près de cinquante ans. 

En touches légères, par des angles de vue, par des jeux de lignes et de perspectives surprenants, cet artiste réinvente la nature, ordonnée et verdoyante. 

Ce sont des chemins tortueux dont la destination demeure inconnue. 

Par des compositions guidant le regard, c’est aussi une invitation à l’exploration, au choix de voies à suivre. 

Quand le regard découvre, surpris, un mouvement dans le tableau, c’est comme si l’artiste faisait sentir le frémissement du vent dans le feuillage, ou entendre le grouillement de petits courants d’eau. 

En 2012, le musée François-Pompon de Saulieu avait proposé l’exposition Abram Topor : grandeur nature, accompagnée de la linogravure de Roland Topor. Pendant une trentaine d’années, Abram Topor a peint les paysages boisés du Morvan lors de ses séjours près de Gouloux, au hameau de Breuil

L’art d’Abraham Topor ? Faussement naïf, aimablement directif et paisiblement intrigant...

La Halle Saint Pierre présenta l'exposition Les Cahiers dessinés (21 janvier-14 août 2015) réunissant plus de 500 œuvres de 67 artistes internationaux dont Roland Topor, Saul Steinberg, Anne Gorouben, et Marcel Katuchevski.


Visuel :
ROLAND TOPOR
 Happy-End,1977
Stylo, encre et crayon de couleur 
32,2 x 24 cm 
© Roland Topor,
ADAGP Paris 2015 / OEuvre publiée dans Therapien, 1982, Diogenes Verlag, AG Zurich / Coll. particulière / Photo Widmer Fluri


Articles sur ce blog concernant :

Cet article a été publié en une version concise dans Actualité juive hebdo, et sur ce blog le 19 janvier 2015.