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mardi 14 février 2017

« John von Neumann. Prophète du XXIe siècle », par Philippe Calderon


Arte rediffusera le 14 février 2017 « John von Neumann. Prophète du XXIe siècle  » (John von Neumann. Der Denker des Computer-Zeitalters), documentaire de Philippe Calderon. Un portrait de John von Neumann (1903-1957), célèbre mathématicien – mathématique pure et appliquée -, physicien, statisticien, économiste, polyglotte né dans une famille Juive à Budapest et installé aux Etats-Unis dès 1930. Un novateur qui a contribué à des inventions majeures, dont la bombe atomique et l'ordinateur. Un bon vivant. 

Maurice Cohen, peintre et mathématicien
« Albert Einstein. Portrait d'un rebelle » de Sylvia Strasser et Wolfgang Würker
« A la recherche de la mémoire. Eric Kandel, la passion d'une vie » de Petra Seeger
« Lise Meitner, mère de la bombe atomique » de Wolf von Truchsess et Andreas G. Wagner
« John von Neumann. Prophète du XXIe siècle », par Philippe Calderon
« Six amis en quête de liberté. Destins croisés de Budapest à Manhattan » par Thomas Ammann

« Si les gens ne croient pas que les mathématiques sont simples, c’est uniquement parce qu’ils ne réalisent pas à quel point la vie est compliquée », a déclaré John von Neumann.

Méconnu du citoyen lambda, John von Neumann (1903-1957) a cependant élaboré, dès son installation en 1930 aux Etats-Unis, « des théories dont les applications ont définitivement changé le cours de l'humanité, de la bombe atomique à la révolution numérique, et des sciences  en général ».

Il « a apporté d'importantes contributions tant en mécanique quantique, qu'en analyse fonctionnelle, en théorie des ensembles, en informatique, en sciences économiques. Il a contribué aux découvertes les plus fondamentales (théorie des jeux, intelligence artificielle, physique statistique, entre autres) du siècle dernier et a initié la révolution informatique. Il a de plus participé aux programmes militaires américains ».

Pionnier de l'informatique, il conçoit Maniac, un calculateur utile aux tests de la bombe H, bombe thermonucléaire à hydrogène, et ancêtre des premiers ordinateurs.

Mathématiques, physique et informatique
Neumann János Lajos est né dans une famille de la haute bourgeoise Juive, non pratiquante, à Budapest, alors dans l’empire austro-hongrois aux cinquante langues. Von est un titre, donné par l'empereur François-Joseph au père de John von Neumann pour son aide majeure dans l'effort financier de ce qui deviendra la Hongrie lors de la Première Guerre mondiale.

C’est un enfant prodige, doué pour les mathématiques, doté d’une mémoire exceptionnelle et polyglotte.

Acheter un titre de noblesse ou se convertir :  telle est l'alternative de nombreux Juifs pour échapper à l'antisémitisme et s'assimiler. En 1913, son père, Neumann Miksa (Max Neumann), acquiert un titre nobiliaire par l'empereur François-Joseph. Neumann János Lajos devient margittai Neumann János, puis Johann von Neumann. Un nom patronymique américanisé en John - Johnny pour ses  amis - von Neumann, dans les années 1930, lors de son installation aux Etats-Unis.

Au lycée luthérien, John von Neumann se lie avec deux futurs scientifiques qu'il retrouvera aux Etats-Unis lors de ses recherches sur les bombes.

Le mouvement communiste mené par de nombreux révolutionnaires Juifs, suivi d'une réaction politique, attise l'antisémitisme. A la terreur rouge, succède la terreur blanche. Le père de John von Neumann, banquier, craint pour sa vie et nourrit de grands rêves pour son fils ainé, John.

En 1926, John von Neumann obtient brillamment son doctorat en mathématiques à l’université de Budapest, et un diplôme en génie chimique de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) qui avait recalé Albert Einstein : il se distingue en sortant major de sa promotion.

De 1926 à 1930, il complète sa formation en Allemagne : il est privatdozent à Berlin et à Hambourg pour approfondir ses connaissances sur la mécanique quantique. Il collabore aussi à Göttingen avec Robert Oppenheimer sous la direction de David Hilbert.

Les Etats-Unis veulent combler leur retard en mathématiques, et incitent les mathématiciens européens à enseigner au Nouveau monde. En 1930, à l’invitation de l’université Princeton, John von Neumann immigre aux Etats-Unis pour y enseigner. C’est l’année de son mariage avec Mariette Kövesi.

En 1933, à l'arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne, John von Neumann démissionne de tous ses postes honorifiques dans ce pays. Il n'aura de cesse de combattre le nazisme. Il trouve Einstein "pacifiste".

En 1935, le couple von Neumann a une fille, Marina qui deviendra professeur à l'université du Michigan et conseillère économique du président Richard Nixon. Charmant, drôle, John von Neumann "avait une vision cynique, pessimiste du monde", se souvient sa fille. Il avait un côté "show off", en particulier auprès des femmes.

De 1933 à 1957, John von Neumann est professeur de mathématiques à la faculté de l'Institute for Advanced Study où il côtoie Albert Einstein et Kurt Gödel.

En 1937, le couple von Neumann divorce. John von Neumann convolera en justes noces avec Klara Dan en 1938, un an après sa naturalisation américaine.

Lors de la montée des périls en Europe, il s’intéresse aux mathématiques appliquées (statistiques, analyse numérique, balistique, détonique, hydrodynamique). Il concentre ses efforts sur la réduction du temps de calcul, facteur essentiel en temps de guerre, en collaborant à la conception des ordinateurs.

Dès 1940, il est membre du Comité consultatif scientifique du Ballistic Research Laboratory, lié à l’armée américaine.

De 1943 à 1955, il est consultant scientifique au Laboratoire national de Los Alamos (désert du Nouveau Mexique) et participe au projet Manhattan. Là, il retrouve des scientifiques hongrois Juifs ayant fui les Nazis : Paul Erdős, Eugene Wigner, Edward Teller, Leó Szilárd ou Gábor Dénes. "The Martians" : c'est ainsi qu'est surnommé le groupe de mathématiciens et physiciens exilés de Hongrie, souvent Juifs.

John von Neumann établit que l’effet destructeur des bombes « de large dimension » est plus grand si elles explosent en altitude. Il calcule l’altitude optimale des bombes larguées les 6 et 9 août 1945 au Japon pour induire un maximum de dommages.

A Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique, lui déclarant que "les physiciens ont commis le pêché en créant cette arme de destruction massive", John von Neuman a répliqué : « Parfois on confesse un pêché pour s’en attribuer le crédit ».

Il débute ses recherches sur la logique probabiliste après une conférence Macy (1946), au cours de laquelle Walter Pitts avait communiqué les modèles biologiques.

En 1955, John von Neumann dirige le Comité consultatif général (General Advisory Committee) de la Commission américaine à l'énergie atomique (United States Atomic Energy Commission) dont il est membre depuis 1952. Cet anti-communiste contribue à élaborer les théories de la guerre froide - degré de volonté de coopération des deux super-puissances - et de la destruction mutuelle assurée (Mutually Assured Destruction, MAD). Une théorie des jeux utile aux négociateurs américains face à leurs homologues soviétiques. "La question principale, n'est pas combien on détruit d'armes, mais c'est combien il en reste. Pendant 40 ans, pas une fois, l'arme atomique n'a été utilisée d'une façon hostile. On peut penser que le chemin vers la paix, c'est le désarmement. Et bien, non, c'est l'inverse : l'arme nucléaire a apporté la paix. C'est cela, la théorie des jeux", explique Robert Aumann, Prix Nobel d'Economie 2005. "Mon père avait une vision radicale de l'Union soviétique... Cela a à voir avec ses souvenirs de la terreur communiste en 1919... Il avait une vision très pessimiste sur la nature humaine", confie Marina von Neumann.

Des recherches et une théorie des jeux qui inspireront notamment une célèbre scène avec le savant cinglé du Docteur Folamour, réalisé par Stanley Kubrick.

L’architecte de von Neumann désigne celle de la plupart des ordinateurs modernes : mémoire, unité de contrôle, unité arithmétique et logique, les mécanismes Entrée/Sortie. A partir de Maniac, il développe l'informatique. Il a conscience que l'information peut fonder le pouvoir, et veut prédire la météo, avec un degré de fiabilité à long terme. Intéressé par le message humain, il constate l'accélération constante des moyens de communication - imprimerie, téléphone... - et se passionne par les relations, les analogies, entre le cerveau et l'ordinateur.

En 1956, il est distingué par la Médaille de la Liberté (Freedom Medal) remise par le président Eisenhower.

Ce scientifique décède en 1957 d’un cancer, vraisemblablement causé par une irradiation excessive lors des essais de bombes A qu’il a observés dans l’océan Pacifique, ou lors des travaux au Laboratoire national de Los Alamos. Il a particulièrement souffert du déclin de ses facultés intellectuelles lors de sa maladie.

Grâce aux témoignages de scientifiques renommés - Roger Penrose, Marvin Minsky ("Un von Neumann vaut 100 personnes normale"), Ray Kurzweil -, ce documentaire souligne le génie de John von Neumann. Comment celui-ci pouvait-il avoir une pensée "si vite, si aiguisée, et trouver des solutions si originales" ? Selon un de ses amis hongrois, c'est parce qu'il "adorait penser".

On peut regretter que ce documentaire ne présente pas, à la différence de John von Neumann. A documentary (1966) de Mathematical Association of America (MAA) qu'il avait présidée, la voix de John von Neumann, et omette d'indiquer le sort de sa famille demeurée en Hongrie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui pourrait expliquer son pessimisme sur la nature humaine.


« John von Neumann. Prophète du XXIe siècle  », par Philippe Calderon
France, Arte, 57 min
Sur Arte les 4 août à 22 h 30, 13 août à 10 h 15 et 17 août 2015 à 9 h 50, 14 février 2017 à 22 h 30

Visuels :
John von Neumann dans les années 1940.
© Von Neumann Papers/Libary of Congress/Courtesy of Marina von Neumann Whitman

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Les citations proviennent d'Arte. L'article a été publié le 4 août 2015.

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