jeudi 10 juin 2021

François Truffaut (1932-1984)


François Truffaut (1932-1984), était un critique de cinéma pour les Cahiers du cinéma, réalisateur, scénariste, producteur (Les Films du Carrosse) et acteur, cofondateur de la Nouvelle Vague, et auteur d’une œuvre centrée sur l’enfance et l’éducation – Les Mistons, Les Quatre cents coups, L’Enfant sauvage, L’Argent de poche, L’Enfant sauvage -, la passion amoureuse - Jules et Jim, La Peau douce, La Sirène du Mississipi, L’Histoire d’Adèle H , La Femme d’à côté -, la fidélité aux êtres aimés, etc. Arte diffusera le 16 juin 2021 "La Chambre verte" de François Truffaut.

Henri Alekan (1909-2001), directeur de la photographie
L'acteur Roschdy Zem, un « coeur qui bat pour la paix » selon SaphirNews

Marquant le trentième anniversaire de son décès, la Cinémathèque française et Arte ont rendu un hommage à François Truffaut (6 février 1932-1984), critique de cinéma pour les Cahiers du cinéma, réalisateur, scénariste, producteur (Les Films du Carrosse) et acteur, cofondateur de la Nouvelle Vague,

« Vingt-et-un longs métrages, une poignée de courts, plusieurs centaines d’articles sur le cinéma parus dans un grand nombre de journaux ou revues, principalement aux Cahiers du cinéma et dans l’hebdomadaire Arts, des préfaces consacrées aux livres d’hommes qu’il admirait ou qui l’ont aidé (Renoir, Bazin, Welles, Rossellini, Ophuls, Nestor Almendros, Sacha Guitry, Tay Garnett, etc.), le fameux livre d’entretiens, Le Cinéma selon Alfred Hitchcock, devenu familièrement le « Hitchbook », paru en 1966 chez Robert Laffont, puis en Amérique chez Simon & Schuster, traduit en maintes langues, sans cesse réédité depuis. Sans compter le Truffaut acteur, dans certains de ses films : L’Enfant sauvage, La Nuit américaine et La Chambre verte, et dans le film de Spielberg, Close Encounters of the Third Kind (Rencontres du troisième type, 1977). Sans oublier la publication de sa Correspondance qui reprenait de nombreuses lettres, parmi les milliers qu’il écrivit durant sa vie à toutes sortes de gens, proches ou lointains. Bref, contrat rempli, vie rondement menée, bilan « globalement positif ». C’est une vie bien remplie, un patrimoine artistique qui influe sur plusieurs générations de cinéastes.

« Jalonnée de nombreux extraits de films et d'interviews », présentant des documents inédits - essais d'acteurs, maquettes de costumes du Dernier métro, photographies de tournage et accessoires -, l'exposition à la Cinémathèque française « retrace le parcours du cinéaste et dessine en pointillés son univers romanesque ». Puisant dans le fonds d’archives déposé par la famille de François Truffaut, elle « présente des dessins, photographies, objets, livres et revues, scénarios annotés, documents originaux, costumes. Correspondances, notes manuscrites, carnets, dessineront en pointillés l'univers romanesque de François Truffaut, mais aussi son goût pour la littérature dont il adapte certains romans – notamment Jules et Jim et Les Deux Anglaises et le continent d'Henri-Pierre Roché, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, sans compter les cinq films tirés de la « Série noire ».

Un « univers romanesque »
L'exposition retrace la trajectoire de François Truffaut, de son plus jeune âge à l'héritage de son œuvre dans le cinéma contemporain. 

Né de père inconnu en 1932, François Truffaut est placé chez une nourrice jusqu’au mariage en 1933 de sa mère, Jeanine de Monferrand, avec Roland Truffaut qui reconnaît l’enfant. Il souffre de l’indifférence de sa mère à son égard.

« Pendant le tournage de Baisers volés, le directeur de l’agence qui a servi de modèle à Antoine Doinel lui a demandé s’il n’y avait pas une enquête qu’il aimerait faire, en cadeau. On n’a pas toujours besoin d’un détective, mais François a saisi l’occasion : "Je serais content si vous pouviez retrouver la trace de mon père." On savait peu de chose sur ce père biologique, à part qu’il était étudiant dentiste quand il a rencontré la mère de François. L’agence a rendu un rapport au conditionnel, sur un homme, Roland Lévy, dentiste, habitant Belfort, qui, chaque soir, promenait son chien à la même heure. Roland était aussi le second prénom de François. Quand, à la parution de la biographie, cette information a été rendue publique, j’ai reçu un coup de fil des enfants de cet homme. "On aimerait beaucoup être de la famille de François Truffaut. Mais, malheureusement, notre père n’a jamais eu de chien." Ce qui laisse planer un doute sur la véracité du rapport. « Ce qui me semble important, c’est la satisfaction de François vis-à-vis de cette enquête qui consolidait sa théorie sur sa naissance : à savoir que la famille de sa mère était antisémite et que c’était la raison pour laquelle son père en avait été écarté. Il pensait que ses grands-parents préféraient encore que leur fille élève un enfant toute seule qu’avec un juif. A-t-il d’ailleurs su la grossesse de la jeune fille ? Janine de Monferrand, la mère de François, avait tout juste 18 ans lorsqu’elle l’attendait. Ses parents l’ont fait accoucher en cachette. Le bébé a été mis en nourrice. François avait déjà 4 ou 5 ans lorsqu’il est revenu dans sa famille, après le mariage de sa mère avec Roland Truffaut. L’enfant avait été trimbalé de nourrices en grands-mères - la mère de son père adoptif l’aimait beaucoup. Il était une marque d’infamie qui a obligé sa mère à se marier, pas forcément avec l’homme de son choix, mais avec celui qui acceptait de reconnaître l’enfant. François ne comprenait pas pourquoi socialement il était toujours présenté comme plus jeune que son âge. Quand il avait 8 ans, ses parents disaient qu’il en avait 6, pour que sa mère ait l’air majeur à sa naissance. C’est vers 8 ans, en fouillant dans des papiers, qu’il a découvert la vérité sur son état civil.», se souvient Madeleine Morgenstern  (Libération, 10 octobre 2014).

Les passions de François Truffaut lors de son école buissonnière à Paris, surtout dans le quartier de Pigalle : la littérature et le cinéma. Il constitue ses dossiers constitués d’articles de presse, de photographies, etc.

L'enfance, dont il s'inspire pour écrire Les Quatre Cents, revient souvent dans ses films à travers le thème de l'éducation. 

Adolescent après guerre, il multiplie les petits boulots.

Sa chance : la rencontre avec André Bazin  (1918-1958), son mentor et père de substitution, « le plus grand critique de cinéma depuis la Libération », animateur de ciné-clubs, a créé les Jeunesses cinématographiques, a participé aux grandes aventures journalistiques L’Ecran français, Esprit, Les cahiers du cinéma. André Bazin  a « formé le gout du public à la Libération », a « contribué à identifier le film au metteur en scène . J’ai vu des metteurs en scène comme comme Renoir, Bunuel et Rossellini, impressionnés, presque comme des élèves ». François Truffaut lui rendra hommage dans L’Enfant sauvage (1969).

Grâce à André Bazin, il entre, après cinq mois en maison de redressement, dans la presse dès 1950.

En 1951, après un chagrin d’amour, il s’engage dans l’armée pour combattre en Indochine. Il profite d’une permission pour déserter, est condamné à la prison militaire, se fait réformer.

1953 marque sa collaboration à des revues culturelles, tels Arts et l’hebdomadaire Les Cahiers du cinéma, où il dialogue avec Claude Chabrol, Jacques Rivette, Jacques Demy, Éric Rohmer, Jean-Luc Godard, pour lesquels il écrit des centaines d’articles avant son premier long métrage. « À l'âge de 21 ans, François Truffaut est un critique autodidacte prolifique et franc-tireur ». Incisif, il « renouvelle en profondeur l'approche critique », et pourfend en janvier 1954, dans Les Cahiers du cinéma, « une certaine tendance du cinéma français » en stigmatisant une certaine « qualité française ». Dans sa ligne de mire : de célèbres adaptateurs, scénaristes et dialoguistes, Jean Aurenche et Pierre Bost, et réalisateurs, dont Claude Autant-Lara, etc. A la fin de sa vie, François Truffaut regrettera son dogmatisme et louera Les Enfants du Paradis de Marcel Carné, qu’il avait durement critiqué.

En 1955, François Truffaut réalise un court métrage Une visite, et écrit la première mouture d’A bout de souffle.

Truffaut et Hitchcock
A l'été 1962, pendant une semaine, il interviewe le réalisateur Alfred Hitchcock. Ces entretiens seront rassemblées, avec l’aide de son amie américaine Helen Scott, en un livre publié en 1966, réédité et traduit en de nombreuses langues.

Dans le cadre de son Festival du documentaire, Arte rediffusa le 21 décembre 2018, Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2014). "Quand Truffaut interviewe Hitchcock, cela donne un livre qui a révolutionné la face du cinéma. Retour sur une rencontre mythique entre deux géants du septième art. Une véritable leçon de cinéma qui continue, cinquante ans après, de nourrir les propos des grands réalisateurs contemporains...

"Ce livre a été une révolution. C’est à partir de lui que nous nous sommes radicalisés, comme si quelqu’un nous avait libérés d’un poids." Martin Scorsese n’est pas le seul réalisateur à se sentir redevable à François Truffaut de la publication en 1966 du Cinéma selon Hitchcock. Ce recueil d’entretiens avec le maître anglais a marqué plusieurs générations et déclenché des vocations. Il a aussi ouvert des perspectives : le cinéma pouvait dès lors se revendiquer à la fois comme un art de masse et comme producteur d’œuvres personnelles, issues d’auteurs à part entière".

"À partir des archives sonores de la rencontre entre François Truffaut et Alfred Hitchcock – qui dura près d’une semaine –, Kent Jones retrace la complicité naissante entre les deux géants du septième art. Pour le réalisateur des Quatre cents coups, admiratif et clairvoyant, la "leçon" de cinéma se révèle d’autant plus fertile qu’elle est donnée par un génie humble et peu avare de détails. En restituant les enjeux de ce dialogue, ce film, sélectionné dans de nombreux festivals (Cannes, Deauville, Saint-Sébastien…), propose une relecture contemporaine du style de l’auteur de Vertigo, à travers la psyché de ses personnages, la dilatation du temps ou l’héritage du cinéma muet. Dix réalisateurs, d’Olivier Assayas à David Fincher en passant par Wes Anderson ou Kiyoshi Kurosawa, évoquent ce qui relie leur univers à l’œuvre d'Hitchcock, disparu en 1980. Un portrait émouvant de celui qui reconnaissait, au final, n’avoir traité qu’un seul thème : l’homme face aux dilemmes moraux".

Critique et historien du cinéma, "coscénariste du "Jimmy P." de Desplechin et directeur du festival de New York, Kent Jones est « l’ami américain » de bon nombre de cinéphiles et cinéastes du monde entier, et particulièrement des français dont il connaît très bien la culture et le cinéma. C’est la raison pour laquelle il était tout désigné pour signer un documentaire – coécrit avec Serge Toubiana, directeur général de la Cinémathèque française et coauteur dans les années 90 d’une biographie de référence sur François Truffaut – sur le fameux « Hitch book », ce livre d’entretiens conçu en 1962 dans lequel le jeune cinéaste français, ancien critique au "Cahiers du Cinéma", questionne film par film son maître Alfred Hitchcock sur l’art de la mise en scène. Truffaut souhaite abandonner l’approche théorique de ses premiers textes – et de ceux de ses collègues Rohmer et Chabrol – pour entrer dans les coulisses de la fabrication des chefs-d’œuvre de Hitchcock, suivre l’évolution de son cinéaste préféré du temps du muet jusqu’à ses derniers films hollywoodiens".

Ce livre "occupe une place essentielle aussi bien dans la vie de Truffaut que dans celle de Hitchcock, finalement reconnu comme un grand artiste et un créateur majeur du XXème siècle grâce à l’obstination de son admirateur. Le documentaire de Kent Jones raconte l’aventure de ce livre, mais chemine aussi à l’intérieur de la filmographie de Hitchcock, s’arrêtant davantage sur deux titres essentiels de son œuvre et de l’histoire du cinéma, Sueurs froides et Psychose. Il donne abondamment la parole à des cinéastes (Fincher, Assayas, Kurosawa…) dont c’est le livre de chevet – c’est le cas de nombreux cinéphiles -, interventions souvent prétexte (dans le cas de Fincher surtout) à une analyse de leur rapport intime au cinéma de Hitchcock".


Les Films du Carrosse
Le 29 octobre 1957, François Truffaut épouse Madeleine Morgenstern, fille d'Ignace Morgenstern, propriétaire de l’importante société de distribution cinématographique Cocinor. Le couple a deux enfants : Laura, et Eva, puis divorce. François Truffaut aura une fille, Joséphine, avec Fanny Ardant

François Truffaut crée sa société de production, Les Films du Carrosse, dénommée en hommage à Jean Renoir, et réalise Les Mistons, deuxième court métrage sur l’enfance.

En 1959, sort son premier long métrage Les Quatre Cents Coups. Sa première collaboration avec Jean-Pierre Léaud, et la première apparition du personnage d’Antoine Doinel. Un film distingué par le festival de Cannes qui lui décerne le Prix de la mise en scène. Un succès critique et public mondial.

Après la période mythique de la Nouvelle Vague, le parcours de l'exposition souligne « les grands thèmes de l'œuvre de Truffaut, sa méthode de travail et son rayonnement à travers le monde. L'éducation sentimentale est au cœur de la série des films Doinel : une série unique au monde de cinq films où un cinéaste fait grandir, en même temps que son acteur fétiche Jean-Pierre Léaud, un personnage sur une période de vingt ans ».

Les 21 et 27 novembre 201728 mars à 15 h 05, 3 avril à 15 h et 9 avril 2018 à 15 h 05, Histoire diffusa Il était une fois... Jules et Jim (Folamour Production, 2004). "Tous les grands films sont des témoignages exceptionnels de l’époque où ils ont été conçus. Cette collection dresse le portrait d’un cinéaste à un moment de sa vie, à travers l’un de ses films. Portrait d’une époque, portrait d’un cinéaste, portrait d’un long métrage et grande leçon de cinéma. "Il était une fois en 1962, Jules et Jim", le troisième film de François Truffaut, adapté d'un roman de Henri-Pierre Roché. Ce film raconte l’histoire de deux amis, Jules l'Allemand et Jim le Français qui aiment les femmes, mais lorsqu'ils rencontrent Catherine : ils tombent tous les trois amoureux".

Sorti en 1962, le film est adapté du roman du même nom de Henri-Pierre Roché.

Il entrelace deux histoires d'amour - celle entre Jules et Catherine, celle entre Jim et Catherine - vécues un long moment, alternativement ou simultanément, sans apparemment que nul n'en souffre.


Mais la scène finale révèle le refus létal de Catherine que Jim mette un terme à leur relation amoureuse et vive une histoire d'amour avec une autre femme.

Passion amoureuse
Le « thème de la passion amoureuse (que résume bien ces mots de La Femme d'à côté : « Ni avec toi ni sans toi ») a permis à François Truffaut de diriger de grandes actrices : Jeanne Moreau, Marie Dubois, Françoise Dorléac, Claude Jade, Catherine Deneuve, Bernadette Lafont, Isabelle Adjani, Marie-France Pisier, Nathalie Baye, Fanny Ardant, donnant la réplique à Charles Aznavour, Jean Desailly, Oskar Werner, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant et Gérard Depardieu ».

Une passion amoureuse souvent tragique.


L’affaire Langlois
En 1968, André Malraux est inquiet de la gestion carencée et opaque de la Cinémathèque sous la férule d’Henri Langlois : dégradation de l’état de milliers de films, etc. 

Le 6 février 1968, le conseil d’administration de cette institution relève Henri Langlois de ses fonctions et désigne un fonctionnaire pour diriger la Cinémathèque.

C’est le début de l’affaire Langlois qui suscite des réactions passionnelles et une mobilisation exceptionnelle parmi les intellectuels et artistes – acteurs, scénaristes, etc. - , en France et dans le monde entier. Aux manifestations de soutiens à Henri Langois, participent François Truffaut, Nicholas Ray, Marcel Carné, Robert Benayoun (Positif), Jean-Paul Belmondo, Gérard Leibovici, Jean Marais, Barbet Schroeder, Pierrre Kast, Alain Resnais, Daniel Boulanger, Mireille Darc, Jean-Luc Godard, Jean Douchet, Michel Piccoli, Lotte H. Eisner et Marie Epstein, deux collaboratrices d’Henri Langlois, licenciées sans préavis ainsi que Mary Meerson.

Le 25 février 1968, à l'Assemblée nationale, François Mitterrand qualifie l'éviction de Langlois de choquante. Manifestations réprimées par la police, militantisme par un comité de défense, télégrammes de réalisateurs – Carl Dreyer, Charles ChaplinFritz Lang - interdisant de monter leurs films à la Ciném Barbin, protestations jusqu’au sein du festival de Cannes, charge de police contre des manifestants... 

Le 22 avril 1968, une assemblée générale de la Cinémathèque rétablit Langlois à la direction de la Cinémathèque, et approuve la décision de distinguer l’activité de programmation de celle de conservation confiée au futur Service des archives du film à Bois d’Arcy.

Implantée au palais de Chaillot (place du Trocadéro), la Cinémathèque, fermée peu après le déclenchement de cette Affaire, réouvre peu après.

Pour Raymond Borde, la gauche a défendu « le droit d'un individu sur un patrimoine qui appartient à la Nation ».

Le 14 juin 1972, Henri Langlois fonde le musée du Cinéma au Palais de Chaillot.

Truffaut et Godard
L’amitié  de vingt ans entre Truffaut et Godard éclate dans les années 1960, en raison de l’antisémitisme de Godard. En 1968, devant Truffaut, Godard insulte d’un « Sale Juif » Pierre Braunberger, producteur de premiers films de réalisateurs de la Nouvelle vague par ses sociétés Les Films de la Pléiade, puis les Films du Jeudi.

En mai-juin 1973, lors de la sortie de La Nuit américaine, qui vient d'être diffusé sur les écrans - il remportera l'Oscar du Meilleur film étranger -, un échange de lettres  entre Truffaut et Godard consacre cette rupture.

Arnaud Guigue est l'auteur de "Truffaut & Godard" (CNRS éditions, 2014). "Leurs deux noms résonnent comme ceux des figures tutélaires du cinéma français d’auteur. Ces pères fondateurs de la Nouvelle Vague, critiques de la « qualité française », ressemblent-ils à leur image : l’un, créateur de formes cinématographiques, bénéficiant d’une aura extraordinaire auprès des milieux intellectuels, non commercial, et l’autre, aimé, populaire, sachant raconter des histoires et mettre en scène sans avoir révolutionné le cinéma ? C’est à une brillante analyse que nous invite cet ouvrage à travers toute la cinématographie des deux célèbres réalisateurs. Jouant adroitement de la chronologie de leurs films respectifs, Arnaud Guigue met en évidence leur différence dès le départ. Qu’ont de commun ces films noirs détournés, Tirez sur le pianiste et À bout de souffle ; ou ces films de science-fiction Fahrenheit 451 et Alphaville? L’analyse des scénarios, de la direction d’acteurs, de thèmes spécifiques tel celui de l’éducation, et surtout des images approfondit cette confrontation de deux pratiques et de deux visions du monde tout en ajoutant au plaisir de la lecture du cinéphile et de l’amateur. À contre-courant des images toutes faites, un essai revigorant qui est aussi une traversée et une relecture non conformiste de l’histoire du cinéma français."

"Truffaut-Godard, Scénario d'une rupture", documentaire réalisé par Claire Duguet a été diffusé sur PUBLIC SENAT - LCP AN le 26 juillet 2020 et sur LCP 24/24 les 26 et 28 juillet 2020. 

"François Truffaut, Jean-Luc Godard : la Nouvelle Vague les a révélés et unis autant qu'elle les a éloignés dans l'esprit des cinéphiles, cinéastes et critiques. Habités au départ par le désir commun de changer le cinéma, ils ont rapidement emprunté des sentiers cinématographiques différents, voire opposés. Pourtant aujourd'hui encore difficile d'évoquer l'un sans citer l'autre et vice versa. Truffaut et Godard forment un «couple légendaire» du cinéma. Entre ces deux monstres sacrés, la relation a souvent été tumultueuse. Un couple qui finira par se déchirer en même temps qu'il donnera naissance à deux lignées comptant dans leur rang les plus grands noms du cinéma d'auteur. Après la sortie de « La Nuit américaine » de Truffaut, Godard l'accuse de produire un cinéma commercial, tandis que Truffaut reproche à Godard ses films élitistes. Avec les interventions de Mathieu Amalric, Olivier Assayas, Claire Denis, Gilles Jacob, Jean-François Stévenin, Marin Karmitz, Claude de Givray et Antoine de Baecque. Jean-Luc Godard et François Truffaut sont les icônes de la Nouvelle Vague, qui a révolutionné le 7e art dès les années 1960. 

"À la sortie de La Nuit américaine, la rupture entre les cinéastes est définitive et donne lieu à cet extraordinaire échange épistolaire qui résonne en off sur des images d’archives. Jean-Luc Godard : « J’ai vu hier La Nuit américaine. Probablement personne ne te traitera de menteur, aussi je le fais… » François Truffaut répond cash : « Je me contrefous de ce que tu penses de La Nuit américaine, qui ne correspond ni à ton idée du cinéma ni à ton idée de la vie. Comportement de merde sur un socle. »

"Dans un extrait du film Tournée, de Mathieu Amalric, ce dialogue est repris à la manière d’un clin d’œil et d’un questionnement : où se situe la place de la résistance ? Hors ou dans le système ? L’historien et biographe des deux hommes, Antoine de Baecque, explique : « Leur rupture marque un point dans l’histoire du cinéma et entérine le fait qu’il y a deux manières de faire du cinéma. » L’un ou l’autre, libre à chacun de choisir ou pas, comme Mathieu Amalric : « C’est absurde de devoir choisir. On aime les deux pour des raisons différentes. » Fondu au noir".

"La Chambre verte"
Arte diffusera le 16 juin 2021 "La chambre verte" (Das grüne Zimmer) de François Truffaut. "Depuis la disparition de sa femme, Julien Davenne vit dans le culte maniaque des morts. Diffusé en version restaurée, l’un des plus beaux films de François Truffaut, avec Nathalie Baye."

"Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, Julien Davenne vit dans le culte des morts : celui de sa femme, disparue onze ans plus tôt, mais aussi de ses amis tombés au combat. Au Globe, le journal où il travaille, Davenne s’occupe de la chronique nécrologique. Il habite à présent avec une gouvernante et un enfant sourd-muet à qui il apprend à parler. Lors d’une vente aux enchères, il rencontre Cécilia, une femme qui partage son respect pour les disparus… "

"Je suis fidèle aux morts, je vis avec eux. […] Pourquoi ne pas avoir avec les morts la même variété de sentiments qu’avec les vivants, les mêmes rapports agressifs ou affectueux ?", expliquait François Truffaut à L’Express en marge de la sortie du film, qui fut un échec commercial. Avec La chambre verte, le cinéaste livrait certainement son œuvre la plus grave et la plus intime". 

"Au point qu’il a choisi de l’incarner lui-même, dans une chapelle personnelle tapissée de photographies d’êtres aimés, morts ou vivants (Jean Cocteau, Jeanne Moreau, mais aussi Henry James, dont trois nouvelles ont inspiré le scénario). Face à Nathalie Baye, sublime amoureuse prête à suivre le héros dans un culte qui confine à la folie, l’interprétation presque atone de Truffaut (comme dans L’enfant sauvage) amplifie à l’extrême l’intensité émotionnelle du récit. Dans la lueur des chandelles, un film déchirant, empreint de fantastique.

"La Chambre verte compte parmi les films les plus intimes et secrets de François Truffaut, au point que ce dernier, incapable d’en déléguer le rôle principal à un acteur, interprétera lui-même Julien Davenne, personnage pathétique qui bascule dans la folie. Le cinéaste s’inspire de trois nouvelles de Henry James, auxquelles il emprunte les arguments ou certaines situations : L’Autel des morts, La Bête dans la jungle et Les Amis des amis. Cette source littéraire débouche sur un film qui s’apparente à une confession impudique",  a analysé Olivier Père.

"La Chambre verte demeure l’expression la plus radicale de la passion selon Truffaut : une passion solitaire, fiévreuse, malheureuse. Davenne, revenu indemne de la Grande Guerre mais traumatisé par les charniers des tranchées, voue un culte non pas à la mort mais aux morts, ses morts qu’il a connus et aimés, et en particulier son épouse Julie, prématurément décédée. Il décide de leur consacrer une chapelle dans un cimetière, qu’il restaure avec l’autorisation de l’Église et décore de nombreuses photographies. Chaque disparu est symbolisé par la flamme d’une bougie. L’ensemble forme une figure qui ne sera complétée qu’à la mort de Davenne. Le seul contact ténu qui le retient dans le monde des vivants est une jeune femme, Cecilia (lumineuse Nathalie Baye) qui elle aussi a choisi de ne pas oublier les morts, porte le deuil de son amant adoré, mais ne se laisse pas entraîner par les penchants morbides et autodestructeurs de Davenne",  a observé Olivier Père.. 

"Jamais Truffaut n’est allé aussi loin dans la description d’un cas monomaniaque, dévoré par son obsession. La Chambre verte entretient des points communs avec L’Enfant sauvage et L’Homme qui aimait les femmes, mais se révèle beaucoup plus désespéré. Sublimé par la photographie clair-obscur du génial chef-opérateur Néstor Almendros, La Chambre verte est le grand film malade de Truffaut, et l’un des sommets maudits de son œuvre", a conclu Olivier Père.

"C’était un projet auquel François Truffaut tenait énormément. Mais il avait du mal à en parler et j’ai senti une fragilité en lui. C’était comme s’il me confiait un secret. Il voulait qu’on travaille en amont. Nous avons fait beaucoup de lectures. Il voulait jouer Julien Davenne, le personnage principal, mais en même temps ce rôle lui faisait peur. J’ai rarement tourné un film aussi triste et autant ri ! Les scènes étaient si dramatiques et proches de la folie qu’il nous fallait cette soupape pour relâcher la pression. François Truffaut, qui avait un côté un peu raide, n’était pas le dernier à avoir des fous rires", a déclaré Nathalie Baye, dans "Conversation avec" Olivier Père, directeur du Cinéma d’ARTE France.


La passion amoureuse
François Truffaut est mort le 21 octobre 1984 à l'âge de 52 ans.

« On croit, à juste titre, que l’œuvre entière est cohérente, harmonieuse, ronde : elle l’est. Plusieurs films s’enchaînent dans une belle logique ; la « saga Doinel », série originale et unique qui voit grandir un personnage, Jean-Pierre Léaud, de quatorze à trente-huit ans, à travers cinq épisodes de son éducation sentimentale. Les films « passion », de Jules et Jim à La Femme d’à côté, en passant par La Peau douce, La Sirène du Mississipi, Les Deux Anglaises, L’Histoire d’Adèle H., Le Dernier Métro, où Truffaut s’emploie à exorciser sa vision funèbre de l’amour fou. Les cinq films adaptés de « série noire » : Tirez sur le pianiste, vision poétique à la Queneau du monde des gangsters, La mariée était en noir, orchestrée par Bernard Herrmann, à revoir pour son audace narrative et la force de l’idée fixe (une femme décide une fois pour toutes de tuer), La Sirène du Mississipi, beau film « malade » où Belmondo est faible, parfois gémissant, quand l’héroïne, magnifiquement interprétée par Catherine Deneuve, mène la ronde en mentant comme une arracheuse de dents. La beauté des couples chez Truffaut : Aznavour-Marie Dubois (Tirez sur le pianiste), Jeanne Moreau et ses deux amants : Oskar Werner et Henri Serre (Jules et Jim), Desailly-Françoise Dorléac (La Peau douce), Belmondo-Deneuve (La Sirène), Deneuve-Depardieu (Le Dernier Métro), Fanny Ardant-Depardieu (La Femme d’à côté) ou Fanny Ardant-Trintignant (Vivement dimanche !) », analyse Serge Toubiana, commissaire de l’exposition. 

Ajoutons à cette liste L’Homme qui aimait les femmes, avec le talentueux Charles Denner, incarnant un séducteur blessé par un chagrin d’amour.


Truffaut était un mélomane aux goûts éclectiques : musique classique - Bach, Vivaldi -, compositeurs de musique français et américains - Georges Delerue, Bernard Herrmann, Antoine Duhamel, Maurice Jaubert -, compositeurs de chansons de variétés : Jean Constantin, Boby Lapointe, Charles Trenet, Alain Souchon avec L'Amour en fuite, poète et romancier : Serge Rezvani et son Tourbillon de la vie immortalisé par Jeanne Moreau dans Jules et Jim.

"François Truffaut"
Antoine de Baecque et Serge Toubiana ont écrit "François Truffaut" (Gallimard, Folio n° 3529, 1996, rééd. en 2001). "L'œuvre de François Truffaut est universellement connue. Ses vingt et un longs métrages sont considérés par un grand nombre de spectateurs comme des livres de chevet. Mais qui était cet homme, disparu en 1984 à l'âge de cinquante-deux ans, et qui voua sa vie au cinéma ? François Truffaut ne cessa d'entretenir le mystère et les malentendus, comme pour maintenir le secret. S'il est possible, de film en film, de retracer les contours de sa vie, à travers les personnages d'Antoine Doinel, l'adolescent des Quatre cents coups interprété par Jean-Pierre Léaud, puis le jeune homme de Baisers volés, le nouveau marié de Domicile conjugal, Ferrand, le metteur en scène de La Nuit américaine, Bertrand Morane, le séducteur de L'homme qui aimait les femmes, ou Julien Davenne, l'homme qui voue sa vie au culte des morts, l'ami inconsolé de La Chambre verte, la personnalité de François Truffaut est plus complexe et méritait une approche biographique. Établie à partir des multiples témoignages de ses amis et de ses étonnantes archives personnelles, cette biographie nous révèle les multiples facettes de François Truffaut. Voici un récit attentif et minutieux, un éclairage inédit sur un cinéaste sensible et chaleureux."

CITATIONS DE FRANÇOIS TRUFFAUT

« Je fais des films pour réaliser mes rêves d’adolescent, pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres ».

« Un tournage de film, ça ressemble exactement à un trajet en diligence au Far-West. Au départ, on espère faire un beau voyage, et puis très vite on en vient à se demander si on arrivera à destination ». 

« Tout ce que je sais, je l’ai appris par le cinéma, à travers les films. C’est par le cinéma que passent mes idées sur la vie. Et le cinéma, on apprend son histoire, son passé et son présent à la Cinémathèque ! On ne peut apprendre que là ! C’est un enseignement perpétuel. Je fais partie de ces gens qui ont besoin de revoir sans arrêt les films anciens, les muets, les premiers parlants. Donc, je passe ma vie à la Cinémathèque, sauf quand je suis occupé à tourner moi-même. » (L’Express, 20 mars 1968)

« Je veux que mes films donnent l’impression d’avoir été tournés avec 40° de fièvre ».

« Je n'ai pas d'autres films dans ma tête que ceux que je fais... Je crois que j'aime peut-être mieux le reflet de la vie que la vie même  ».


"La chambre verte" de François Truffaut
France, 1978, 1 h 31mn. (R. du 21/10/2004) - Version restaurée
Production : Les Films du Carrosse, Les Artistes Associés
Producteur : François Truffaut
Scénario : François Truffaut, Jean Gruault, d’après L’autel des morts, La bête dans la jungle et Les amis des amis de Henry James
Image : Néstor Almendros
Montage : Martine Barraqué
Musique : Maurice Jaubert
Avec : François Truffaut (Julien Davenne), Nathalie Baye (Cécilia Mandel), Jean Dasté (Bernard Humbert), Jean-Pierre Moulin (Gérard Mazet), Patrick Maléon (Georges), Jane Lobre (Madame Rambaud), Jean-Pierre Moulin (Gérard Mazet), Jean-Pierre Ducos (le prêtre), Laurence Ragon (Julie Davenne), Serge Rousseau (Paul Masigny)
Sur Arte le 16 juin 2021 à 23 h 45
Visuels :
François Truffaut est Julien Davenne dans le film " La Chambre verte" de François Truffaut
Nathalie Baye est Cécilia Mandel dans le film " La Chambre verte" de François Truffaut
© Dominique le Rigoleur

"Truffaut-Godard, Scénario d'une rupture" de Claire Duguet
Morgane / INA, avec la participation de France Télévisions et de la RTS. 2015, 52 minutes 
Auteurs Claire Duguet et Arnaud Guigue. 
Ecrit par Diane Ermel 
Sur France 5 le 12 mai 2016, à 22 h 20
Sur PUBLIC SENAT - LCP AN les 20 juillet 2020 - 20h30/21h30 -, 26 juillet 2020 - 18h05/19h00 
Sur LCP 24/24 les 20 juillet 2020 - 20h30/21h30 -, 26 juillet 2020 - 18h05/19h05 -, 28 juillet 2020 - 00h27/01h30.

 Hitchcock/Truffaut, de Kent Jones et Serge Toubiana (2014)
Sur Arte les 16 novembre 2015 à 20 h 55, 21 décembre 2018 à 0 h 10

Du 8 octobre 2014 au 25 janvier 2015
A la Cinémathèque française Musée du cinéma
51, rue de Bercy, 75012 Paris
Tél. : 01 71 19 33 33
Du lundi au samedi (sauf fermeture mardi) de 12 h à 19 h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22 h. Dimanche de 10 h à 20 h. Fermeture le mardi, le 25 décembre et le 1er janvier.
Ouverture à 10h pendant les vacances scolaires (18 oct-2 nov, 20 déc-4 janv)

Semaine spéciale sur François Truffaut
Personne ne bouge  ! (36 min)
Diffusions sur Arte  les 2 novembre à 16h55, 05 novembre à 6h55 et 08 novembre à 6h

Visuels :
© Arte

© Philippe Halsman/Magnum Photo

Michel Wolfender. Henri Langlois et François Truffaut © Michel Wolfender

Auteur inconnu. Christiane Rochefort, Jean Rouch, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard et Henri Attal lors d’une manifestation de soutien à Langlois, rue d’Ulm, le 11 février 1968, DR © Collection La Cinémathèque française

Couverture des Cahiers du cinéma, nº 200-201, avril 1968. Illustration de Gabriel Pascalini (Charles Matton) © DR

Yul Brynner et François Truffaut lors de la remise de l'Oscar du meilleur film étranger en 1974, pour La Nuit américaine

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Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié les 2 novembre 2014, 6 février et 16 novembre 2015, 12 mai 2016 et 21 novembre 2017, 28 mars et 19 décembre 2018, 22 juillet 2020.

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