Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 4 juillet 2019

« Metropolis » de Fritz Lang


Metropolis (1927) est un film muet et noir et blanc de Fritz Lang (1890-1976). Un classique sur lequel la Cinémathèque française présenta une exposition passionnante et dense. Un chef d’œuvre présenté dans une version longue incluant 25 minutes de scènes inédites, et au destin complexe : si elle est mal reçue par le public et les critiques lors de sa sortie en 1927, puis mutilée par des coupes rendant peu compréhensible son intrigue, cette œuvre cinématographique légendaire, spectaculaire et emplie de symboles a exercé une influence notable sur nombre d’artistes pour sa prescience d’une société future cruelle. Les 4 juillet  à 16 h 25 et 16 juillet 2019 à 16 h 25, Histoire diffusera, dans le cadre de "Réalisateurs de légende", "Fritz Lang" documentaire réalisé par Lyndy Caville (2018). 

  
311 jours et 60 nuits de tournage entre 1925 et 1926 dans trois des plus grands studios de Neubabelsberg (banlieue de Berlin), huit acteurs principaux et 750 acteurs pour les petits rôles ainsi que 25 000 figurants, six millions de marks dépensés durant le tournage, soit un dépassement de 5 millions sur le budget prévu, ce qui a induit des difficultés pour l’importante société de production allemande UFA…


Ce qui caractérise Metropolis, c’est « la grandeur technique de son exécution » par un maitre du cinéma muet qui a su exceller aussi dans le cinéma parlant et en couleurs, en Allemagne et aux Etats-Unis.


L’intrigue : « Joh Fredersen (Alfred Abel) règne sur Metropolis, gigantesque cité futuriste dont le confort et les jardins idylliques sont réservés à une élite. Dans les entrailles de la terre vit une population d’ouvriers, d’esclaves rivés à une machine qui les broie. Freder (Gustav Fröhlich), le fils du despote, découvre par hasard ces conditions de travail inhumaines et aussi la belle Maria (Brigitte Helm), une douce rebelle prêchant des valeurs proches du christianisme primitif. Freder en tombe amoureux sur-le-champ. Mais son père a lui aussi eu vent de l’existence de la jeune femme… »


Fritz Lang, maitre du cinéma expressionniste allemand

Fritz Lang est né dans une famille de la haute bourgeoisie autrichienne. Son père est entrepreneur en bâtiment viennois ; sa mère, née Schlesinger, est d'origine juive, convertie au catholicisme.

Enfant et adolescent, Fritz Lang est passionné par les romans d’aventures, fantastiques, policiers.

Il étudie l’architecture à Vienne, puis complète sa formation à Munich.


De 1908 à 1913, il parcourt le monde – il découvre le cinéma à Bruges -, peint et vend ses dessins à des journaux français et allemands.


Fritz Lang et Eleanore Rosé se rencontrent à Munich avant la Première Guerre mondiale et deviennent amis. Au fil de leur correspondance, Fritz Lang apparaît en « observateur aigu de son temps et de l'Amérique, très grave dans l’évocation du traumatisme du nazisme et de la guerre, du déracinement, mais aussi plein d’humour et d’autodérision… »

Pendant la Première Guerre mondiale, il est blessé, et écrit des scénarios.


En 1919, il rencontre le producteur Eric Pommer et entre dans la société de production allemande Decla pour laquelle il écrit deux scénarios.


Devenu producteur, il débute comme réalisateur, et rencontre Thea von Harbou, qu’il épouse et qui deviendra sa scénariste en exerçant une grande influence sur lui.


Parmi les films réalisés par Fritz Lang, intéressé par la science-fiction et marqué par l’expressionnisme : Les Trois Lumières (Der müde Tod, 1921), Docteur Mabuse le joueur (Dr Mabuse, der Spieler, 1922), Les Nibelungen (Die Nibelungen, 1924), Metropolis (1926), Les Espions (Spione, 1928), La Femme sur la Lune (Die Frau im Mond, 1929).


En 1931, M le maudit, (M) est son premier film parlant et son film préféré. Un succès artistique et commercial.

Le Testament du docteur Mabuse (Das Testament des Doctor Mabuse, 1933) « a été réalisé comme une allégorie pour montrer les procédés terroristes d'Hitler », confia Fritz Lang sur son « premier film antinazi » et interdit par Goebbels. Coscénariste de ce film, Thea von Harbou adhère au parti nazi. Le couple s’était séparé auparavant.

Fritz Lang quitte l’Allemagne nazie pour Paris où il réalise Liliom (1934).

Le 6 juin 1934, il part pour les Etats-Unis.

« L’Allemagne d’avant 1933, c’est pour lui l’invention du cinéma, avec tout l’émerveillement qui l’accompagne : langage, récit, truquages. Tous les moyens sont à sa disposition, d’une scénariste ultra-professionnelle (son épouse Thea von Harbou) aux meilleurs techniciens, conscients de se surpasser avec lui. Il contrôle totalement chaque image. Il peut recréer un monde de toutes pièces, comme Stroheim, Dreyer ou Eisenstein. Aux États-Unis, Lang découvre un système où le studio décide de tout : il lui faut à chaque film recommencer le combat pour plier la commande à ses exigences, tout en jouant la règle ». But : passer « une vision plus humaine et plus désabusée à la fois du monde où il vit ».

Après sa période allemande où il était « Meister », Lang comparait son travail à celui d’un artisan.

À Hollywood, Fritz Lang décline ses thématiques dans tous les genres ; ce qui déroutera certains admirateurs du maitre expressionniste « marqué par un sens inouï de la fatalité et de la paranoïa. La mise en scène implacable, épurée, de Fritz Lang fusionne la critique sociale et la métaphysique » (Bernard Eisenschitz). L’ambition de Lang n’était pas d’avoir « un style ». Comme l’a rappelé Wim Wenders, « le mot allemand Einstellung désigne à la fois l’attitude, le point de vue et le cadrage ».

Fritz Lang débute par une trilogie réaliste et sociale, Furie avec Spencer Tracy et Sylvia Sidney, J'ai le droit de vivre (You Live Only Once, 1937), et Casier judiciaire (You and Me, 1939).

A l’initiative du producteur Darryl Francis Zanuck, il tourne deux westerns sur le thème de la vengeance : Le Retour de Frank James (The Return of Frank James, 1940) et Les Pionniers de la Western Union (Western Union, 1941).

Puis, il réalise des films contre le nazisme  Chasse à l'homme (Man Hunt, 1941), Les bourreaux meurent aussi (Hangmen Also Die!, 1943), Espions sur la Tamise (Ministry of Fear, 1944) et Cape et Poignard (Cloak and Dagger, 1945).

Fritz Lang aborde la psychanalyse dans La Femme au portrait (The Woman In The Window, 1944), La Rue rouge (Scarlet Street, 1945), Le Secret derrière la porte (The Secret beyond the Door..., 1948), et House by the River (1950) avec Joan Bennett.

Suivent un western avec Marlene Dietrich, L'Ange des maudits (Rancho Notorious, 1952), Le démon s'éveille la nuit (Clash By Night, 1952), La Femme au gardénia (The Blue Gardenia, 1953), Règlement de comptes (The Big Heat, 1953), un film d'aventures, Les Contrebandiers de Moonfleet (Moonfleet, 1954), Désirs humains (Human Desire, 1954), La Cinquième Victime (While The City Sleeps, 1956) et L'Invraisemblable Vérité (Beyond a Reasonable Doubt, 1956).

De retour en Allemagne, Fritz Lang réalise un film d'aventures en deux parties et en couleurs, Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur, 1959) et Le Tombeau hindou (Das indische Grabmal, 1959), puis signe Le Diabolique docteur Mabuse (Die Tausend Augen von Doktor Mabuse, 1960).

Les jeunes critiques français, dont François Truffaut, soutiennent Fritz Lang critiqué par certains le considérant comme s’étant « commercialisé » à Hollywood, et d’autres ne retenant que ses films américains.

En 1963, Fritz Lang incarne son propre rôle dans Le Mépris de Jean-Luc Godard avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli.

Le lien entre Fritz Lang et La Cinémathèque française remonte dès 1945, année où il cherche une copie de La Chienne de Renoir pour préparer un remake, Scarlet Street (La Rue rouge). A la demande de Lotte H. Eisner, journaliste berlinoise émigrée et collaboratrice d’Henri Langlois, il confie une exceptionnelle collection, soigneusement composée, de documents de travail sur ses films américains. Dès 1959, il est reçu plusieurs fois rue d’Ulm, puis au Palais de Chaillot, et il lutte en faveur de Langlois en 1968, lors de « l’affaire » et quelques années après. Depuis quelques dizaines d’années, les chercheurs allemands ont repris le travail de Lotte H. Eisner et la Deutsche Kinemathek a réuni sur Lang et sa période allemande des trésors.


Un film-fleuve restauré 
Metropolis est présenté le 10 janvier 1927 à l’UFA Théâtre de Berlin dans sa version originelle (153 minutes).

Si le film essuie un échec auprès du public et de nombreux critiques, il est défendu par l’avant-garde, Luis Buñuel et la presse intellectuelle française.

Une version courte est diffusée en France par l’Alliance cinématographique européenne. Distribué aux Etats-Unis par la Paramount en mars 1927 dans une durée de 116 minutes, le film est « remonté et massacré dans ce pays par le romancier Channing Pollock, qui confiera son plus grand mépris pour l’œuvre de Lang ».

Metropolis sort en Allemagne en août 1927 dans une version de 118 minutes que Fritz Lang n’a jamais vue.

Metropolis a « subi le même sort que le Napoléon d’Abel Gance (1927), autre film fleuve plein de trouvailles visuelles et techniques, ou Les Rapaces d’Erich von Stroheim (1925) : œuvres phares et monstrueuses, impitoyablement amputées par les producteurs et financiers de l’époque ».

« Quand je le faisais, je l’aimais. Après, je l’ai détesté », a déclaré Fritz Lang à la fin de sa vie. Il éprouvait une gêne à l’égard du message politique de sa scénariste Thea von Harbou. Et d’ajouter : « Des coupes avaient aussi pu faire du bien au film ».

Au fil des décennies, les négatifs originaux de cette œuvre mutilée – nombreuses coupes lors de sa diffusion – ont disparu.

A de nombreuses reprises, dans les années 1980 et 1990, Metropolis de Fritz Lang a été soigneusement restauré par Enno Patalas, célèbre spécialiste du cinéma allemand. Cependant, manquaient des scènes majeures, disparues lors des remontages effectués à l’époque pour réduire la durée du film.

En 1984, Giorgio Moroder colorise, remonte et insère une bande originale rock à Metropolis.

Inscrit en 2001 sur le Registre international Mémoire du monde de l’UNESCO grâce à la Fondation F.W. Murnau, Métropolis est le seul film de l'histoire à être classé à ce Registre.

En juillet 2008, miracle ! Une version du film dans son métrage d’origine est découverte au Museo del Cine de Buenos Aires (Argentine). La quasi-totalité des plans manquants de Metropolis « subsistent désormais, et le film de Lang restauré par Martin Koerber a retrouvé presque tout son sens originel ».

Le 12 février 2010, la version restaurée de 145 minutes est projetée en simultané à Berlin, à Francfort et sur Arte, dans son accompagnement musical originel de Gottfried Huppertz. Metropolis de Fritz Lang est diffusé dans sa version originelle, que l’on pensait perdue, et restauré par la Fondation Friedrich-Wilhelm-Murnau. Il est accompagné d'une musique originale interprétée par l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin.

Ce film est ressorti le 19 octobre 2011 dans sa version intégrale de 150 minutes.

Fritz Lang visionnaire
Metropolis est le dernier film expressionniste, le premier de la Nouvelle objectivité, et le triomphe des « Filmarchitekten » allemands.

Le scénario de Metropolis était rédigé, mais le film ne commença à exister qu’à partir de la vision de Manhattan par Fritz Lang ; de même, déjà écrits ou non, Man Hunt (Chasse à l’homme, 1941) est né de la mire d’un fusil à viseur télescopique se fixant sur Adolf Hitler ; Moonfleet (1955) d’une voile rouge emportant un mort ; Die 1000 Augen des Dr. Mabuse (Le Diabolique Dr Mabuse, 1960) d’une aiguille tirée dans le cerveau de sa cible. « De là, le film se dévidait : commande ou non, le cinéaste se l’appropriait ».

Les « images de l’usine, avec ses foules d’ouvriers marchant en cadence, les visions de la ville avec ses étages superposés, inspirées de New York que Lang a visité en 1924, les scènes du robot entouré de cercles de feu, sont fixées dans la mémoire collective. L’église souterraine de la nouvelle religion sociale, avec son enchevêtrement de croix et de jeux lumineux, le rythme des scènes de l’inondation, la fantasmagorie éblouissante de la naissance de l’androïde, restent de grands moments d’anthologie ».

Film sur une société ségrégationniste, « épopée du travail tayloriste, de la technologie et des collectivités, réalisation des prophéties de l’Apocalypse par le machinisme et la corruption, c’est une œuvre moderne, effrayante, prémonitoire à certains égards du futur cauchemar nazi. L’équipe réunie par Fritz Lang est exceptionnelle et marque, avec le Faust de Murnau et Napoléon de Gance, l’apogée progressive de « l’Art Muet ». Ce qui intéressait initialement Lang, c’était l’affrontement entre la magie et l’occultisme – le domaine de Rotwang – et la modernité technique – incarnée par Fredersen, le maître de Metropolis. Lang n’a finalement pas pu approfondir cet aspect occulte, ce qui a fini par engendrer une sorte de rupture stylistique dans le film ».

Esthétiquement, techniquement et au point de vue du spectaculaire, Metropolis s’affirme comme « une œuvre phare de l’histoire du cinéma. Les nouveaux procédés de prise de vue avec miroirs permettent de composer des images en trompe-l’œil avec des décors qui semblent gigantesques : c’est l’ancêtre de la projection frontale développée par Stanley Kubrick dans 2001, l’Odyssée de l’espace. On utilise également des procédés d’animation, la méthode des surimpressions, des caméras américaines, allemandes et françaises dernier cri… La plus récente technique cinématographique est appelée en renfort par Lang, afin de donner à Metropolis une grande modernité esthétique et technologique ».


Une collection unique au monde
L’exposition Metropolis permet de découvrir le film à travers son scénario, du prologue dans la cité moderniste à la scène finale dans la cathédrale.

Les six principales séquences du film - La Cité des Fils ; La Ville Ouvrière ; La Ville Haute ; Le Laboratoire Rotwang ; Les Catacombes ; La Cathédrale – « servent de parcours et sont illustrées par des projections et des pièces uniques : dessins originaux des décorateurs, robot de la « femme-machine », costumes, appareils, photos de plateau… ».

Chaque séquence est accompagnée de la musique de Gottfried Huppertz et commentée par les souvenirs et les déclarations du réalisateur Fritz Lang, de la scénariste Thea von Harbou, de l’assistant de production Hans Taussig, des décorateurs Erich Kettelhut et Otto Hunte, des photographes Karl Freund et Günther Rittau, et de la costumière Aenne Willkomm.

Grâce à Lotte H. Eisner, sa première conservatrice, la Cinémathèque française possède une collection unique au monde : plus de 800 photographies de plateau originales de Metropolis, des dessins originaux des décorateurs Erich Kettelhut et Otto Hunte, le robot reconstitué par Walter Schulze-Mittendorff, etc.

L’exposition présente aussi des dessins inédits en France, ainsi que la spectaculaire série de têtes sculptées par Schulze-Mittendorff : La Mort et les sept péchés capitaux.

En fin de parcours, un espace est dédié à la restauration du film.

Enfin, une dernière section est consacrée à la réception de Métropolis en Francen essentiellement par le matériel publicitaire : livrets d’exploitation, flick books, publicités dans des revues, etc.

La Cité des Fils
Bien que la « ville des Fils » également dénommée le « Club des Fils » ne soit que « brièvement aperçue dans Métropolis, elle revêt une importance particulière du point de vue de la structure sociale du film.

Ce lieu d’opulence, d’insouciance et d’oisiveté, où les fils des riches et des puissants s’amusent, offre un contraste saisissant avec la ville des travailleurs.

Le stade de sport est conçu dans le style Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit). Son mur d’enceinte, sur lequel sont posées d’énormes statues, est monumental. Nous rencontrons Freder, le jeune héros, pour la première fois lors d’une course dans le stade, premier concurrent à franchir d’un air radieux la ligne d’arrivée. Les jeunes gens sont entourés de jeunes servantes qui les divertissent dans les Jardins éternels. Leurs costumes pleins d’inventivité les font ressembler à des créatures exotiques.

Par une monumentale double porte, Maria et les enfants des ouvriers pénètrent dans ce jardin d’agrément orné d’une luxuriante végétation, rafraîchi par une agréable fontaine et où des paons se promènent.

Les plans du stade ont été réalisés selon l’effet Schüfftan. Grâce à ce trucage, seule la partie inférieure du stade a en réalité été construite en studio ; le mur d’enceinte et les statues n’étaient que des maquettes, insérés dans les plans à l’aide d’un jeu de miroirs inclinés.

Le plan panoramique des Jardins éternels a été réalisé à l’aide d’une petite maquette ».


La Ville Ouvrière
Des « sirènes à vapeur annoncent le changement de quarts à Métropolis toutes les dix heures.

Les ouvriers qui ont fini leur quart marchent au pas, têtes baissées, vers les ascenseurs qui les descendent vers leurs sombres demeures, tandis que les autres équipes d’ouvriers avancent dans la direction opposée vers les salles des machines.

La ville des travailleurs est construite sous terre et n’est éclairée que par des lumières artificielles. Les immeubles, lugubres et crasseux, sont striés de diagonales d’ombre et de lumière. Au lieu de noms de rue, des numéros renseignent les résidents.

Les salles des machines, situées au-dessus de la ville ouvrière sont immenses. Bruit et chaleur étouffante caractérisent les conditions de travail. Les hommes chargés d’actionner les leviers sur les unités de commande semblent se changer en machines. La vie humaine n’y a que peu d’importance. Ce sont les machines qui alimentent la ville en énergie.

Lorsque la machine-cœur est prise d’assaut par les ouvriers, les lumières de Métropolis s’éteignent. Les salles des machines et la ville des travailleurs ont été filmées en images fractionnées.

Ainsi, seule la partie inférieure de la ville ouvrière et son imposant gong au centre ont été construits sur un espace à ciel ouvert dans les studios de Babelsberg. La partie supérieure des édifices a été créée à l’aide de maquettes reflétées par des miroirs et mises à l’échelle ».

La Ville Haute
Des « voies de chemin de fer aériennes et des passages surélevés traversent Métropolis », cette cité futuriste qui est l'un des personnnages du film de Fritz Lang.

D’imposants pylônes métalliques, qui surplombent toutes les rues de la ville, soutiennent ces voies et passages.


« Sous la nouvelle tour de Babel, la circulation se concentre vers une grande artère commerciale.

C’est au dernier étage de cette imposante tour que Fredersen, qui règne sur Métropolis, a installé son centre de pouvoir. Son immense bureau offre une vue imprenable sur la ville. Les intérieurs de la ville haute, comme le bureau de Fredersen ou l’appartement de Josaphat, sont très élaborés, évoquant les styles Art déco et Neue Sachlichkeit.

Le centre de la vie nocturne à Métropolis est le Yoshiwara, un lieu de décadence où les hommes de la haute société viennent s’amuser. Avec son portail de style japonais et ses volées d’escaliers, il est le pendant architectural de la cathédrale, sur le parvis de laquelle les ouvriers et Fredersen se réconcilieront à la fin du film.

Les vues futuristes de la ville ont été créées image par image à l’aide de maquettes et d’effets spéciaux de peinture impliquant un travail sans fin de plusieurs semaines parfois.


Des décors de rues ont été construits dans les studios de Potsdam-Babelsberg pour une scène de foule – une rencontre entre les ouvriers et les classes supérieures à un carrefour près de la cathédrale ».

Le laboratoire de Rotwang
Rotwang habite « dans une petite maison très ancienne dont le toit en ogive semble vouloir toucher le sol. Cette sinistre demeure, ressemblant à une maison de sorcière, paraît saugrenue, perdue au milieu des gratte-ciel. La porte d’entrée donne sur un couloir qui se termine par un escalier conduisant à une bibliothèque.

C’est dans le grenier, dont une lucarne, dans une esthétique toute expressionniste, projette une lumière voilée sur le mur, que Maria est enfermée.

Au rez-de-chaussée se trouve une pièce ronde pourvue de nombreuses portes, et dans laquelle Freder se retrouvera piégé. Un escalier en colimaçon relie cette pièce aux catacombes.

Le laboratoire dernier cri de Rotwang est rempli de verres à bec dans lesquels des liquides bouillonnent et un mystérieux matériel libère de terribles forces électriques. Un tube à vide dans lequel Maria sera capturée se trouve sur une table de laboratoire. Derrière un rideau se dresse un trône en pierre pour le robot.

La maison abrite également une pièce consacrée à Hel, que Rotwang et Fredersen ont tous deux aimée et qui est décédée. Une sculpture gigantesque de sa tête, ciselée dans une pierre de couleur claire, lui rend hommage.

Le robot sera présenté pour la première fois sous les traits d’une femme fatale aux gentlemen de Métropolis dans le hall de danse adjacent.

La vue extérieure de la maison a été construite sur un terrain à ciel ouvert des studios de Babelsberg.

Les effets spéciaux pour la scène de création du cyborg ont été réalisés grâce à un ingénieux système d’expositions multiples ».

Les catacombes
Les catacombes « se trouvent sous la ville ouvrière. Cette nécropole forme les véritables fondations de Métropolis.

Un vaste réseau de tunnels conduit à un spacieux sanctuaire, une sorte de crypte avec de grandes croix en bois sur lesquelles de nombreuses bougies sont allumées. C’est là que les ouvriers se réunissent après leurs quarts pour écouter les prophéties de Maria.

Un escalier en colimaçon partant de la maison de Rotwang descend dans la nécropole. C’est ainsi que Fredersen et Rotwang parviennent à espionner les réunions des ouvriers.

Dans le sanctuaire, Maria raconte la parabole de la construction de la tour de Babel. C’est là que Freder rencontre Maria pour la seconde fois et qu’il se reconnaît dans le « médiateur entre le cerveau et les mains » dont elle annonce la venue.

Par la suite, Rotwang poursuivra Maria dans les passages souterrains simplement éclairés de la chandelle de la jeune femme et de la lampe torche du savant.

Un lieu d’horreur émerge alors de ce cadre présenté sous un angle chrétien. Pour ce film, Fritz Lang a en effet emprunté de nombreux symboles aux registres chrétien, mythologique et traditionnel.

Plusieurs techniques d’effets spéciaux ont été utilisées pour la réalisation de la « vision de Babel ». Mille figurants ont eu le crâne rasé et ont tiré une maquette en parpaing à travers le Volkspark Rehberge de Berlin. La tour elle-même a été construite en modèle réduit ».


La cathédrale
À Métropolis, « la cathédrale est le pendant du Yoshiwara, lieu d’amusement. Elle représente les valeurs traditionnelles dans la ville futuriste dystopique. La nef avec sa grande colonne centrale, l’immense portail avec ses escaliers dégagés, de style gothique et flanqué de figures de saints, le toit avec sa galerie ou encore le clocher sont des renvois manifestes à l’architecture sacrée du Moyen Âge et du début de l’ère moderne.

La cathédrale est vue pour la première fois au début de l’interlude. Freder va à l’église pour rencontrer Maria mais, à la place de son nouvel amour, il rencontre les personnages de la mort et des sept péchés capitaux dans une niche latérale.

La cathédrale sert de décor à l’affrontement et à la réconciliation à la fin du film. Les ouvriers ont dressé un bûcher devant l’église sur lequel ils brûlent Maria, voyant en elle une sorcière alors qu’elle n’est autre que le robot. Sur le toit, Freder et Rotwang s’opposent dans une lutte qui prend fin avec la mort de l’inventeur. Maria et Freder sont enfin réunis et Freder devient le médiateur entre ‘le cerveau et les mains’.

Les détails de la cathédrale ont été construits à l’échelle sur une toile de fond. Les masques grandeur nature des personnages de la mort et des sept péchés capitaux ont été créés par le sculpteur Walter Schulze-Mittendorff à partir du même matériau que celui utilisé pour le robot ».

Metropolis a influé sur la représentation filmée de cités futuristes, d’utopies urbaines cinématographiques. Par son esthétisme et ses trouvailles, il a inspiré des « films de science-fiction dont l’action se situe dans une mégalopole futuriste, une ville grouillante, tentaculaire, aux dimensions inhumaines et à la beauté architecturale terrifiante et moderne » : Things to Come de William Cameron Menzies, Blade Runner (1982) de Ridley Scott via le cinéma d’animation japonais contemporain.

Fritz Lang « a, à jamais, déterminé la vision par le cinéma de ce que sera la ville de demain ».

Arte diffusa le 1er juin 2015 à 20 h 50 Le Tigre du Bengale, puis à 22 h 30 Le tombeau hindoude Fritz Lang.

 "Fritz Lang" par Lyndy Caville 
Les 4 juillet  à 16 h 25 et 16 juillet 2019 à 16 h 25, Histoire diffusera, dans le cadre de "Réalisateurs de légende", "Fritz Lang" réalisé par Lyndy Caville (2018). "Cette série se penche sur les cinéastes emblématiques du XXème siècle, innovateurs aux réalisations révolutionnaires. Nous découvrirons les premières étapes de leur vie, souvent difficiles - certains ont vécu la guerre, d'autres sont nés pauvres - avant de pouvoir exprimer leur talent dans le théâtre puis dans le cinéma. De nombreux extraits de films enrichissent les images d'archives. Dans cet épisode, nous découvrons la carrière de Fritz Lang qui a débuté en Allemagne avec Metropolis et M le maudit. Après la montée au pouvoir des nazis, il débute une nouvelle carrière en s'installant à Hollywood et devient le roi du film noir."


 "Fritz Lang" par Lyndy Caville 
Grande-Bretagne, 3DD Productions, 2018
Auteur : Cal SAVILLE
Sur Histoire les 4 juillet  à 16 h 25 et 16 juillet 2019 à 16 h 25

Metropolis de Fritz Lang
Allemagne, 1927, 2 h 26 mn, 144 mn muet, noir et blanc
Scénario : Thea von Harbou, d’après son roman éponyme, et Fritz Lang
Avec : Alfred Abel (Joh Fredersen), Gustav Frohlich (Freder Fredersen), Brigitte Helm (Maria/la machine humaine), Rudolph Klein-Rogge (Rotwang)
Image : Karl Freund, Günther Rittau
Décors : Otto Hunte, Erich Kettelhut, Karl Vollbrecht
Effets spéciaux : Eugen Schüfftan
Maquettes et robots : Walter Schulze-Mittendorf
Musique (2010) : Orchestre symphonique de la Radio berlinoise, sous la direction de Frank Strobel
Production : UFA
Version restaurée (2010) ~ (R. du 12/2/2010)
Diffusions les
 30 décembre 2011 à 22 h 45 et 11 janvier 2012 à 2 h 15.

Jusqu’au 29 janvier 2012
A la Cinémathèque française

51, rue de Bercy, 75012 PARIS
Lundi, mercredi à samedi de 12 h à19 h.
Nocturne le jeudi jusqu'à 22 h
Dimanche de 10 h à 20 h. Entrée libre le dimanche de 10 h à 13 h


Visuels de haut en bas : Affiche de l'exposition © DR

Brigitte Helm
© DR

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: Rotwang’s House
Costume of Robot Maria
Artwork: Aenne Willkomm
Deutsche Kinemathek – Sammlung Aenne Willkomm

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: Brigittte Helm,
Dance of Robot in the Hall of Dance
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Upper City
Robot Maria (Brigitte Helm) in Yoshiwara
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The City of Sons
Artwork: Aenne Willkomm
Deutsche Kinemathek – Collection of Aenne Willkomm

Graphic Motiv of the Exhibition
Maschinen-Maria (Brigitte Helm)
Cinémathèque française – Iconothèque

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The City of Sons
Artwork: Erich Kettelhut, unrealized
Dessin d’Erich Kettelhut / Metropolis, Fritz Lang, Allemagne, 1927
© Deutsche Kinemathek - Collection Erich Kettelhut

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The City of Sons
Stadium of the Sons
Artwork: Erich Kettelhut
Deutsche Kinemathek – Collection of Erich Kettelhut

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The City of Sons
Young female Servants.
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The UpperCity
Daybreak
Artwork: Erich Kettelhut
Deutsche Kinemathek – Collection of Erich Kettelhut

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Upper City.
First Model: City with Church
Artwork: Erich Kettelhut
Deutsche Kinemathek – Collection of Erich Kettelhut

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Upper City
Model
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Upper City
Freder (Gustav Fröhlich)
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Upper City
Robot Maria (Brigitte Helm) in Yoshiwara
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: Rowang’s House
The Robot Maria
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: Rotwang’s House
The Transformation
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: Rowang’s House
The Robot Maria
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Catacombs
Dreharbeiten im Studiobau der Katakomben
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Catacombs
Shooting
Fritz Lang (left), Gustav Fröhlich (Freder) and Brigitte Helm (Maria)
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Catacombs
Shooting with Brigitte Helm
Deutsche Kinemathek – Photo Archive
Fritz Lang et Brigitte Helm sur le tournage de Metropolis (1927) - Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Cathedral
Shooting, Fritz Lang and Brigitte Helm
Deutsche Kinemathek – Photo Archive

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927
Setting: The Chathedral
Figures of Death and the Seven Dedly Sins Cinémathèque française – Iconothèque

METROPOLIS, Fritz Lang, Germany 1927 - Setting: The City of Sons - Artwork: Aenne Willkomm
Deutsche Kinemathek – Collection of Aenne Willkomm

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Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 29 décembre 2011, puis le 1er juin 2015.

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