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lundi 29 mars 2021

Poussin et Moïse, histoires tissées


Après la Villa Médicis (Rome) et la Galerie des Beaux-arts de Bordeaux, la Galerie des Gobelins a présenté l’exposition "Poussin et Moïse. Histoires tissées" accompagnée d’un superbe catalogue. Résultant d’une commande royale en 1683, la tenture complète restaurée est composée de dix tapisseries sur Moïse, tissées et inspirées de neuf tableaux de Nicolas Poussin (1594-1665) et de deux peintures de Charles Le Brun (1619-1690). Elles évoquent des scènes majeures de la vie de Moïse, prophète du peuple hébreu, de son enfance jusqu’à la manne et le veau d’or dans le désert, via le passage de la mer Rouge par les Hébreux fuyant l’Egypte de Pharaon. Des épisodes de la Bible forts en symboles : liberté, iconoclasme, respect par les Juifs des commandements divins, etc. Article publié à l'approche de Pessah 5781.
C’est une exposition exceptionnelle. Pour la première fois à Bordeaux ont été présentées ensemble ces dix tapisseries en laine et soie rehaussées d’or et restaurées de L’histoire de Moïse, un sujet souvent présenté dans l’iconographie chrétienne, et provenant de musée prestigieux. L’exposition a été reconnue d'intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication.

Une tenture commandée
A la mort de Jean-Baptiste Colbert en septembre 1683, le nouveau surintendant des Bâtiments du Roi, François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois, imprime « une orientation stylistique et iconographique différente à la manufacture des Gobelins en abandonnant le tissage des célèbres tentures de Charles Le Brun (Alexandre, Histoire du Roi) ».

Dès 1683, les ateliers royaux initient « une nouvelle tenture composée de dix tapisseries » sur l’histoire de Moïse à partir de huit, ou neuf selon Arnauld Brejon de Lavergnée, tableaux de Nicolas Poussin mort près de 20 ans auparavant et alors considéré comme le plus grand peintre français, et de deux de Le Brun, Premier peintre du Roi.

Le commanditaire ? Un ministre ou le directeur de la Manufacture royale des Gobelins.

Cette tenture « magnifiait certes l’œuvre du maître, mort à Rome en 1665, mais elle témoignait aussi de la richesse du Cabinet du Roi, qui avait acquis deux peintures au cardinal Massimo en 1683, de la suprématie des Anciens et des Modernes, et de celle de l’école française sur sa consœur italienne ».

Scénographie chronologique
Grâce au prêt du Mobilier national, la galerie des Beaux-arts de Bordeaux a rassemblé les dix tapisseries de cette prestigieuse commande et permis ainsi au public de « redécouvrir un cycle essentiel de l’histoire du goût ainsi que de l’histoire de l’art français du XVIIe siècle ».

L’exposition a présenté aussi des tableaux de Poussin, un carton de tapisserie, des dessins et des gravures prêtés par de grandes institutions nationales et qui aidaient à comprendre la genèse, la réception et la diffusion de cette commande ainsi que l’œuvre de Poussin considéré par les artistes français comme l’égal de Raphaël.

Pour la première fois en France, a été montrée la tenture complète, restaurée par les ateliers du Mobilier national, de L’Histoire de Moïse d’après Nicolas Poussin (1594-1665) et Charles Le Brun (1619-1690).

Les dix pièces occupaient les deux principaux niveaux de la galerie suivant l’ordre chronologique de la Bible et des Antiquités judaïques de Flavius Josèphe.

A l’entrée de l’exposition, un ensemble de gravures, l’autoportrait de Poussin et un portrait de l’artiste par Jean Pesne, celui de Louvois par Robert Nanteuil et celui de Charles Le Brun par Gérard Edelinck rappelaient au visiteur « le rôle des deux peintres et du ministre dans la création ou la commande de la tenture royale ». Elles étaient accompagnées du plan manuscrit de la manufacture royale des Gobelins levé en 1691 par Sébastien Leclerc et conservé aux Archives nationales de France.

Au rez-de-chaussée, l’enfance de Moïse et l’épisode du buisson ardent.

A l’étage, les principaux thèmes de l’Exode.

Le prêt exceptionnel par le Louvre de trois peintures de Poussin qui ont servi de modèles aux ateliers des Gobelins, ainsi que de quatre dessins préparatoires à des tableaux consacrés à Moïse « permet une meilleure compréhension de la commande royale tandis que le carton de L’Adoration du veau d’or, récemment restauré, témoigne du processus de transposition avant le tissage ».

Au sous-sol, « la fortune critique des œuvres de Poussin consacrées au prophète hébreu » est illustrée par douze gravures provenant essentiellement du département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France (BNF), de peintures des musées des Beaux-arts de Tours et Bordeaux ainsi que d’une tapisserie tissée par la manufacture d’Aubusson d’après L’Adoration du veau d’or – sa destruction n’est pas illustrée - et de « deux entre-fenêtres tissées par les Gobelins appartenant au musée national du château de Pau et dont l’une montre la composition inversée du fait du tissage en basse-lisse ».

Poussin s’est inspiré d’œuvres antiques et de Raphaël. Les tapisseries d’après ce peintre sont : Moïse exposé sur les eaux, Moïse sauvé des eaux, Moïse enfant foulant aux pieds, la couronne de Pharaon, Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron, Le Passage de la mer Rouge, La Manne dans le désert, Le Frappement du rocher, L’Adoration du veau d’or. Celles d’après Charles Le Brun : Le Buisson ardent et le Serpent d’airain.

Ce passage du peint au tissé s’accompagne par un changement de dimension : des petits formats peints aux grands formats tissés (4 m sur 6 m environ). Les cadrages des deux peintres sont en général respectés. Parfois deux personnages (Moïse enfant foulant la couronne) ou des plantes (La Manne) sont ajoutés dans la tapisserie.


Sous la direction de Marc Bayard, Arnauld Brejon de Lavergnée et Éric de Chassey, Poussin et Moïse. Du dessin à latapisserie. Drago, 2011. 2 volumes. 228 pages. 50 €. ISBN : 9788888493800.

Du 22 mai au 16 décembre 2012
42, avenue des Gobelins, 75013 Paris
Tél. : 01 44 08 53 49
Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h
Jusqu’au 26 septembre 2011
Place du Colonel Raynal, 33000 Bordeaux
Tél. : 05 56 96 51 60
Du mercredi au lundi de 11 h à 18 h

Visuels de haut en bas :
Nicolas Poussin
Moïse sauvé des eaux, 1647
Paris, musée du Louvre.
Sébastien Le Clerc

Colbert de Villacert visitant les Gobelins.
Gravure.
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© Ph. Sébert

Moïse sauvé des eaux
360 x 511 cm.
Tapisserie.
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© Ph. Sébert

Moïse changeant en serpent la verge d’Aaron.
360 x 465 cm
Tapisserie
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© I. Bideau

Le Buisson ardent.
365 x 210 cm
Tapisserie.
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© Ph. Sébert

Le Veau d’or
361 x 505 cm
Tapisserie.
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© L. Perquis

Moïse frappant le rocher.
363 X 520 cm.
Tapisserie.
Collection du Mobilier national, cliché du Mobilier national
© L. Perquis

A lire sur ce blog concernant :

Cet article a été publié pour la première fois le 5 septembre 2011. Il a été republié le :
- 6 avril 2012, à l'approche de Pessah (Pâque juive) qui commémore la sortie d'Egypte ancienne des Hébreux où ils y étaient tenus en esclavage. Cette fête juive est aussi appelée fête de la liberté.
- 25 mai 2012, à l'approche de la fête juive de Chavouot qui rappelle le don de la Torah, sur le mont Sinaï, au peuple Juif ;
- 4 octobre 2012 à l'approche de la diffusion, les 8, 14 et 20 octobre 2012, sur la chaine Histoire d'un documentaire sur Poussin ;
- 15 décembre 2012 ;
- 12 avril, 6 août et 11 décembre 2013, 18 avril et 15 août 2014 à l'approche de la diffusion par Histoire, les 13 avril et 1er mai 2013, les 6 et 13 août 2013, les 14 et 15 décembre 2013, les 19 et 25 avril, 16 août  2014 de l'émission Palettes, consacrée à Poussin, notamment quatre œuvres picturales sur les quatre saisons inspirées de la Bible. "Au cours de ses dernières années à Rome, Nicolas Poussin exécute pour le duc de Richelieu quatre tableaux évoquant les saisons. Considérée comme le testament pictural du peintre, cette série est l'aboutissement d'un art techniquement maîtrisé, véritable synthèse de tous les éléments du style tardif de l'artiste, mais où pointent les symptômes de l'âge et de la maladie, visibles dans la touche tremblée et minuscule. Fidèle au chromatisme des Vénitiens, Poussin module des jeux de couleur surprenants, en rapport étroit avec le sens de chaque tableau. " Les Quatre Saisons ", c'est aussi les quatre phases de la Rédemption, les quatre parties de la journée, les quatre âges de l'histoire des hommes et surtout quatre épisodes de la Bible. Les différentes interprétations thématiques de cette suite révèlent une étroite synthèse entre le récit biblique et la mythologie classique. Mais Poussin résume tout son savoir de peintre et laisse éclater une sorte de panthéisme virgilien";
- 13 mai 2013 à l'approche de la fête juive de Chavouot qui rappelle le don de la Torah, sur le mont Sinaï, au peuple Juif et de la diffusion sur Histoire de ce documentaire le 19 mai 2013 ;
- 25 décembre 2013. France 3 a diffusé à 13 h 55 Les Dix Commandements, de Cecil B. DeMille avec Charlton Heston et Yul Brynner ;
- 3 juin 2014. La fête juive de Chavouot (3 juin au soir au 5 juin 2014 au soir, du 5 au 7 Sivan 5774) célèbre le don de la Torah sur le mont Sinaï et le début de la saison de la moisson du blé ;
- 3 avril 2015. Article republié en cette veille de Pessah 5775 (14-22 Nissan) : "Le mois de Nissan est le mois de la naissance du peuple d’Israël. C’est pourquoi selon les maîtres de la Michna, le premier Nissan - le jour où D.ieu annonça à Moïse et Aaron la libération prochaine des Hébreux – est considéré comme un Roch Hachana « tête de l’année ». Ainsi au Roch Hachana de Tichri qui rappelle la naissance d’Adam et Eve, couple géniteur de l’humanité, s’ajoute ce Roch Hachana de notre naissance, sans pour autant remettre les compteurs de l’Histoire à zéro. Car la vocation Juive n’a de signification qu’au cœur de l’humanité même. Si la sortie d’Avram (futur Abraham) de Ur en Chaldée marque le début de l’identité d’Israël au niveau individuel, la sortie d’Égypte marque la naissance de tout un peuple. Et c’est parce que D.ieu nous a libéré « d’une main forte et d’un bras étendu » que nous sommes devenus Son peuple, appelé à respecter la Torah et les mitsvot, qui constituent notre sagesse aux yeux des nations. Comme l’enseigne le Midrach, « le Saint, béni soit-Il, n’a pas libéré Israël durant l’hiver glacial ou durant les chaleurs étouffantes de l’été». Il a choisi le mois du printemps, ‘hodech haaviv. Durant ce mois la nature se réveille de sa léthargie, et Israël, par sa vocation spirituelle, devient printemps et espérance du monde" ;
- 22 mai 2015. Article republié à l'approche de la fête juive de Chavouot (23 mai au soir-25 mai 2015, 6 et 7 Sivan 5775) qui rappelle le don oral de la Torah, sur le mont Sinaï, au peuple Juif ;
- 21 avril 2016. Article republié en cette veille de Pessah 5776 (14-22 Nissan) ;
- 2 juin 2017 à l'approche de Chavouot et 1er avril 2018, 22 avril 2019, 11 avril 2020.

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