vendredi 19 octobre 2018

« Descendants de nazis. L’héritage infernal » de Marie-Pierre Raimbault et Michael Grynszpan


 « Descendants de nazis. L’héritage infernal » (2010) est réalisé par Marie-Pierre Raimbault et Michael Grynszpan. Un documentaire intéressant sur la conversion au judaïsme ou le rapprochement avec l’Etat d’Israël de descendants de nazis allemands, et le sentiment de responsabilité qu’ils éprouvent en raison de la Shoah (Holocaust). Un regard qui ne juge pas les témoins et des images magnifiques d’Eretz Israël. La Chaîne parlementaire (LCP) diffusera ce film les 20 octobre 2018 à 14 h et 28 octobre 2018 à 16 h. 


Albert Göring (1895-1966)

Matthias Göring (ou Goering), petit-neveu de Goering, « paladin d’Hitler », opère une démarche spirituelle vers la conversion au judaïsme. Katrin Himmler, petite-nièce du chef des SS Heinrich Himmler, a épousé un Juif israélien. La petite-fille de Magda Goebbels est devenue juive. Tout comme un descendant par alliance d’Hitler…


Cette liste n’est pas exhaustive et interpelle. Pourquoi ces Allemands dont la parentèle a été ternie par leurs liens avec le nazisme ou/et l’organisation de la Shoah, l’extermination des Juifs, ont-ils suivi une telle voie ? Pourquoi des « enfants de bourreaux » se sont-ils rapprochés d’« enfants de victimes » Juives ? Sentiment de culpabilité ou de responsabilité ? Volonté de « réparation » (tikkoun en hébreu) ? Volonté de briser un secret familial, de dépasser la réticence des proches à aborder le passé familial, sujet généralement tabou ? Difficulté douloureuse, voire existentielle, à assumer un pan terrible de l’Histoire de l’Allemagne ?


Le Dr Israël Feldman, victimologue, alerte sur les dangers de ces secrets et d’une découverte brutale d’un passé monstrueux, sur les « risques d’effondrement de valeurs ».


Pas de culpabilité collective
Plusieurs centaines d’Allemands, de toutes générations, vivent en Israël. Définitivement ou dans le cadre de volontariat. C’est peu. Leurs actes et réalisations surprennent agréablement : création en Israël, par un ancien pilote de la Luftwaffe, d’une maison de retraite pour des survivants de la Shoah et d’un institut pour les handicapés mentaux ; périodes de volontariat d’étudiants allemands, dont Kris Friedrich qui ne pourra « jamais être fier de l’Allemagne », encadrés par l’association Aktion SühnezeichenFriedensdienste (ASF). Comme l’historien Moshé Zimmerman, une dirigeante d’ASF à Jérusalem, Katarina von Münster, écarte l’idée de « culpabilité collective » au profit de celle de « responsabilité collective » allemande. Les missions confiées : la traduction de documents originaux du IIIe Reich, l’aide aux survivants âgés de la Shoah à l’Institut Beit Moises à Jérusalem…


Les comportements de ces descendants sont-ils surprenants ? Non, répond un rabbin citant le Talmud : « Des descendants d’Aman, lui-même descendant d’Amalek, archétype du Mal absolu, se sont associés à Israël. C’est donc un « phénomène connu ».


Professeur de littérature à l’université de Jérusalem, Betty Rojtman admire ces descendants pour leur « cheminement, leur quête, leur prise de conscience, cette réflexion, cette foi dans l’homme. La conviction que le Bien va l’emporter ». Quant au philosophe Benjamin Gross, il souligne la volonté de ces êtres de « vouloir échapper à l’image aveugle des prédécesseurs et de reconquérir autre chose trouvée dans le mystère de la pérennité du judaïsme ».


A la différence d’Allemands aux noms illustres, Matthias Goring a accepté de témoigner dans ce documentaire passionnant. Né en 1956, il a quitté l’Allemagne pour la Suisse où il exerce la profession de kinésithérapeute, et soulage ses patients de douleurs. Endetté après son divorce, il cherche une solution qu’il trouve en même temps qu’une… « révélation mystique ». Sa quête spirituelle le mène vers des études théologiques au sein d’une institution protestante qui ne répond pas à ses attentes. Matthias Goring s’achemine alors vers le judaïsme et se rend en Israël. Très attaché à la Torah, il s’interroge sur le courant du judaïsme qu’il choisira et s’il aura la force d’aller jusqu’au bout du processus.


Yoram Saam s’est converti au judaïsme et habite depuis 30 ans en Galilée avec son épouse dont une partie de la famille a péri lors de la Shoah. Il a quatre filles, dont la benjamine demeure très attachée à son grand-père allemand : « Peu importe ce qui s’est passé. C’est mon grand-père. Je l’aime comme un grand-père… C’est très difficile de trouver une croix gammée dans la maison de son grand-père et de savoir qu’il en est fier » . Quand cette jeune Juive israélienne qui « se sent coupable d’aimer l’Allemagne », interpelle son ancêtre sur son éventuel comportement à son égard si elle avait été pourchassée par les Nazis dans les années 1940, ce nonagénaire allemand rétorque, fataliste : « Celui qui est coupable est celui qui se sent coupable… Les hommes s’entretueront sous n’importe quel prétexte ». Ce qui choque la jeune femme car cela établit un faux parallèle entre les bourreaux nazis et les victimes Juives.


Près du lac de Tibériade se sont installés des Allemands, dont Gunther Gottschalk qui a éprouvé le besoin de « réparer ». Si celui-ci est demeuré protestant, ses cinq enfants se sont convertis au judaïsme et se sentent fièrement israéliens.


Le documentaire entrecroise des scènes montrant les rencontres, cordiales, entre ces Allemands et des Juifs israéliens, tel Ephraïm Moll, survivants de la Shoah.


Les auteurs ne jugent pas ces êtres qui naviguent entre plusieurs identités, s’ancrent dans un pays nouveau et menacé, intègre un peuple, embrasse une religion, en porte les symboles (étoile de David), épouse des Juifs ou Juives, fonde des familles nombreuses, contribue à l’histoire nationale Juive…

Il aurait été intéressant d’interroger les descendants de musulmans ou/et arabes nazis ou ayant collaboré avec le IIIe Reich, telle Leila Shahid, apparentée au grand mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini et représentante de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne.


En quasi 3e partie de soirée, ce documentaire remarquable, dont des témoignages et des images constituent une ode d’amour à l’Etat d’Israël et au judaïsme, risque malheureusement de passer inaperçu.

"Mon héritage nazi"
Le 3 novembre 2016, de 19 h 30 à 21 h 30, dans le cadre du Mois du film documentaire, le Mémorial de la Shoah a projeté en avant-première « Mon héritage nazi » (What Our Fathers Did: A Nazi Legacy)par David Evans (2015, Wildgaze Films, 90 mn, vostf). "Philippe Sands, avocat dévoué à juger les crimes de masse, rencontre les fils de deux hauts dignitaires nazis : Niklas Frank, fils de Hans Frank, gouverneur nazi de la Pologne occupée et Horst von Wächter, fils d’otto von Wächter, gouverneur nazi de la Galicie en Ukraine. Tandis que Niklas dispose d’un regard lucide sur la culpabilité de son père, Horst, lui, vit toujours dans le déni. L’avocat le confronte avec des preuves et des documents d’époque". En présence de Philippe Sands, avocat, et Agnès Desarthe, écrivain.

The March of Life

The March of Life (La Marche de la Vie) est une initiative de Jobst et Charlotte Bittner ainsi que de TOS (Tubingen Offensive Stadtmission) Ministries, église de Tübingen, en Allemagne. Avec des descendants de soldats de la Wehrmacht et de membres de la SS ainsi que des forces de police, elle organise un mémorial et des marches de la réconciliation sur des sites de la Shoah en Europe - Cracovie (Pologne), Turku (Finlande), Vilnius et Kaunas (Lituanie), Leipzig (Allemagne), etc. et en Amérique latine. Depuis 2007, des marches ont parcouru 20 Etats et plus de 350 villes en coopération avec des chrétiens d'églises différentes et de nombreuses communautés juives.


En 2011 et 2015, la Marche de la Vie a été honorée par la Knesset, parlement israélien, pour ses efforts particuliers au  nom de survivants de la Shoah. En 2017, la communauté juive de Halle en Allemagne a récompensé la Marche de la vie en lui décernant le Prix Emil L. Fackenheim pour la Tolérance et la Compréhension. La Marche de la Vie est pro-israélienne - ses membres veulent rompre l'isolement de l'Etat juif, ont édifié une soucca à Césarée pour accueillir des rescapés de la Shoah et entonnent la Hatikvah, hymne national israélien - et lutte contre l'antisémitisme.


Tina Berkovitz
Âgée de 67 ans, Tina Berkovitz est une fille de Nazis, secouriste bénévole israélienne pour Hatzalah. En avril 2018, elle a été distinguée en recevant un Prix du Conseil régional israélien de Hof HaCarmel lors d'une cérémonie ayant lieu avant Yom HaShoah (Jour de la Shoah).

Tina Berkovitz est née à Bochum près de  Dusseldorf. En 1973, elle débute sa carrière de 45 ans de sauvetage de vies humaines, en étant volontaire à l'organisation Action Reconciliation Service for Peace, qui vise à affronter l'héritage du nazisme. Dans le cadre d'un projet de cette association, elle a séjourné en Israël pour apprendre l'hébreu, puis s'est portée volontaire dans la Croix-Rouge juste avant le déclenchement de la guerre du Kippour. “J'ai été volontaire au Shmuel Harofe Hospital, comme infirmière de la Croix-Rouge.... J'ai toujours été motivée par le fait d'aider autrui et par la santé”, a déclaré Tina BerkovitzElle s'est convertie au judaïsme, s'est mariée en Israël où elle a fondé une famille à Ein Hod, village d'artistes au pied du mont Carmel, au sud de Haïfa, dans le nord d'Israël.


« Descendants de nazis. L’héritage infernal » de Marie-Pierre Raimbault et Michael Grynszpan
France-Israël, 2010, 1 h 29
Raconté par Jean-Claude Dauphin
Sur France 3 les 12 septembre 2011 à 23 h 10 et 14 septembre 2011 à 3 h 15, 21 février 2014 à 23 h 55.
Sur LCP (La Chaîne parlementaire) le 3 décembre 2017 à 20 h 50 

Visuels : © Bonne pioche/IsraTV

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Cet article a été publié le 12 septembre 2011 et le :
- 28 janvier 2013 à l'approche de la projection de ce film le 29 janvier 2013, à 20 h à l’Espace Landowsky, 28 avenue André Morizet, 92100 Boulogne Billancourt. Une projection les  B'nai-B'rith de Boulogne-Billancourt et l’association Emounah ;
- 20 février 2014, 3 novembre 2016, 3 décembre 2017 et 19 octobre 2018.

1 commentaire:

  1. Ces conversions, surprenantes sont aussi émouvantes. Pour ma part, je ne cherche pas à comprendre ni surtout à expliquer : c'est ainsi. Peu importe que ce soit un sentiment de culpabilité ou un désir de justice : ils ont choisi ... Cela les honore ...

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