lundi 6 octobre 2014

Jean-Léon Gérôme (1824-1904). L'Histoire en spectacle


Arte diffusera les 6, 10, 13 et 19 octobre 2014 le numéro de "De l'art et du cochon" intitulé "Jean-Leon Gérôme et le dîner de Louis XIV" : "À partir d’une oeuvre, cette série plonge dans l’histoire de l’art et de la gastronomie, en compagnie d’un grand chef. Aujourd'hui : Guy Martin, le chef du restaurant Le Grand Véfour, a décidé de reproduire "Le dîner de Louis XIV", seule représentation du Roi-Soleil à table réalisée en 1863 par le peintre académique Jean-Léon Gérôme". Le musée d’Orsay a présenté l’exposition éponyme sur ce peintre et sculpteur français qui a profondément marqué les arts, en particulier le cinéma. Guidé par un souci scrupuleux de véracité historique (costumes, décors), Jean-Léon Gérôme a fondé sa réputation sur des tableaux narratifs, sa représentation dramatisée et spectaculaire d'événements historiques et sur son illustration privilégiant l’anecdote. Il a exercé une influence durable sur le cinéma.


C’est la première exposition consacrée à Paris à Jean-Léon Gérôme depuis son décès en 1904.

Célèbre, apprécié et critiqué pendant sa carrière, Jean-Léon Gérôme a longtemps été méprisé en France pour son « académisme stérile ». Il est considéré actuellement comme « un des grands créateurs d’images du XIXe siècle » tant ses œuvres sont immédiatement compréhensibles par le public le plus divers, et frappent par leur composition théâtralisée.

Cette exposition aborde « tous les enjeux de son œuvre, de ses sources à son influence » : la place de Gerôme dans la « peinture française de son temps, sa conception théâtralisée de la peinture d'histoire, son rapport complexe à l'exotisme » et à l’Orient, son usage de la polychromie en sculpture, son rôle d'enseignant, son rapport au modèle antique, sa foisonnante mise en œuvre d'une grammaire visuelle, qui pousse parfois l'obsession illusionniste jusqu'à l'étrange, et entre en résonance avec tous les arts visuels, estampe, photographie jusqu’au cinéma, alors naissant, sur lequel l’influence de Gérôme est profonde ».

Etait aussi évoqué « son rapport à la référence archéologique, du mouvement néo-grec aux codifications pédagogiques déduites de ses œuvres ».

Cette exposition à la scénographie thématique s’interrogeait aussi « sur la façon dont sa personnalité cristallise le combat anti-académique de la fin du XIXe siècle, et enfin, l'engouement qu'il suscite auprès du public et des collectionneurs américains ».

La formation
Jean-Léon Gérôme est né en 1824, à Vesoul où son père est orfèvre et joaillier.

Admis à 16 ans, après son baccalauréat, dans l’atelier parisien du réputé Paul Delaroche, Gérôme s’y lie avec Gustave Le Gray, futur photographe, et il y apprend à associer étroitement peinture d’histoire et peinture de genre. Il revendique l’influence de ce peintre, de Charles Gleyre et de Jean-Dominique Ingres.

En Italie, où il travaille en 1843 dans le nouvel atelier de Paul Delaroche, Gérôme se passionne pour les vestiges archéologiques à Pompéi et Herculanum.

Il échoue au concours du Prix de Rome.

Il se fait remarquer par son tableau Le combat de coqs exposé au salon de 1847 (Paris, musée d’Orsay), et est « proclamé chef de file d’une nouvelle école, les néo-grecs ».

Au 27 rue de Fleurus, dès 1846-1847, se réunissent des artistes – peintres musiciens - « néo-grecs » qui veulent renouveler la vision approximative de la Grèce antique par une approche « archéologique » accordant une plus grande attention aux détails vrais, par une représentation plus érudite. La démarche de ces néo-grecs « s’inscrit dans le climat de recherches qui animent le milieu parisien autour de 1850, à la fois en architecture, en sculpture et en peinture ». En 1848, l’Etat achète La République pour la mairie de Montmartre.

Portraitiste, Gérôme réserve pour l’essentiel  cet exercice à son univers familial, mais peint deux célébrités du monde des arts : la tragédienne Rachel, dans un rouge dramatique, et l’architecte Charles Garnier.

Soutenu par Théophile Gautier, Gérôme est contesté par Charles Baudelaire, Edgar Degas ou Emile Zola, surtout à partir de 1861 avec Phryné devant l'aréopage. Une œuvre qui ne satisfait ni les tenants de la tradition ni les partisans d’une peinture moderne. Elle illustre la conception de Gérôme de la peinture d’histoire comme « une narration magistralement scénographiée ».

Peindre et conter l’histoire
Délaissant le style néo-grec, Gérôme va satisfaire le goût de ses clients pour « l’ailleurs », avec un souci de réalisme, du détail vrai dans la peinture de l’architecture, des costumes, des lieux, de l’atmosphère.

Jusqu’au XIXe siècle, la peinture d’histoire imposait le principe d’édification, puis elle a privilégié la narration. Parallèlement se développait le roman historique. Ce peintre qui prend des libertés à l’égard de l’académisme met en spectacle l’Histoire, de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle. Le spectateur est placé en « témoin oculaire » d’un évènement narré de manière théâtralisée, et puisé dans l’histoire antique (La Mort de César) ou moderne (Réception du Grand Condé à Versailles, 1878), la légende napoléonienne (L’exécution du Maréchal Ney, 1867), ou des épisodes contemporains (Audience des ambassadeurs de Siam à Fontainebleau, 1864).

Une théâtralisation que l’on retrouve dans ses peintures orientalistes empreintes de sensualité (Bain turc ou Bain Maure, 1870), ses tableaux de paysage, religieux, de scène de genre ou de nu féminin.

Les Orients, réel et fantasmé, de Gérôme
Chargés par le Ministère de l’Instruction publique de réunir des éléments « pour l’étude des antiquités de ces différents pays [Egypte, Nubie, Palestine] et la reproduction photographique des principaux monuments et des types les plus remarquables des races diverses », Gérôme et le jeune Auguste Bartholdi se dirigent vers Alexandrie le 8 novembre 1855. Bartholdi réalise, en Egypte et au Yémen, plus d’une centaine d’épreuves.

Déjà en 1852, ont été publiées par Blanquart-Evrard les photographies de Maxime du Camp en 1849 lors de son séjour en « Egypte, Palestine et Syrie en compagnie de Gustave Flaubert ».

Pour Bartholdi et Gérôme ce premier voyage est une découverte de l’Orient. Gérôme s’inspire de « l’effet panoramique » donné par Bartholdi à ses photos en Egypte pour insuffler une ampleur théâtrale à ses peintures.


A partir de 1855, Gérôme séjourne à plusieurs reprises dans la partie orientale de la Méditerranée, en particulier à Jérusalem en 1868 et lors de l’inauguration du canal de Suez en 1869.

Il peint un Orient à la fois en se fondant sur des clichés, ses souvenirs, ses esquisses et en fondant son imaginaire avec celui d’écrivains – Les Orientales deVictor Hugo - et de peintres évoquant un Orient sensuel, violent, cruel. Gérôme offre ainsi au public la vision qu’il espère et s’est façonnée de ce monde lointain.

Dans le bestiaire varié - chats, chiens, chevaux, tigres, lions et dromadaires - de Gérôme, le lion occupe une place privilégiée : dans les arènes du cirque romain, le roi des animaux est « féroce et cruel », dans la « cage du cirque moderne, on le voit dompté en douceur ». Un félin toujours symbole de force, comme le tigre. On peut y voir le résultat des études de jeunesse de Gérôme quand il fréquentait quotidiennement le Jardin des Plantes, puis, les ménageries. Ou un clin d’œil de l’artiste : en latin, Leo veut dire « lion » et « Léon ». Un de ses tableaux s'intitule Nominor Leo : « On m’appelle Lion / Léon ».

Gérôme, sculpteur : « Le Père polychrome »
L’exposition universelle de 1878 marque les débuts de la carrière officielle du sculpteur Gérôme, âgé de 54 ans, qui y montre Les gladiateurs, dans la veine académique, en bronze.

A l’instar des sculpteurs antiques, à partir de 1890 (Tanagra), il opte pour la polychromie, il colore ses œuvres marmoréennes avec une cire pigmentée.

Parmi ses sculptures, citons Sarah Bernhardt, vers 1895. Gérôme consacre une part de plus en plus importante à la sculpture.

Vers la fin de sa vie, la figure du sculpteur travaillant dans son atelier devient le thème privilégié de ses tableaux (Pygmalion et Galatée, 1890) et d’autoportraits.

Dans l’atelier
Dans son atelier du boulevard de Clichy ouvert en 1860 et décoré de tapis orientaux, Gérôme élabore ses compositions picturales. Son atelier devient une source d’inspiration représentée dans ses œuvres.

Nommé en 1864 professeur à l’École des Beaux-arts, Gérôme définit sa mission comme « apprendre l’orthographe de l’art aux jeunes gens ». Il y assure son enseignement jusqu’en 1902.

Hostile à l’exposition des œuvres d’Edouard Manet à l’Ecole des Beaux-arts (1884), il reconnaît finalement s’être trompé.

De nouveau, il s’aliène la critique avant-gardiste en s’opposant en 1894 à la donation Caillebotte qui réunit des tableaux impressionnistes puis lors de l’Exposition universelle en 1900, en s’élevant contre la peinture moderne.

La diffusion des œuvres
Gérôme est particulièrement intéressé par la diffusion de ses œuvres : par leur vente à des collectionneurs et par la reproduction gravée et photographiée vendue à des milliers d’exemplaires.

Ainsi, il collabore dès 1859 avec la maison Goupil, galerie d’art et éditeur, dirigée par Adolphe Goupil, qui devient son beau-père.

Cette reproduction en grand nombre renforce sa renommée et démultiplie son audience, devenue internationale : « jusqu'en 1914, Goupil négocie 337 tableaux et en reproduit par la gravure ou la photographie près de 370 ».

Gérôme lègue à la Bibliothèque nationale la reproduction photographique de ses œuvres.

Cinéma
La qualité des représentations picturales de Gérôme – intelligibilité immédiate, souci du détail vrai, impression rapide dans les mémoires, composition cadrée - alliée à la large diffusion des œuvres de Gérôme aux Etats-Unis expliquent son « héritage dans une Amérique s’appropriant par l’image animée le récit de l’histoire du Vieux Continent ».

C’est le péplum (peplos, signifie en grec tunique), un genre cinématographie apparu dès les frères Lumière et Méliès, qui puise dans les tableaux de Gérôme sur l’Antiquité romaine ses images les plus saisissantes. Les réalisateurs – William Wyler (Ben-Hur, 1959), Stanley Kubrick (Spartacus, 1960), Ridley Scott (Gladiator, 2000) - sont « sensibles à l’efficacité de la mise en scène du peintre, à sa capacité de faire tenir en un seul « plan » l’ensemble d’une composition narrative, jouant sur la durée de l’action, au choix habile de « l’instant d’après » dans la plupart de ses sujets historiques ».


Jusqu’au 23 janvier 2011
Niveau 0, grand espace d'exposition
1, rue de la Légion-d'Honneur, 75007 Paris
Tél. : téléphone : 01 40 49 48 14
Tous les jours, sauf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45

Du 15 juin au 12 septembre 2010
Au Getty Museum à Los Angeles

Du 1er mars au 22 mai 2011

Visuels de haut en bas
Affiche
Jean-Léon Gérôme
Pollice Verso, 1872
Huile sur toile, 97,5 x 146,7 cm
Phoenix Art Museum
© Phoenix Art Museum

Jean-Léon Gérôme
Sortie du bal masqué, vers 1857-59
Huile sur toile, 39,1 x 56,3 cm
Baltimore, Walters Art Gallery
Photo©The Walters Art Museum, Baltimore

Jean-Léon Gérôme
La mort de César, 1859-1867
Huile sur toile, 85,5 x 145,5 cm
Baltimore, Walters Art Gallery
Photo©The Walters Art Museum, Baltimore

Jean-Léon Gérôme
Jeunes Grecs faisant battre des coqs dit aussi un combat de coqs, 1846
Huile sur toile, 143 x 204 cm
Paris, Musée d'Orsay
© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
 
Jean-Léon Gérôme
La République, 1848
Huile sur toile, 292 x 193 cm
Les Lilas, Mairie des Lilas
© Musée d'Orsay (dist. RMN) / Patrice Schmidt

Jean-Léon Gérôme
Phryné devant l'Aréopage, 1861
Huile sur toile, 80,5 x 128 cm
Hambourg, Hamburger Kunsthalle
© BPK, Berlin, Dist. RMN / Elke Walford

Jean-Léon Gérôme
Réception du Grand Condé à Versailles, 1878
Huile sur toile, 96,5 x 139,7 cm
Paris, Musée d'Orsay
© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Jean-Léon Gérôme
Promenade du Harem, 1869
Huile sur toile, 78.7 x 134.6 cm
Don de Walter P. Chrysler, Jr.
Norfolk, Chrysler Museum of art
© Image courtesy of the Chrysler Museum of Art, Norfolk, Va.

Jean-Léon Gérôme
Jérusalem ou Le Golgotha, 1867
Huile sur toile, 82 x 144,5 cm
Paris, Musée d'Orsay
© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Jean-Léon Gérôme
Tanagra, 1890
Statue en marbre polychrome, 154,7 x 56 x 57,3 cm
Paris, Musée d'Orsay
© RMN (Musée d'Orsay) / René-Gabriel Ojéda

Jean-Léon Gérôme
Sarah Bernhardt, vers 1895
Buste en marbre teinté, 69 x 41 x 29 cm
Paris, Musée d'Orsay
© RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Anonyme
Gérôme en tablier de sculpteur assis à côté du plâtre des Gladiateurs, de face, vers 1890
Épreuve albuminée, 25,7 x 21 cm
Paris, Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France


Articles sur ce blog concernant :

Cet article a été publié le 17 janvier 2011, puis le :
11 décembre 2012 à l'approche de la vente aux enchère par le département orientaliste d'Artcurial, le 11 décembre 2012, du tableau Promenade du harem de ce peintre. L'oeuvre inédite est estimée entre 800 000 et 1,2 million d'euros ;
- 3 juillet 2014. Toute l'Histoire a diffusé le 4 juillet 2014 dans la série Sphinx : les légendes de l'Histoire le documentaire sur les gladiateurs

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