vendredi 1 octobre 2021

L'attentat contre la synagogue de la rue Copernic en 1980

  
Le 3 octobre 1980, un attentat terroriste antisémite du FPLP-OS (Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales) a visé la synagogue parisienne rue Copernic (75016), faisant quatre morts et 46 blessés. Livre, documentaire, colloque et articles de presse ont étudié cet attentat. Malgré les réquisitions du parquet favorable au renvoi aux Assises de Hassan Diab, principal suspect de l’attentat de la rue Copernic, Hassan Diab avait bénéficié en janvier 2018 d'un non-lieu de juges anti-terroristes. Libéré, le prévenu était retourné au Canada en étant accompagné jusqu'à l'avion par un représentant de l'ambassade du Canada en France. Le 27 janvier 2021, la Cour d’appel de Paris "a renvoyé aux Assises Hassan Diab". Un arrêt confirmé en cassation. Le 3 avril 2023, s'est ouvert son procès, en son absence, à Paris.

L’Union libérale israélite de France est la plus ancienne communauté juive libérale. Elle a pour devise : « Tradition, dialogue et ouverture ».

La synagogue libérale de la rue Copernic est située dans le tranquille et huppé XVIe arrondissement de Paris.

Elle "a été créée en 1907 par le grand Rabbin Louis-Germain Lévy".

Attentat antisémite
Le vendredi 3 octobre 1980, vers 18 h 37, à l’entrée du chabbat, explose une bombe visant cette synagogue libérale.

Cet attentat antisémite fait quatre morts - Jean-Michel Barbé tué dans sa voiture, Philippe Bouissou tué alors qu'il roulait en moto, Hilario Lopez Fernandez, gardien de l’hôtel Victor Hugo, décédé deux jours après l’attentat, Aliza Shagrir,présentatrice de télévision israélienne, tuée alors qu’elle marchait sur le trottoir - et 46 blessés.

Parmi les blessés : Corinne Adler, présente dans la synagogue, en pleine bat-mitzvah, à l’âge de 13 ans, et Gérald Barbier, propriétaire du magasin de luminaires, à côté de la synagogue, dont le plafond s’est effondré.

Le bilan aurait pu être encore plus lourd si la bombe avait fonctionné comme prévu, à l’heure de la sortie des fidèles de l'office du shabbat.

De retour à Paris, Raymond Barre, alors Premier ministre et élu de Lyon, déclare :
« Cet attentat odieux voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».
Alors Président de la République, "Valéry Giscard d’Estaing arrive à Authon, au château familial. Il vient d’apprendre la nouvelle par la radio dans sa voiture. Pour le président de la République, c’est un fait divers comme tant d’autres. Une synagogue a été prise pour cible, demain ce sera une église, les juifs sont des Français à part entière, et puis il n’est pas question de réagir à chaud, ce n’est pas l’habitude du Président… Giscard téléphone à Christian Bonnet, ministre de l’Intérieur qui est déjà sur les lieux de l’attentat. Il prend connaissance du désastre et des mesures nécessaires pour renforcer la sécurité des institutions juives. Le secrétaire général de l’Elysée, Jacques Wahl, est profondément bouleversé. Il ne peut rester indifférent. Il est juif et connaît bien ce lieu de culte, ses enfants y ont étudié, ils auraient pu être parmi les victimes. Il appelle son président et lui suggère de publier un communiqué et d’adresser un message de sympathie au grand rabbin Kaplan", a analysé Freddy Eytan.

Le 4 octobre 1980, Valéry Giscard d'Estaing (UDI) adresse une lettre au Grand Rabbin de France, alors Jacob Kaplan, après cet attentat :
"Monsieur le Grand Rabbin,
Parlant au nom du peuple français, je vous exprime mon émotion et mon indignation devant l'odieux attentat contre la synagogue de la rue Copernic.
En ce moment de douleur, je vous redis l'estime et l'amitié personnelles que je porte à la communauté juive de France.
J'ai donné des directives expresses afin que tout soit mis en oeuvre pour retrouver et traduire devant la justice, les auteurs de cette action criminelle.
Sachez que, dans une semblable circonstance, le sentiment qui réunit les Français de toutes origines et de toutes confessions, est celui de leur étroite solidarité.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Grand Rabbin, l'assurance de ma haute considération et celle de ma sympathie personnelle pour vous-même et pour la communauté juive de France."
Une lettre méconnue, voire inconnue de nombre de Français.

Ces propos de Raymond Barre et l'absence d'un autre acte officiel - discours rappelant que la France refuse toute attaque contre ses citoyens juifs, déplacement présidentiel dans la synagogue, etc. - indignent la communauté Juive française. Celle-ci s’en souviendra, notamment lors des élections présidentielles en mai 1981.  

Le 7 octobre 1980, 200 000 manifestants, majoritairement non juifs, défilent en solidarité entre Nation et République.

La FANE (Fédération d’action nationale et européenne), mouvement d’extrême-droite, le revendique. La piste nazie est vite privilégiée par les responsables communautaires, syndicaux et associatifs, ainsi que par les autorités politiques.

Celles-ci occultent pendant des décennies la piste proche-orientale menant au FPLP-OS (Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales), groupe terroriste membre de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) et « petite société commerciale »

Hassan Diab au Canada
En octobre 2007, un article du Figaro affirme que l’auteur présumé de l’attentat vit au Canada, après avoir résidé aux Etats-Unis. Ce suspect aurait été identifié grâce au fichier de l’organisation obtenu par l’Allemagne, qui l’aurait diffusé auprès de pays amis, dont la France.

Le 5 novembre 2008, les juges d'instruction français Marc Trévidic, magistrat au pôle antiterroriste et nouvellement en charge du dossier, et Yves Jannier lancent un mandat d’arrêt international à l’encontre de Hassan Diab. 

Le 13 novembre 2008, la gendarmerie canadienne interpelle au Québec (Canada) l'auteur présumé de cet attentat, Hassan Diab, âgé de 54 ans, professeur de sociologie de l’université Carleton d’Ottawa. D’origine palestino-libanaise, ayant acquis la nationalité canadienne en 1993, Hassan Diab est soupçonné d’avoir fabriqué et posé la bombe, ainsi que loué, avec de faux papiers, la moto où était placé l'explosif. Il nie être l’auteur des faits qui lui sont reprochés.

Extradition
Le 10 décembre 2008, les deux juges d'instruction français demandent l'extradition d'Hassan Diab qui est arrêté.

Le 31 mars 2009, Hassan Diab est remis en liberté conditionnelle.

La justice canadienne a examiné la demande d'extradition de Hassan Diab vers la France.

Au printemps 2009, Jean Chichizola et Hervé Deguine, journalistes, présentent les résultats intéressants de leur enquête sur cet attentat, sur des jeunes militants pro-palestiniens, en rupture avec leur organisation, ayant choisi la voie terroriste et jusqu’auboutistes, puis reconvertis en cadres supérieurs en Amérique du Nord et au Liban.

Curieusement, ces deux auteurs évoquent un « terrorisme aveugle », alors que ce terrorisme cible les juifs, et le titre de leur livre ne qualifie pas cet attentat d’islamiste ou de palestinien.

On peut regretter que les enjeux politiques, et la fameuse "politique arabe de la France" soient si peu analysés  par ces deux journalistes.

A noter que Hervé Deguine, défenseur du correspondant de  France 2 à Jérusalem, a signé la pétition Pour Charles Enderlin après que celui-ci ait été débouté de sa plainte contre Philippe Karsenty, directeur de l'agence de notation des médias Media-Ratings, dans l'affaire al-Dura.

Pétition
Depuis la publication du livre en avril 2009, de nombreuses organisations juivesB’nai Brith Canada, Centre Simon Wiesenthal - se sont indignées qu’Hassan Diab puisse reprendre son enseignement auprès de la jeunesse. Avançant l’intérêt des étudiants, l’université Carleton nomme le 28 juillet 2009 un autre enseignant pour le remplacer.

Le 11 septembre 2010, le Centre Simon Wiesenthal (CSW), le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), le SPCJ (Service de protection de la communauté juive) et l'ULIF (Union libérale israélite de France), ont appelé à signer une pétition adressée au ministre de la Justice, l’honorable Rob Nicholson, et procureur général du Canada, afin que, le 8 novembre 2010, la justice canadienne prononce l'extradition du presumé coupable de l'attentat vers la France, «  sur les lieux du crime qui a causé la mort de Jean-Michel Barbé, Philippe Bouissou, Hilario Lopes-Fernandes et Aliza Shagrir ». La pétition Pour que justice soit rendue aux victimes de l’attentat de la rue Copernic, pour que les terroristes ne trouvent jamais un refuge paisible au sein des démocraties, signons la pétition... est aussi sur Facebook. Le dossier de l'affaire se trouve sur le blog de l'Appel de Copernic.

Colloque
L'ULIF (Union libérale israélite de France), le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et le Centre Simon Wiesenthal (CSW) ont organisé le colloque L'Attentat de Copernic, Se souvenir, comprendre,  juger le 3 octobre 2010 à 14 h à la synagogue de l'ULIF, 24 rue Copernic, 75116 Paris. Parmi les orateurs, Irwin Colter, député canadien et ancien ministre de la Justice du Canada, a prononcé un discours remarquable. A ce colloque a succédé une cérémonie de commémoration en présence notamment du Premier ministre François Fillon, d'édiles et de responsables communautaires.

"Rue Copernic, histoire d'un attentat"
Le 30 septembre 2010, à 22 h 50, France 2 a diffusé, dans le cadre de l'émission Infra Rouge, le documentaire Rue Copernic, histoire d'un attentat (66 minutes) de Jean Chichizola et Laurent Jaoui.  "3 octobre 1980 : une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic à Paris, où des centaines de personnes sont en train de prier. Quatre morts, quelques dizaines de blessés. L'explosion qui s'est déclenchée trop tôt, épargne les fidèles : le carnage aurait pu être plus effroyable encore. La mémoire collective se souviendra du mot malheureux du premier ministre de l'époque, Raymond Barre, déplorant que cet attentat ait finalement frappé des "Français innocents". Consternation.  Des centaines de milliers de Parisiens manifestent contre l'extrême droite, soupçonnée d'avoir commis l'attentat. Il s’avérera plus tard que l'attentat a été exécuté par un groupe palestinien extrémiste.  L'explosion de la rue Copernic est un moment tournant : la France se trouve prise en otage dans les conflits du Moyen-Orient. Il va falloir apprendre à vivre avec le terrorisme. Après que l'enquête piétine pendant des dizaines d'années, un des hommes soupçonnés de l'attentat est retrouvé au Canada, où il file des jours tranquilles d'enseignant dans une université". La justice française a obtenu son extradition en 2014. "Pour tous ceux dont la vie a été saccagée, c'est comme si l'affaire de la rue Copernic sortait enfin d'un long sommeil. Pour tous  - victimes, assassins et enquêteurs - l'attentat de la rue Copernic est à nouveau terriblement présent".

Canada/France
Le 6 juin 2011, un tribunal d'Ottawa a ordonné l'extradition vers la France du principal suspect dans cet attentat, Hassan Diab. L'avocat de celui-ci a interjeté appel de ce jugement.

Le 4 avril 2012, le ministre de la Justice canadien, Rob Nicholson, a signé l'ordre d’extradition d’Hassan Diab vers la France.

Lors d'une conférence de presse du 13 avril 2012, Hassan Diab et son avocat, Me Don Bayne, ont annoncé leur intention d'interjeter deux appels : l'un contre cet ordre d'extradition et l'autre contre l'ordre d'extradition prononcé contre lui en juin dernier par la Cour supérieure de l'Ontario.

Le 2 octobre 2013, l'Association française des Victimes du Terrorisme (AFVT) s’est portée partie-civile dans le dossier de l’attentat de la rue Copernic. Elle mobilise "ses ressources afin de soutenir la demande d’extradition d’Hassan Diab, auprès des autorités canadiennes, afin qu’il soit entendu par le juge français en charge de l’instruction". Elle déclare : "Malgré la décision favorable des autorités canadiennes, Hassan Diab a usé de tous les artifices procéduraux pour s’opposer à son extradition, affirmant même que l’enquête était fondée sur des informations secrètes obtenues « sous la torture » ou « sans source ». Ainsi, Hassan Diab n’a pas manqué de diaboliser le magistrat instructeur et le système judiciaire français, suggérant que les poursuites à son encontre étaient motivées par des fins politiques afin de trouver « un coupable ».  En dépit de plusieurs demandes officielles des autorités, Hassan Diab continue à se soustraire à la justice française. Son dernier recours en appel doit être examiné dans les prochaines semaines par les autorités canadiennes. S’il obtient gain de cause, il ne sera pas extradé. Les victimes attendent un procès" depuis 33 ans.

Et d'ajouter : "Cet attentat a marqué le début d’une série d’actions terroristes menées sur le sol français par les groupes palestiniens radicaux dans les années 1980. Avant que le magistrat anti-terroriste Jean-Louis Bruguière ne soit saisi du dossier, la brigade criminelle a remonté rapidement la piste de l’acheteur de la moto utilisée dans l’attentat grâce au numéro de l’engin qui a pu être récupéré. Cet homme, un certain « Alexander Panadriyu », a loué une chambre à l’hôtel Celtic et a même été brièvement interpellé par la police après avoir tenté de voler une pince coupante dans un magasin de bricolage. L’auteur présumé de l’attentat a ainsi laissé des traces concrètes de son séjour à Paris, comme le numéro d’un passeport chypriote et une note d’hôtel manuscrite. Bien que retombée dans l’oubli et malgré quelques lenteurs, l’enquête n’a pour autant jamais été interrompue. Sans violer le secret de l’instruction toujours en cours, il suffit de rappeler que depuis le 2 décembre 1999, le nom du suspect apparaît 2128 fois dans 281 documents de la procédure, pour constater que des éléments factuels justifient son audition par les autorités françaises".

Les 4 et 5 novembre 2013, la Cour d'appel de Toronto (Ontario) a examiné la légalité de cette demande d'extradition d'Hassan Diab par la France. Le 4 novembre 2013, devant la Cour d’appel les avocats de Hassan Diab, âgé de 59 ans, ont douté  de la crédibilité et la fiabilité des preuvesrapport de l’experte graphologue  Anne Bisotti sur une fiche d’hôtel, informations  obtenues sous la torture qu’auraient utilisés les services secrets syriens auprès d’un de leurs ressortissant, preuve provenant d’une « source non authentifiée du renseignement français » - visant leur client libano-canadien qui risque l’extradition en France. Me Anil Kapoor, avocate d’une association canadienne de défense des libertés civiles qui intervient comme « témoin désintéressé, a rejeté la recevabilité d’une procédure pénale dont les preuves n’ont pas de sources identifiées.

Le 15 mai 2014, la Cour d'appel de l'Ontario a rejeté l'appel du prévenu. Me Marlys Edwardh, une des avocats de ce dernier a annoncé le 3 novembre 2014, par courrier électronique, avoir saisi la Cour suprême du Canada.

"Avant de se prononcer formellement sur l’affaire, les magistrats de la plus haute instance judiciaire du pays doivent au préalable statuer sur la recevabilité du dossier d’Hassan Diab. Paris et Ottawa sont liés par un traité bilatéral d’extradition et la Cour d’appel de l’Ontario avait jugé en mai que, comme Hassan Diab n’était pas encore citoyen canadien lors des faits allégués, « le Canada est obligé de l’extrader ». Déterminé à obtenir gain de cause devant la Cour suprême, un avocat de Hassan Diab, Donald Bayne, avait alors affirmé que les éléments à charge retenus par la justice française « n’aboutiraient jamais à une condamnation au Canada ».

Le 13 novembre 2014, la Cour suprême du Canada a refusé de se saisir du dossier d'extradition d’Hassan Diab. Ce qui induit l'extradition de ce dernier vers la France par la remise de Hassan Diab âgé de 60 ans aux autorités françaises à Montréal.

Mise en examen
Au matin du 15 novembre 2014, l'avion amenant en France Hassan Diab a atterri à l'aéroport de Roissy. "Escorté par des personnels du service national des transfèrements, le suspect a pris immédiatement la direction de Paris où l'attendait depuis plus de six ans le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic".

Hassan Diab a été mis en examen par le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic pour « assassinats », « tentatives d'assassinats » et « destruction de biens par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire commise en bande organisée », a déclaré Me Stéphane Bonifassi, avocat de Hassan Diab. Le prévenu a été placé en détention provisoire.

Le 12 mai 2016, une juge des libertés et de la détention a considéré qu’un « doute » existait sur la « question fondamentale » de savoir si Hassan Diab était en France le jour de l’attentat, après des auditions du suspect en janvier et de son ancienne épouse plus récemment. Le 14 mai 2016, Hassan Diab, professeur d'université libano-canadien sexagénaire en sociologie, principal suspect de l’attentat de la rue Copernic, est donc sorti de prison "pour un placement sous bracelet électronique. Le parquet de Paris a interjeté appel de la décision" de la juge.

Hassan Diab, "62 ans, professeur d’université en sociologie, a la nationalité libanaise et canadienne. Il a été extradé du Canada en novembre 2014, et mis en examen en France comme auteur présumé de cet attentat qui avait eu lieu devant une synagogue de l’ouest de la capitale. Il a toujours clamé son innocence et contesté son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS), auquel avait été attribué l’attentat". Dans son ordonnance du 9 mai 2016, le juge note que Nawal Copty, ex-première épouse d'origine libanaise d’Hassan Diab, et actuellement cadre supérieure dans une société informatique de la région de San Francisco, a témoigné à Paris en avril 2016. Elle a allégué "qu’il l’avait accompagnée à l’aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980, une date à laquelle le possesseur d’un passeport au nom de Hassan Diab se trouvait déjà en Europe d’après les tampons. Ce passeport est l’une des pièces à charge contre le suspect. Le juge considère que le témoignage est sujet à caution et mérite d’être vérifié, mais qu’il faut en tenir compte". Le Figaro relève un revirement dans l'attitude de Nawal Copty : "Le 24 novembre 2008, elle avait en effet été entendue en Californie, en présence de Marc Trévidic, en vertu d'une commission rogatoire internationale. Elle avait alors refusé de répondre à la plupart des questions, y compris les plus anodines, en invoquant le 5e amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique permettant à un témoin de ne pas s'accuser lui-même dans des conditions pouvant entraîner des poursuites pénales à son encontre aux États-Unis. On lui avait alors précisé que rien ne l'accusait dans le dossier français, qu'elle était entendue en simple témoin et que sa déposition était recherchée à charge et à décharge, Hassan Diab proclamant son innocence. Mais Nawal Copty était restée silencieuse". Pourquoi ? Elle aurait alors suivi les conseils de son défenseur.

Me William Bourdon, avocat de Hassan Diab, a salué des décisions « parfaitement cohérentes par rapport à un dossier dont les charges, modestes dès le départ, se sont très largement amenuisées du fait des dernières auditions ». « Il n’y a strictement aucun risque de fuite. Il sera présent lors de la prochaine audience devant la cour d’appel », où il risque de se voir signifier son retour en prison", « comme il l’a toujours été devant le juge canadien », a déclaré l’avocat.

Conseil de plusieurs parties civiles, Me Bernard Cahen a trouvé qu'il était « scandaleux qu'une mise en liberté ne soit pas signifiée aux victimes ».

« Nous avons appris ce matin par la presse, qu’Hassan Diab, le principal suspect de l’attentat contre notre synagogue le 3 octobre 1980 est sorti de prison et placé sous le contrôle bracelet électronique» indique Jean-François Bensahel, président de la synagogue de la rue Copernic. « Ce qu’un juge a fait, un autre l’a donc défait. Il semblerait qu’au lendemain d’une décision rendue par la Chambre de l’instruction, maintenant en détention Monsieur Hassan Diab, le parquet ait omis d’entreprendre les diligences nécessaires suite à une nouvelle ordonnance du juge de la liberté et de la détention, mettant en liberté Monsieur Diab, sous contrôle judiciaire. La Justice est-elle à ce point dépendante de ceux qui la rendent ? Cette décision est d’autant plus étonnante qu’elle intervient à un moment où la France a prêté son concours à une proclamation révisionniste de l’Unesco. Pour mémoire, l’attentat de la rue Copernic (Paris XVI ème) survenu le vendredi 3 octobre 1980 a fait quatre morts et 46 blessés ».

Dans une autre procédure différente, Jean-Marc Herbaut, juge d’instruction ayant succédé à Marc Trévidic, avait "ordonné sa remise en liberté sous surveillance électronique. Mais le parquet avait fait un référé détention qui avait suspendu cette mesure". Le 13 mai 2016, la chambre de l’instruction avait ensuite confirmé la détention en considérant nécessaire la détention car il s'agissait  :
- d"'assurer [la] représentation en justice [du mis en examen], l'hébergement de Monsieur Diab chez des gens qui ne le connaissent pas étant une garantie insuffisante, d'autant plus qu'il pouvait faire utilisation de ses attaches à l'étranger pour fuir.
- remédier au trouble persistant à l'ordre public s'agissant d'un attentat commis avec explosifs, contre une communauté religieuse, ayant tué quatre personnes et ayant gravement blessé plusieurs autres personnes".

Le 24 mai 2016, la cour d'appel de Paris a ordonné le retour en détention de Hassan Diab, qui avait été remis en liberté il y a dix jours sur décision d'un précédent magistrat. Le 12 mai, "une juge des libertés et de la détention (JLD) avait autorisé sa remise en liberté avec assignation à résidence et sous surveillance électronique, mais le parquet de Paris avait fait appel, d'où l'audience qui s'est tenue mardi. Dans sa décision, la juge considérait qu'un «doute» était posé sur la «question fondamentale» de savoir si Hassan Diab était en France le jour de l'attentat, après des auditions du suspect en janvier et de son ex-épouse plus récemment. «C'est une décision qui est très injuste», a réagi l'avocat d'Hassan Diab, Me William Bourdon. Il a dénoncé «une forme de 'judiciairement correct' en matière de terrorisme». «Sur le fond du dossier, nous sommes absolument convaincus de sa culpabilité. La défense aura du mal à détruire ce dossier», a affirmé un des avocats des parties civiles, Me Bernard Cahen. Il y a un mois, devant le juge d'instruction, son ex-épouse, Nawal Copty, est venue conforter la version d'Hassan Diab. Elle a raconté qu'il l'avait bien accompagnée à l'aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980, une date à laquelle le possesseur d'un passeport au nom d'Hassan Diab se trouvait déjà en Europe d'après les tampons sur le document. Ce passeport, retrouvé dans les effets d'un autre homme arrêté en 1981 à Rome, est l'une des pièces à charge. Y figurent des tampons d'entrée et de sortie d'Espagne avant et après l'attentat. Or, d'après les renseignements obtenus par la DST en 1999, qui mettaient en cause Hassan Diab, les hommes du Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS) ayant commis l'attentat avaient fait étape à Madrid avant la France".

"Quelques jours avant la décision de la JLD, le juge en charge de l'enquête avait aussi accepté une remise en liberté, aussitôt suspendue par le parquet. Et la cour d'appel avait déjà confirmé la détention. Le juge d'instruction relevait que le témoignage de son ex-épouse, bien que tardif et sujet à caution, nécessitait de nouvelles investigations, notamment au Liban, et reposait la question du maintien en détention du suspect. Outre les renseignements de la DST, la demande d'extradition s'appuyait sur la ressemblance du suspect avec des portraits robot de l'époque et sur des comparaisons d'écriture d'Hassan Diab avec une fiche d'hôtel, remplie par l'homme qui avait acheté la moto sur laquelle était installé l'explosif. Des éléments très contestés par la défense".

La "Cour de cassation d'Amman a annulé une décision rejetant l'extradition vers la France du cerveau présumé d'un autre attentat visant la communauté juive, celui de la rue des Rosiers en 1982 à Paris, renvoyant le dossier en première instance. Un tribunal de première instance d'Amman avait rejeté fin octobre l'extradition du Jordanien d'origine palestinienne, Souhair Mouhamed Hassan Khalid al-Abassi, alias Amjad Atta, présenté comme le cerveau de cette attaque contre un restaurant juif qui avait fait six morts. Cette décision avait été validée en appel avant d'être annulée en avril par la cour de cassation".

La "justice française avait émis en 2015 quatre mandats d'arrêts internationaux contre des membres présumés du commando ayant mené l'attentat dont Hassan Khalid al-Abassi, 62 ans, et un autre suspect, lui aussi Jordanien d'origine palestinienne, Nizar Tawfiq Mussa Hamada. La justice jordanienne avait également décidé en première instance de ne pas remettre M. Hamada, 54 ans, «en raison du dépassement du délai de prescription». Cette décision avait été annulée en avril par la cour d'appel. En plus des deux Jordaniens, la justice française recherche Mahmoud Khader Abed Adra, alias «Hicham Harb», 59 ans, qui vit en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël, et Walid Abdulrahman Abou Zayed, alias «Souhail Othman», 56 ans, qui vit en Norvège".

Les 15 avril à 23 h 41, 17 avril à 9 h 59, 21 avril 2017 à 19 h 48, Toute l'Histoire diffusa Rue Copernic, histoire d'un attentat.

Le 28 juillet 2017, les juges d'instruction ont indiqué avoir terminé leur enquête. 

Le 14 novembre 2017, la "remise en liberté du suspect, accordée le 8 novembre 2017 par un juge des libertés, est annulée par la Cour d'appel de Paris. 37 ans après les faits, le principal suspect devrait donc enfin être traduit en justice".

Le 13 décembre 2017, on apprenait que le parquet "a requis le renvoi aux assises de l’unique suspect de l’attentat à la bombe devant la synagogue de la rue Copernic. L’enquête, l’une des plus anciennes à Paris, a attribué l’attentat, non revendiqué, au Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe né d’une scission du FPLP. Les renseignements français avaient identifié Hassan Diab comme celui qui avait confectionné l’engin explosif, caché sur une moto. Extradé en novembre 2014 du Canada, le Libano-Canadien de 64 ans, qui a toujours clamé son innocence, avait été mis en examen et placé en détention provisoire".

"Dans son réquisitoire, le parquet de Paris a estimé que les charges à l’encontre d’Hassan Diab sont « suffisantes », tout en relevant qu’il existe des « doutes » sur sa présence à Paris au moment des faits, qui devront être débattus devant la cour d’assises spéciale. Le parquet relève plusieurs éléments à charge : « Des notes de renseignement convergentes et réitérées », la ressemblance de Diab avec des portraits-robots réalisés à l’époque, la découverte d’un passeport à son nom avec des tampons d’entrée et de sortie d’Espagne, d’où serait parti le commando. Il met aussi en avant les comparaisons faites entre l’écriture de Diab et celle sur une fiche d’hôtel remplie par l’homme qui a acheté la moto, ou encore le témoignage d’un couple mettant en cause le suspect comme appartenant aux groupes palestiniens au début des années 1980".

Mais Hassan Diab "assure qu’il se trouvait à Beyrouth pour passer ses examens à l’université au moment de l’attentat. Il avait donné au juge d’instruction les noms de deux femmes ayant révisé les épreuves avec lui qui ont corroboré sa version".

Son "ex-épouse, Nawal Copty, a également affirmé qu’il était au Liban le 28 septembre 1980, cinq jours avant l’attentat. Or, à cette date, le possesseur du passeport au nom d’Hassan Diab se trouvait déjà en Europe d’après les tampons".

« Les documents de l'université libanaise » et « les témoignages de son ex-épouse et de plusieurs étudiants » ont corroboré sa version, avait souligné son avocat William Bourdon. Il avait dénoncé « un travestissement insensé du dossier » par les parties civiles et le ministère public et avait mis en garde contre «t out fanatisme judiciaire ». La défense d'Hassan Diab a aussi relevé que les notes des services de renseignement accusant le Libano-Canadien « fourmillent d'inexactitudes », ce qu'avaient noté les juges d'instruction. Autre élément à décharge, selon Me Bourdon, « l'absence d'empreintes digitales » d'Hassan Diab parmi toutes celles retrouvées sur plusieurs pièces manipulées par le ou les auteurs".

Ces "éléments avaient conduit le juge d’instruction à « sérieusement douter » que Diab « soit le poseur de la bombe ». Il avait demandé à plusieurs reprises sa remise en liberté avec assignation à résidence et port d’un bracelet électronique. Un juge des libertés et de la détention avait fait la même demande. Mais à chaque fois, le parquet de Paris avait immédiatement fait appel et la cour d’appel avait décidé de prolonger la détention".

Il incombe "aux juges d’instruction de décider d’un renvoi ou non devant la cour d’assises spéciale, composée uniquement de magistrats professionnels".

Non-lieu et remise en liberté
Le 12 janvier 2018, selon France Inter, Hassan Diab a bénéficié d'un non-lieu et sortirait prochainement de prison. « Un certain nombre d'éléments (...) permettent d'estimer qu'Hassan Diab se trouvait vraisemblablement au Liban pendant cette période », ont écrit des juges d'instruction.

"Il s'agit d'une surprise, car le parquet avait requis, en décembre dernier, son renvoi devant une cour d'assises. En décembre 2017, le parquet avait demandé son renvoi devant les assises pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste, tentative d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste, et destruction volontaire de bien par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire en relation avec une entreprise terroriste."

"Les juges d'instruction ont estimé qu'il n'y avait pas de charges suffisantes à l'encontre d'Hassan Diab et ont ordonné sa libération immédiate. Le procureur peut encore faire appel de ce non-lieu, tout comme les parties civiles. C’est alors la cour d’appel de Paris qui tranchera".

"Maître William Bourdon, l'un des avocats d'Hassan Diab, comprend "le besoin de justice qu'ont les victimes", mais il met en garde. Pour lui, "un appel du procureur serait vraiment profondément étranger au droit et aux faits. Il serait une forme de 'judiciairement correct' parce que, peut-être, qu'on n'osera pas reconnaître que la justice s'est trompée, qu'il y a eu erreur sur la personne".

Le Parquet de Paris, qui "avait requis son renvoi aux assises" avait interjeté appel, en rappelant que les « éléments à charge et à décharge » devaient être débattus lors d'un procès.

"C’est avec beaucoup d’émotion et d’incompréhension que nous apprenons que l’unique mis en examen de l’attentat de la rue Copernic bénéficierait d’une ordonnance de non-lieu. Il convient de rappeler que l’attentat de la rue Copernic a été le premier attentat antisémite meurtrier en France depuis la Shoah. Cet attentat a fait quatre morts et une quarantaine de blessés. Il a traumatisé à jamais la communauté nationale. Il a fallu un travail sans relâche des autorités judiciaires et policières pour obtenir trente-sept ans après les faits l’arrestation et l’extradition d’Hassan Diab. L’ULIF-Copernic salue la décision du Procureur de la République qui a demandé le renvoi devant la Cour d’assise spéciale et a interjeté appel de cette décision. Confiante dans la justice française, l’ULIF-Copernic, partie civile, a décidé d’interjeter appel de cette décision. Pour que ce crime qui reste à jamais gravé dans nos mémoires ne demeure pas impuni et que justice soit ainsi faite. C’est le moins que nous devons aux victimes qui restent à jamais dans nos cœurs", a écrit l'ULIF-Copernic dans un communiqué, le 12 janvier 2018.

Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a alors déclaré : « Cette libération sans procès du principal suspect est une injure à la mémoire des victimes et une douleur supplémentaire pour leurs familles ».

Retour au Canada
L'appel n'étant pas suspensif, Hassan Diab était sorti de prison" après avoir passé plus de trois ans en détention provisoire depuis son extradition du Canada en novembre 2014". Il était retourné au Canada en étant accompagné dans l'avion par un représentant de l'ambassade du Canada en France.

Au Canada, il avait critiqué "le régime carcéral" français.

"Justice a enfin été rendue", a déclaré Hassan Diab durant sa conférence de presse du 17 janvier 2018, à Ottawa, et en présence de son comité de soutien. "L’ex-professeur de sociologie à l’université Carleton d’Ottawa a critiqué la loi d'extradition canadienne et le système carcéral français. Il a fustigé une "erreur institutionnelle" ayant mené à son extradition vers la France en 2014 et à son incarcération pendant trois ans. La loi canadienne "est trop fortement déséquilibrée" en faveur de l'extradition de Canadiens à la demande des États, et pas suffisamment "en faveur de la protection de ses propres citoyens", a pour sa part jugé l’avocat de M. Diab, Don Bayne. Pour extrader un Canadien, il faut en effet que le pays de destination soit prêt à tenir un procès. "La France n'a jamais, jamais été prête à tenir un procès pour juger Hassan Diab", et son extradition n'aurait jamais dû être autorisée, a ajouté l’avocat"

En mai 2018, une enquête indépendante a été ouverte au Canada "pour examiner les conditions, contestées, de son extradition".

Enjeux
Dans l'article "Le Canada aux petits soins pour le suspect de l'attentat de la rue Copernic" (Le Figaro, 17 janvier 2018), Jean Chichizola a révélé les "surprenants égards diplomatiques" du Canada et analysé les enjeux de cette affaire.

« C'est un très mauvais message à destination des pays qui, comme dans l'enquête sur l'attentat de la rue des Rosiers en 1982, refusent de coopérer avec la justice française dans des dossiers antiterroristes.» En quelques mots, cet expert résume l'un des enjeux du dernier rebondissement de l'enquête sur l'attentat de la rue Copernic, le 3 octobre 1980, l'une des plus vieilles de l'antiterrorisme français. Paradoxalement, ledit rebondissement n'est pas le non-lieu prononcé le 12 janvier dernier en faveur du suspect, Hassan Diab, par deux juges d'instruction antiterroristes, dont Jean-Marc Herbaut principalement en charge du dossier".

"La décision, s’opposant aux réquisitions du parquet, était en fait attendue depuis des mois, voire des années, par la défense et les parties civiles. Car le magistrat instructeur a cru à l’innocence du suspect canadien d’origine libanaise dès 2015, quand il a repris le dossier instruit par Marc Trévidic. Ce non-lieu n’a toutefois pas conclu l’affaire, et la suite s’est avérée classique : le parquet et les 24 parties civiles ayant fait appel, la décision finale revient à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, qui, dans quelques semaines ou quelques mois, confirmera le non-lieu ou renverra Hassan Diab devant une cour d’assises spéciale. Ces derniers mois, cette même chambre de l’instruction, composée de magistrats du siège, a, statuant sur la liberté provisoire du suspect et non sur le non-lieu, jugé qu’« il existe des indices graves et concordants rendant plausible l’implication d’Hassan Diab dans les faits qui lui sont reprochés ». Mais tout a changé depuis ce week-end, et l’on peut se demander si la prochaine décision de la chambre de l’instruction, quelle qu’elle soit, a encore beaucoup d’importance".

"Le vrai, et peut-être l’ultime rebondissement, de l’affaire Copernic est en effet survenu après le non-lieu, vendredi. Remis en liberté, Hassan Diab, 64 ans, a aussitôt profité de sa capacité de mouvement recouvrée pour prendre l’avion pour le Canada, d’où il avait été extradé en novembre 2014 après six ans de combat judiciaire".

"Pour quitter la France, Hassan Diab, sur lequel pèse toujours le soupçon d’avoir posé dix kilos de pentrite devant une synagogue au nom d’un groupe terroriste palestinien (le FPLP-OS), a bénéficié d’un traitement de faveur. Selon le quotidien Ottawa Citizen, Hassan Diab, dont le nom figurait sur une « no-fly list », est revenu chez lui via l’Islande en utilisant un passeport provisoire, fourni par les autorités d’Ottawa, et accompagné dans l’avion par un représentant de l’ambassade du Canada en France. Il a déclaré que les diplomates canadiens avaient été « magnifiques » : « L’une m’a accompagné jusqu’à Ottawa et sans elle, je ne pense pas que j’y serais arrivé. En Islande, ils n’ont pas compris le passeport temporaire, elle est donc intervenue et leur a expliqué. » L’Ottawa Citizen croit savoir que son départ, « rapide et coordonné avec l’ambassade », s’est déroulé avec « la bénédiction des autorités françaises ». À son arrivée, Hassan Diab a été accueilli, sous les bouquets de fleurs, par sa femme, ses enfants et ses soutiens. Il a donné mercredi une conférence de presse au cours de laquelle il a critiqué la loi d’extradition canadienne et le système carcéral français, estimant que «justice a enfin été rendue». À Ottawa, l’affaire est en tout cas entendue : l’innocence d’Hassan Diab est gravée dans le marbre. Le message pour Paris est des plus clairs : à quoi bon aujourd’hui renvoyer Hassan Diab devant une cour d’assises spéciale et créer des tensions avec le Canada, si l’on sait qu’il restera outre-Atlantique ? En somme, une confirmation du non-lieu serait une façon raisonnable, diplomatique serait-on tenté de dire, de tourner la page… On imaginerait presque qu’Ottawa connaît la décision avant même qu’elle soit prise à Paris".

"L’affaire Copernic va-t-elle se clore par cette version canadienne du « circulez, y a rien à voir », ce pied de nez au système judiciaire français, parquet et chambre de l’instruction mélangés, et aux parties civiles ? Si tel est le cas, l’impression de gâchis prévaudrait. Pour le travail de générations de policiers et de magistrats français qui, de 1980 à nos jours, ont travaillé, refusant obstinément de jeter aux oubliettes, comme l’ont fait nombre de nos voisins, ces « vieilles affaires terroristes » pour mieux dire aux tueurs d’hier, d’aujourd’hui et de demain qu’on ne massacre pas impunément en France. Pour les trente-sept ans d’attente des parties civiles (dix-huit personnes privées, dont des parents de deux des quatre victimes de Copernic, et six associations dont l’AfVT, la Fenvac, la Licra, le Mrap et l’Union libérale israélite de France). Et finalement aussi pour Hassan Diab, jamais tout à fait innocenté, mais soumis depuis près de dix ans à une vie rythmée par les bracelets électroniques canadiens et les cellules françaises".

"Le 29 novembre dernier, le parquet de Paris requérait « la mise en accusation d’Hassan Diab devant une cour d’assises spécialement composée ». Il estimait que « (son) implication dans l’attentat de la rue Copernic repose sur des éléments solides » et considérait comme « nécessaire un examen par une juridiction de jugement et une discussion contradictoire des éléments à charge et à décharge ». Le ministère public résumait ainsi un dossier où, loin de visions caricaturales faisant d’Hassan Diab le coupable idéal ou un martyr de la liberté, les éléments à charge et à décharge s’affrontent, troublants sans toutefois jamais être décisifs. Car le temps a brouillé les souvenirs des témoins et empêché l’utilisation des méthodes modernes (point d’ADN dans ce dossier). Il est pourtant évident que sans éléments à charge, l’affaire Diab n’aurait jamais vu le jour. Et sans éléments à décharge, cet ex professeur de sociologie serait peut-être déjà renvoyé aux assises. En 2007, Hassan Diab déclarait au Figaro qu’il était innocent, qu’il n’avait jamais milité dans des organisations palestiniennes et qu’il était victime d’une homonymie. À l’appui de ses dires, une solide défense d’alibi tendant à établir qu’il ne pouvait être en Europe, et encore moins à Paris, en septembre-octobre 1980, car il passait ses examens au Liban. Son ex-épouse, qui avait refusé de répondre aux questions du juge Trévidic, affirme qu’il l’avait amenée à l’aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980. Parmi les anciens de la faculté de sociologie de Beyrouth, où étudiait Hassan Diab en 1980, quatre témoins déclarent qu’il a révisé les examens avec eux et qu’il n’a pas quitté le pays. L’université de Beyrouth précise enfin que les examens de sociologie ont eu lieu en octobre 1980. En novembre 2016, la chambre de l’instruction avait toutefois noté que le témoignage de l’ex-épouse « n’est en l’état assorti d’aucun élément matériel de preuve » et que « les investigations conduites au Liban ne s’accompagnent pas davantage d’éléments de preuve matérielle indiscutable de (la présence de Diab) au Liban le jour des faits ». L’ordonnance de non-lieu estime pour sa part que ces témoignages et l’attestation de l’université de Beyrouth « permettent d’estimer qu’Hassan Diab se trouvait vraisemblablement au Liban pendant cette période ». Elle balaie en revanche les éléments troublants pour le suspect. Qui demeurent pourtant. Pourquoi l’apolitique Diab est-il décrit par un de ses anciens amis comme un militant propalestinien, engagé au sein du FPLP ? Pourquoi ce même témoin précise-t-il qu’il avait été frappé, en 1980, par la ressemblance entre les portraits-robots du terroriste et son ami ? Comment expliquer que l’apolitique Diab soit très proche d’une femme fortement soupçonnée d’être une activiste propalestinienne ? Pourquoi une de ses ex-petites amies a-t-elle tenu à témoigner spontanément en indiquant qu’il lui avait dit avoir « fait exploser une voiture » ? Pourquoi le passeport d’Hassan Diab est-il retrouvé en 1981 dans les mains d’un activiste palestinien ? Pourquoi ce passeport porte-t-il trace d’un visa espagnol du 17 septembre 1980, d’une entrée et d’une sortie d’Espagne les 20 septembre et 7 octobre 1980 (pour commettre leurs attentats, les terroristes palestiniens avaient pour coutume d’arriver dans un pays tiers avec leur vrai passeport puis de gagner le pays visé avec un faux passeport) ? L’intéressé affirme avoir perdu ce passeport le 12 septembre 1980, tombé de sa moto sur une route libanaise. Comment croire qu’un inconnu ait pu trouver ce document le 12, 13, 14, 15 ou 16 septembre et se précipiter pour se procurer un visa espagnol le 17 septembre sans rien changer au document, à la photo qui y figure ? Et accepter de partir commettre un attentat avec ce document trouvé par hasard quelques jours plus tôt ?"

"Ces éléments, et quelques autres, ont été mis en avant par la chambre de l’instruction pour refuser à plusieurs reprises la remise en liberté du suspect et par le parquet pour demander son procès. Depuis Ottawa, l’ex-professeur n’aura plus à en répondre. Lors de l’interpellation d’Hassan Diab au Canada, en 2008, un ancien policier de la DST commentait l’événement en ces termes : « Il nous faut ne pas oublier, et consacrer du temps et des hommes pour sortir les affaires. » Pour l’heure, l’affaire Copernic semble bel et bien enterrée".

Le 23 janvier 2018, le site InfoEquitable a publié son enquête "Ce qui accuse VRAIMENT Hassan Diab". "Pour justifier leur non-lieu, les deux juges d’instructions Jean-Marc Herbaut et Richard Foltzer soulignent dans leur ordonnance que les charges « se heurtent à trop d’éléments à décharge » et affirment notamment  qu’un certain nombre de témoignages « permettent d’estimer qu’Hassan Diab se trouvait vraisemblablement au Liban », le jour de l’attentat. Cette analyse, vivement contestée par le parquet, vient mettre en pièce l’enquête minutieuse du juge précédent, Jean-Marc Trévidic, qui avait conduit à l’identification et à l’extradition de l’universitaire libano-canadien. InfoEquitable a pu avoir accès aux éléments du dossier mettant en cause Hassan Diab et a décidé de les exposer publiquement".

"Les premiers éléments de l’enquête révélés dès 1980
Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic, à Paris. Quatre personnes sont tuées et quarante-six blessées. La bombe se trouvait dans les sacoches d’une moto garée sur le trottoir à proximité de la synagogue.
Dans les semaines qui ont suivi l’attentat, les enquêteurs sont parvenus à identifier la moto, une Suzuki achetée quelques jours auparavant, le 23 septembre 1980, dans un magasin de l’avenue de la Grande Armée par un individu ayant présenté un passeport chypriote au nom d’Alexander Panadriyu.
L’enquête a établi qu’il s’agissait d’une fausse identité et d’un faux passeport. Les autorités chypriotes ont confirmé que cette identité ne correspondait à aucun ressortissant identifié.

Le suspect a laissé quelques indices sur le territoire français
L’homme porteur du faux passeport au nom d’Alexander Panadriyu a loué une chambre à l’hôtel Celtic, 6 rue Balzac, la nuit du 22 au 23 septembre. Il a rempli une fiche manuscrite qui sera saisie par les enquêteurs et expertisée au cours de l’enquête (voir plus bas).
Par ailleurs, l’individu porteur du faux passeport chypriote au nom d’Alexander Panadriyu avait été interpellé le 27 septembre dans un supermarché du quartier Montparnasse pour une tentative de vol d’une pince coupante (qui a probablement servi à la confection de la bombe).
En raison de la modicité du larcin, il avait été relâché après son interpellation. Mais un vigile du magasin – qui témoignera plus tard dans la procédure – l’a parfaitement identifié.
Grâce aux témoignages des personnes l’ayant aperçu, un portrait-robot du suspect a été réalisé dès le début de l’enquête.
Selon l’enquête, Alexander Panadriyu a quitté la France quelques jours après l’attentat. Très vite, cette enquête s’est orientée vers une piste palestinienne. En raison de la situation internationale et des limites techniques en matière de police scientifique, aucune avancée majeure n’est intervenue pendant plusieurs années.

La relance de l’enquête en 1999
Le 19 avril 1999, la DST adresse au juge d’instruction chargé de l’enquête une note intitulée : « Transmission d’informations récemment recueillies sur l’attentat perpétré le 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris 16ème ».
Se basant sur des informations transmises par le BKA – les services secrets allemands –,  la note indique que l’homme qui a confectionné et déposé la bombe s’appellerait Hassan Diab.
Il serait membre du Front populaire de libération de la Palestine – Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe terroriste palestinien issu d’une scission avec le FPLP.
Toujours selon cette note, Hassan Diab serait arrivé en Europe quelques jours auparavant par un vol Beyrouth-Madrid. Il aurait changé son passeport et pris la fausse identité d’Alexander Panadriyu avant de gagner Paris par le train.
La DST indique ensuite que Hassan Diab aurait quitté le Liban en 1988 pour s’installer aux Etats-Unis puis au Canada où il aurait été naturalisé en 1995.
A l’époque déjà, la DST le suspecte d’avoir commis également un attentat à Anvers le 20 octobre 1981.

Le passeport de Hassan Diab saisi par la police italienne (et les liens avec l’attentat d’Anvers)
Cet épisode et les documents retrouvés qui en découlent constituent l’une des pièces centrales à charge contre Hassan Diab. Il nécessite d’être expliqué avec précision.
Le 8 octobre 1981, un an après l’attentat de la rue Copernic, un ressortissant algérien détenant un passeport au nom d’Ahmed Ben Mohamed est interpellé à son arrivée à l’aéroport de Rome en provenance de Beyrouth.
Son passeport algérien est faux. Dans ses bagages, les policiers saisissent plusieurs autres faux passeports de différentes nationalités ainsi qu’un passeport libanais – authentique, celui-là –  au nom de Hassan Diab.
Ahmed Ben Mohamed refuse de donner la moindre explication sur ce trafic de documents. Après quelques jours de garde-à-vue, il sera relâché et disparaîtra dans la nature. A l’époque, certains pays européens ferment les yeux sur les allées et venues des terroristes moyen-orientaux, estimant que cette tolérance est la meilleure garantie pour éviter que des attentats ne soient commis sur leur sol.
L’enquête italienne établira ultérieurement la véritable identité de Ahmed ben Mohamed : il s’agit Rachid Abd Abou Salem, un ressortissant libanais, membre dirigeant de l’organisation terroriste FPLP-OS.

Le passeport de Hassan Diab témoigne de ses déplacements en Europe dans les années 80
En novembre 2000, les enquêteurs français – apprenant l’existence de cet ancien passeport libanais de Hassan Diab – en demandent communication à la police italienne qui l’a conservé dans ses archives.
L’examen attentif des tampons et des visas de ce passeport va s’avérer riche en renseignements.
Hassan Diab – qui dans les années 80 est étudiant en psychologie à l’université de Beyrouth – voyage beaucoup.
Il s’est rendu notamment en Espagne par un vol Beyrouth-Madrid, le 20 septembre 1980. Il a quitté l’Espagne pour regagner le Liban le 7 octobre 1980.
Contrairement à ce qu’il affirme encore aujourd’hui, Hassan Diab semble se trouver en Europe le jour de l’attentat de la rue Copernic. Son déplacement en Espagne, sur lequel il ne s’est jamais expliqué, correspond de surcroît aux informations recueillies par la DST dès 1999, indiquant que le commando ayant perpétré l’attentat de la rue Copernic était arrivé en France via Madrid.
« L’utilisation de vrais documents pour entrer ou sortir d’un pays frontalier ou proche de celui où l’attentat sera perpétré, avec ensuite remise de faux documents pour circuler dans le pays où l’opération sera réalisée, était la méthode habituelle des organisations terroristes du Moyen-Orient », souligne la DST dans sa note.

La piste de l’attentat d’Anvers
La saisie du passeport de Hassan Diab, le 8 octobre 1981, par la police italienne à l’aéroport de Rome paraît aussi s’inscrire dans ce stratagème.
Un tampon de sortie du Liban, daté du même jour, semble indiquer que le titulaire régulier du passeport l’a utilisé au départ de l’aéroport de Beyrouth. Mais à l’arrivée à Rome, le passeport se trouve dans les bagages d’un individu qui s’avèrera être un haut responsable du FPLP-OS.
Dans le même temps, le passager Hassan Diab demeure introuvable et semble s’être volatilisé entre Beyrouth et Rome.
Quelques jours plus tard, le 20 octobre 1981, l’explosion d’une camionnette piégée devant une synagogue d’Anvers, en Belgique, fait 3 morts et une centaine de blessés.
Depuis que les enquêteurs français ont retrouvé et exploité l’ancien passeport de Hassan Diab, ce dernier n’a donné que des explications incohérentes sur les différents voyages qui y sont mentionnés et sur le fait que le document se trouvait aux mains d’un responsable du FPLP-OS.

L’appartenance de Hassan Diab au FPLP dans les années 80
Les enquêteurs français ont cherché à recueillir les témoignages des personnes ayant fréquenté Hassan Diab au Liban dans les années 80.
Interrogée dès mars 1988, dans le cadre d’une autre procédure française sur la nébuleuse des organisations terroristes libanaises, Sana Salhab, une ancienne étudiante de l’université américaine de Beyrouth, confie avoir rencontré en novembre 1979 Hassan Diab qu’elle désigne comme « ancien membre du FPLP », dont elle était elle-même sympathisante.
Un autre ex-étudiant, Youcef El Khalil, interrogé en octobre 2008, confirme que Hassan Diab « appartenait au FPLP » et se considérait notamment plus proche des dissidents du FPLP-OS. Youcef El Khalil précise  que Hassan Diab était aussi membre du PTSA, « vitrine politique du FPLP sur la scène libanaise ».

Les expertises d’écriture
Lorsque Hassan Diab a été identifié et retrouvé au Canada au milieu des années 2000, des expertises d’écritures ont été ordonnées par la justice. Deux experts ont comparé l’écriture figurant sur la fiche de l’hôtel parisien rédigée par le mystérieux Alexander Panadriyu en septembre 1980, et des documents administratifs remplis par Hassan Diab lors de son émigration aux Etats-Unis en 1987.
Le premier expert estime que les mentions figurant sur la fiche d’hôtel « sont parfaitement compatibles avec les écrits de Monsieur Hassan Diab et ce dernier peut donc tout à fait les avoir rédigées ». Prudent, l’expert estime qu’il s’agit là d’une « hypothèse probable » même si « on ne peut l’affirmer » avec certitude.
Le deuxième expert considère en revanche avoir « trouvé de nombreuses concordances qui permettent de dire que Monsieur Hassan Diab est l’auteur du document (la fiche d’hôtel) ».

L’identification par Philippe Gruselle
Philippe Gruselle est l’ancien vigile du magasin Inno Montparnasse qui avait interpellé Alexander Panadriyu, le 27 septembre 1980, pour le vol d’une pince coupante.
Interrogé au tout début de l’enquête en en 1980, Philippe Gruselle a été réinterrogé le 10 mars 2010, par la brigade criminelle, après l’identification de Hassan Diab.
Il est l’une des rares personnes à avoir vu le poseur de la bombe quelques jours avant l’attentat.
Lors de sa déposition de mars 2010, Philippe Gruselle, qui était alors âgé de 67 ans, a confirmé « avoir gardé un bon souvenir de cette interpellation », car il avait dû maîtriser l’individu avec lequel il s’était battu, « il avait été légèrement blessé en service », il était resté de longues minutes avec le voleur dans un local en attendant l’arrivée de la police et avait accompagné Alexander Panadriyu dans le car de Police secours jusqu’au commissariat.
Les enquêteurs ont alors présenté au retraité un album photographique composé de 33 portraits de 18 hommes différents. Parmi ces documents se trouvaient plusieurs photographies d’Hassan Diab dans les années 80.
Philippe Gruselle a désigné sept photos « présentant des similitudes avec le voleur de la pince coupante ».
Les enquêteurs ont relevé qu’il s’agissait à chaque fois de photographies de Hassan Diab.

L’attitude dissimulatrice la famille de Hassan Diab
En 2009, les enquêteurs français découvrent qu’une partie de la famille de Hassan Diab est établie en France. En décembre 2009, ils adressent des convocations à plusieurs membres de cette famille, aux fins de recueillir leur témoignage, tout en les plaçant sous écoute téléphonique.
Le 29 décembre 2009, une conversation est ainsi interceptée entre l’ex belle-sœur de Hassan Diab et sa fille qui s’inquiètent des raisons de leur convocation et de l’attitude qu’ils entendent adopter.
Au début de la conversation, l’un des interlocuteurs confirme que sa convocation est « en rapport avec les événements des années 80 » et Hassan Diab. L’autre poursuit :
– « Ben ils vont te demander s’il était là, ce qu’il faisait etc quoi… »
– « Oui, ben oui, mais de toute façon… bon, j’ai vu, nous, on était en Guadeloupe à ce moment-là. »
– « Ouais, ben de toute façon, je pense qu’il faut que tu dises que vous n’étiez pas là, un point c’est tout… Ce qu’il faisait, et même s’il était là… un point c’est tout. »
– « Ah ben oui, mais on n’était pas là. »
– « Il faut rien dire qui l’implique. »
–  « Ben nous, de toute façons, on était en Guadeloupe… »
– « Il  faut même pas que tu dises que… il ne faut même pas que tu dises que… que supposer qu’il était là ou là. Il faut rien dire. »
–  « Oh ben non, moi je sais pas. On sait pas du tout ce qu’il en était parce que on savait pas nous. On sait pas du tout… »
Lors de cette écoute téléphonique du 29 décembre, les enquêteurs apprennent que la sœur de Hassan Diab – Sanaa Mortada – qui vit à Beyrouth est en escale de plusieurs jours à Paris avant de reprendre un vol pour le Canada et qu’une rencontre discrète est prévue le lendemain avec la belle-sœur française de Hassan Diab.
Une surveillance discrète permet aux enquêteurs de constater que cette rencontre entre les deux belles-sœurs a lieu dans le hall d’un immeuble du 15e arrondissement de Paris le 30 décembre 2009.
Interrogée à ce sujet le 12 janvier 2010, l’ex-belle-sœur de Hassan Diab déclare dans un premiers temps ne pas avoir de nouvelles de Sanaa Mortada depuis des années et assure ne pas l’avoir rencontrée récemment.
Confrontée aux informations recueillies par les enquêteurs, elle finit par reconnaître sa rencontre du 30 décembre avec la sœur de Hassan Diab. Elle en minimise cependant l’importance en prétendant que cette rencontre a été « totalement anodine ».
« Rien dans les explications de P. C… ne permet de comprendre pour quelle raison Sanaa Diab-Mortada a voulu la rencontrer, ni pour quelle raison P. C… a tout d’abord fait le choix de mentir sous serment au sujet de cette rencontre », ont noté les enquêteurs.

Conclusion
Tous ces éléments provenant du dossier indiquent clairement que – contrairement à ce qu’affirment les deux juges d’instruction qui ont remis Hassan Diab en liberté – les charges à son encontre sont nombreuses, précises et concordantes.
Pour justifier leur ordonnance de non-lieu, les magistrats se sont notamment appuyés sur le témoignage – pourtant très tardif – de l’ex-épouse de Hassan Diab, Nawal Copty, affirmant se souvenir que Hassan Diab était à ses côtés à Beyrouth le jour de l’attentat.
On ne peut que s’interroger sur les raisons qui ont poussé les deux juges à accorder autant de crédit à un tel témoignage pourtant sujet à caution.
Il faut souligner à cet égard que, selon des témoignages rapportés dans dossier des enquêteurs, Nawal Copty est elle-même une ancienne militante du FPLP.
Depuis qu’ils ont pris la succession du juge Jean-Marc Trévidic, les nouveaux magistrats en charge du dossier ont multiplié les démarches pour faire libérer Hassan Diab. A chaque fois, le parquet s’est opposé à cette libération.
Le 10 novembre 2017, lors d’une ultime audience devant la chambre de l’instruction, l’avocat général s’est publiquement déclaré « effaré » de l’attitude des juges d’instructions et de leur propension à « coller aux thèses de la défense ».
Quelques jours plus tard, le 13 décembre, le parquet a requis le renvoi aux assises de Hassan Diab.
En rendant une ordonnance de non-lieu et en remettant Hassan Diab en liberté, les deux juges en ont décidé autrement. Le parquet a fait appel de cette décision. Mais en attendant, Hassan Diab a pu repartir au Canada, renvoyant du même coup aux calendes grecques la tenue d’un éventuel procès en présence du principal accusé."

Demande nouvelle expertise graphologique
Le 26 octobre 2018, la Cour d'appel de Paris devait statuer sur ce non-lieu. Elle a préféré ordonner une nouvelle ou contre-expertise graphologique. Elle s'est prononcée "pour qu'un juge d'instruction antiterroriste fasse réaliser une contre-expertise graphologique d'ici à la mi-février 2019".

« La cour a un doute (...) et elle veut fermer toutes les portes avant de se prononcer. Elle a un doute sur un point qui a fait l'objet de nombreux travaux» et «des experts internationaux ont mis en pièces les expertises initiales. En aucune façon elles ne sauraient constituer un élément à charge contre M. Diab »,  a réagi l'avocat d'Hassan Diab, Me William Bourdon, après ce « nouveau rebondissement qui laisse confiant sur l'issue finale ».

« C'est évidemment une déception. J'espère que ça ne va pas apparaître par la suite comme une sorte de préparation pour les parties civiles à une décision totalement négative. (...) Les preuves, ça se débat devant une cour d'assises, pas au stade de l'instruction où on débat d'abord des charges », a déclaré l'avocat d'une des victimes, Me Eric Morain, à l'AFP cité par Le Figaro.

Cour d'appel
Le 27 janvier 2021, la Cour d’appel de Paris "a renvoyé aux Assises Hassan Diab. La chambre de l’instruction de la Cour d’appel a infirmé le non-lieu rendu en janvier 2018 par les juges antiterroristes au bénéfice de Hassan Diab, un universitaire libano-canadien de 67 ans, accusé d’avoir posé la bombe. Ce dernier, qui clame son innocence, est reparti au Canada après trois années de détention provisoire et mène bataille contre la justice de son pays qui avait autorisé son extradition fin 2014".

« Cette décision (de la cour d’appel, ndlr) est insensée, car elle est totalement contraire au droit et au dossier, et par conséquent ne puise son inspiration que dans le politiquement correct », a réagi sa défense dans une déclaration, annonçant qu’elle allait contester ce revirement devant la Cour de cassation. « Elle censure une décision prise par deux juges d’instruction, dont la motivation extrêmement rigoureuse, était proportionnée aux enjeux et à la gravité de faits. Personne ne peut soupçonner ces magistrats ni de faiblesse ni de naïveté », ont déclaré Mes William Bourdon, Apolline Cagnat et Amélie Lefevbre.

« Je suis contente, cela faisait des années que nous demandions un procès », s’est félicitée Corinne Adler, partie civile venue écouter le délibéré. « Que tout s’arrête là m’aurait beaucoup peiné, pour toutes les victimes dont je fais partie », a déclaré celle qui, adolescente, célébrait sa bat-mitzvah dans le lieu de culte au moment de l’explosion.

« C’est une satisfaction d’obtenir un procès, presque la fin d’un long combat », a salué Me Bernard Cahen, avocat de la synagogue et des familles de deux victimes décédées dans l’attaque. « Si la cour d’assises déclare que M. Diab n’est pas coupable, au moins justice aura été rendue par une décision collégiale et contradictoire », a ajouté l’avocat, toutefois « sceptique » sur les chances d’obtenir une nouvelle extradition de l’accusé. « Mais on va essayer ».

Cour de cassation
Le 19 mai 2021, la Cour de cassation a rejeté « le pourvoi formé par la personne mise en examen contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de Paris qui a infirmé le non-lieu prononcé par les juges d’instruction et qui a ordonné sa mise en accusation. Ainsi, le demandeur au pourvoi est définitivement renvoyé devant la cour d’assises spécialement composée de Paris pour y être jugé sous l’accusation d’assassinats, tentatives d’assassinats et destructions aggravées, en relation avec une entreprise terroriste ».

"Hassan Diab, le poseur de bombe présumé qui aurait agi pour un groupe terroriste palestinien, sera donc jugé par des magistrats professionnels. Dans son pourvoi, sa défense jugeait que les notes de renseignement jouaient un trop grand rôle dans cette affaire et que ses arguments n’avaient pas été assez pris en compte. Dans son arrêt, la Cour de cassation répond que «les informations émanant des services de renseignement, régulièrement versées dans une procédure judiciaire et soumises au débat contradictoire, peuvent être prises en compte» sans fonder à elles seules «une déclaration de culpabilité». Par ailleurs, l’arrêt souligne que la chambre de l’instruction «a répondu aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen, et, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision ».

"Un nouveau combat judiciaire commence. Vivant au Canada, l’accusé sera-t-il présent à son procès, qui n’est pas attendu avant de longs mois? Son avocat canadien, Don Bayne, a demandé au premier ministre canadien, Justin Trudeau, de refuser une seconde extradition. Il a ajouté: «Tout cela se passe en raison de l’intense lobbying de groupes importants et influents en France.» Tout en précisant que ce terme de lobbying visait les parties civiles qui «ont fait pression pour qu’un innocent soit jugé ».

"Á Paris, les défenseurs de Diab, Mes Bourdon, Cagnat et Lefebvre se disent certains que «(son) innocence sera reconnue ». Avocat de l’Association française des victimes du terrorisme, M David Père souligne pour sa part que «plus que jamais les parties civiles restent déterminées et attendent avec impatience une audience qui permettra à la justice de passer». L’une des victimes, Corinne Adler, qui, adolescente, se trouvait dans la synagogue le 3 octobre 1980, s’est déclarée «soulagée et émue. Il était essentiel que cet attentat antisémite donne lieu à un procès, quelle que soit son issue pour l’accusé ».

"Rue Copernic, l’enquête sabotée, 1980-2023"
En mars 2023, L'Artilleur a publié "
Rue Copernic, l’enquête sabotée, 1980-2023" de Clément Weill-Raynal, journaliste, spécialiste des affaires judiciaires et auteur d’un document remarqué, Le fusillé du mur des cons

"Le 3 octobre 1980, une bombe d’une très forte puissance explosait devant la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre personnes furent tuées, des dizaines d’autres blessées. Cet attentat antisémite a suscité une émotion considérable. Pour la première fois en France depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des personnes étaient tuées dans un attentat visant la communauté juive. Dans toutes les villes de France, des manifestations de solidarités furent organisées, jurant que la « bête immonde » du néo-nazisme n’aurait pas le dernier mot".

"Après quarante ans d’enquêtes, les juges français et en particulier le juge Trévidic sont parvenus à identifier le suspect principal. Il se nomme Hassan Diab et militait à l’époque dans un mouvement palestinien radical, le FPLP-OS."

"Pourquoi, plus de quarante ans après l’attentat, l’affaire n’est-elle toujours pas jugée alors que le nom d’Hassan Diab est apparu dans la procédure dès les années 2000 ? Comment expliquer un tel manque d’empressement et de tels errements dans l’une des plus graves affaires de terrorisme que la France a connue ?"

"Le procès d’Hassan Diab aura lieu devant la Cour d’Assises de Paris début avril 2023."

Cour d'assises spéciale
Le 3 avril 2023 s'est ouvert à Paris le procès d'Hassan Diab, absent mais représenté par ses avocats.

Verdict le 21 avril 2023.



Clément Weill-Raynal, "Rue Copernic, l’enquête sabotée, 1980-2023". L'Artilleur, 2023. 304 pages. ISBN : 9782810011056

Jean Chichizola et Hervé Deguine, L’affaire Copernic, les secrets d’un attentat antisémite. Mille et une nuits, 2009. 239 pages. 20 €. ISBN : 9782755501193

Rue Copernic, histoire d'un attentat de Jean Chichizola et Laurent Jaoui
66 minutes
Sur France 2,dans le cadre de l'émission Infra Rouge, le 30 septembre 2010, à 22 h 50

Articles sur ce blog concernant :
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Cet article a été publié en partie dans le n° 624 de mai 2010 de L'ArcheIl a été modifié le 30 octobre 2018.
Il a été publié sur ce blog les 28 septembre 2010, 6 avril 2012, 3 octobre 2013, 7 avril, 16 mai  et 2 octobre et 15 novembre 2014 et 17 avril 2016. La chaîne Toute l'histoire a diffusé les 7, 9 et 10 avril, 3 octobre 2014 et 19 octobre, 19, 21, 22 et 24 octobre 201518, 20, 21 et 23 avril 2016, 30 octobre 2018 à 13 h 02Rue Copernic, histoire d'un attentatdocumentaire de Laurent Jaoui (2010)
- 25 mai 2016, 15 avril et 28 décembre 2017, 30 octobre 2018.

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