vendredi 11 janvier 2019

Une problématique Fondation Casip-Cojasor


La Fondation Casip Cojasor est une organisation juive française qui oeuvre dans le domaine du social. Elle propose des services pour les seniors, des services d'accompagnement "aux familles les plus démunies", des livraisons de repas, etc. Elle abrite aussi un bureau de la Claims Conference. Présidée par Eric de Rothschild et dirigée par Karène Fredj, elle vient d'imposer de "nouvelles directives" privilégiant son "organisation interne" au détriment du bien-être de rescapés de la Shoah souffrant de lourdes pathologies et de leurs aidants, généralement leur famille. 

Une ADIAM problématique
Une problématique Fondation Casip-Cojasor 
Interview d’Hillary Kessler-Godin, directrice de la Communication de la Claims Conference (4/5)

« La solidarité de la communauté juive française, c’est aussi celle d’une solidarité vivante au quotidien, valeur centrale de l’existence juive », a écrit, en 2010, Eric de Rothschild, président de la Fondation CASIP-COJASOR, dans la préface du catalogue de l'exposition au mahJ.

Et de citer Maïmonide : « Le monde est construit sur la solidarité » (Psaumes 89, 3) et « L’un de ses piliers est la bienfaisance » (Maxime des Pères).

Histoire bicentenaire
A l’occasion du centenaire de la Fondation Casip-Cojasor, l'exposition "La solidarité juive, 200 ans d’action sociale, du Comité de bienfaisance israélite de Paris à la Fondation Casip-Cojasor" en 2010 au Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (mahJ) et son catalogue, beau et intéressant, retraçaient « deux siècles d’action menée par la communauté juive française pour aider les plus pauvres », intégrer dans la société française les immigrés juifs d’Europe de l’Est, du Maghreb et du Moyen-Orient. Puisés dans les archives de la Fondation et du MAHJ, des documents – photographies, archives manuscrites, infographies - parfois inédits éclairent ce pan d’histoire méconnu.

Pour désigner l’aide à autrui, l’hébreu recours au vocable tsedaka, souvent traduit à tort par charité. La tsedaka, c’est la justice, la droiture, « l’obligation de rétablir un certain équilibre entre riches et pauvres ».

Au début du XIXe siècle, l’empereur Napoléon 1er confie au Consistoire de Paris la tache de réformer et centraliser les nombreuses sociétés juives de bienfaisance. Ainsi est fondé en 1809 le Comité de bienfaisance israélite de Paris (CBIP).

A partir des années 1830, sous l’impulsion de politiciens, entrepreneurs et financiers philanthropes juifs, diverses institutions juives sont créées : écoles, orphelinats, dispensaires, hôpitaux, maisons de retraite Moïse Léon pour femmes âgées, etc.

Nouvelle étape dans la modernisation du CBIP en 1839. Ce Comité modifie ses statuts, se dote d’outils de contrôle – statistiques, enquêtes, etc. – et de moyens additionnels afin d’augmenter ses recettes : loteries, etc.

A ses 2 000 bénéficiaires, le CBIP distribue des bons alimentaires ou des repas casher, des vêtements, des aides financières pour payer les dots, les loyers ou les dépenses liées aux services funèbres, etc.

En 1887, le Comité est reconnu d’utilité publique. En contrepartie, il abandonne des aides cultuelles qu’il accordait, notamment le don de pains azymes pour Pessah (Nda : Pâque juive) ou les subventions pour les bains rituels (mikvé).

Lors de l’Exposition universelle (1900), le CBOP est distingué par la médaille d’argent du groupe « Economie sociale, hygiène, assistance publique » en raison de son efficacité comme institution charitable.

Puis, le nombre de bénéficiaires augmente avec l’afflux de milliers de juifs ayant fui la misère et les pogroms de l’Europe centrale et orientale à la fin du XIXe siècle, puis l’immigration de coreligionnaires fuyant le nazisme dominant en Allemagne, en Autriche dans les années 1930.

A chaque nouvelle mutation dans la composition de la population aidée, des inquiétudes animent le Comité face à la recrudescence de l’antisémitisme en France.

Sous le régime de Vichy, le Comité est dissout en 1942. C’est l’UGIF (Union générale des israélites de France), créée en 1941, qui récupère les locaux et biens – un patrimoine de 15 millions de francs (près de quatre millions d'euros) - du Comité.

Le Comité est réactivé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour des juifs traumatisés par les années de persécutions antisémites et par la Shoah.

Avec le soutien de l’American Joint Distribution Committee, est créé en 1945 le Cojasor (Comité juif d’action sociale et de reconstruction), né d’initiatives clandestines pendant la guerre. Son but : centraliser l’aide matérielle et morale aux survivants de la Shoah en France. Au fils des ans, le Cojasor se professionnalise – assistantes sociales, etc. – et élargit son action aux réfugiés ayant quitté dans des circonstances éprouvantes le Moyen-Orient, en particulier l’Egypte, et l’Europe de l’Est (Hongrie). Afin d’intégrer les jeunes dans la vie professionnelle, il offre des bourses d’études pour leur apprentissage, accorde des prêts à taux zéro pour les aider à créer leur entreprise, etc. Il gère aussi les maisons de retraite de Nice et d’Aix-les-Bains.

En 1963, le CBIP devient le Comité d’action sociale israélite de Paris (Casip).

Dans les années 1970, le Casip diversifie sa palette d’interventions : hôtel social pour hébergements d’urgence, foyer pour handicapés mentaux, prise en charge du Bureau du Chabbath pour aider à la recherche d’empois de juifs orthodoxes, halte-garderie, etc.

En 2000, les deux institutions fusionnent en une Fondation Casip-Cojasor, active auprès de 20 000 personnes.

Ce livre intéressant de Gabriel Vadnaï, directeur général de la Fondation Casip-Cojasor, et Laure Politis, archiviste, aurait gagné à être doté d’une chronologie.

Comme tous les livres d’associations ou d’entreprises, son esprit critique est quelque peu émoussé ou bridé. Il explique l’exode des juifs du Moyen-Orient, sans évoquer les mesures prises par les autorités politiques arabes dans certains pays, dont l’Egypte, afin de contraindre les juifs à l’exil.

Certes, il montre les résidences d’accueil aux 3e et 4e âges de la Fondation Casip-Cojasor, mais il effleure la période contemporaine, les problèmes actuels affrontés par la communauté juive française, spécifiques ou communs avec leurs concitoyens non juifs. En particulier, l’adaptation à la nouvelle carte géographique d’implantation de la communauté juive francilienne, les aides aux « aidants », etc.

Ajoutons que cette solidarité juive bénéficie aussi aux non juifs.


Parmi les établissements de cette Fondation : la Résidence Claude Kelman de Créteil, une des cinq maisons de retraites communautaires franciliennes. Cet EHPAD (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) dispose d'une synagogue et depuis 2015 d' un Pôle d'activités et de soins adaptés (PASA) qui stimule la mémoire juive des résidents.

Population juive âgée
Sur les 63 millions d'habitants en 2006, près de 13 millions avaient plus de 60 ans. En 2050, un tiers des habitants de l'hexagone aura plus de 60 ans.

En 2020, l'étude d'Erik Cohen évaluait à 500 000 le nombre de Français juifs, et 575 000 en y ajoutant les époux non juifs. Ceux âgés de plus de 65 ans représentaient près d'un cinquième des Français juifs. Environ 56% vivaient à Paris et en région Ile-de-France, et 44% en province, essentiellement en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Alsace et Lorraine, région lyonnaise, et Sud-Ouest. Il y avait environ 35 200 personnes âgées de plus de 75 ans. Celles dépendantes, au nombre de 6 800, devraient atteindre le nombre de 9 800 en 2025.

La population âgée est majoritairement féminine. Près de la moitié des couples juifs français ont des revenus inférieurs à 1 055 euros.

Le coût mensuel d'hébergement ? 1675 euros.

Résidence Amaraggi inaugurée en 2001
Le 12 décembre 2001 a été inaugurée la maison d’accueil pour personnes âgées dépendantes (MAPAD) qui porte le nom de généreux donateurs, Samuel et Jeanne Amaraggi. Dans un cadre juif (synagogue, nourriture cacher contrôlée par le Beth Din de Paris, etc.), cet établissement de la Fondation CASIP-COJASOR assure un hébergement médicalisé et l’accueil de jour.

Étaient présents Joseph Trehel, président de la Commission des affaires sociales du Conseil Régional d’Ile-de-France, représentant Jean-Paul Huchon, président de celui-ci, Eric de Rothschild, président de la Fondation CASIP-COJASOR, Danièle Hoffman-Rispal, adjointe au Maire de Paris chargée des personnes âgées et représentant Bertrand Delanoë, Maire de Paris, Roger Madec, maire du 19e arrondissement et vice-président de ce Conseil, Bernadette Chirac, donatrice au vœu exaucé - une salle porte le nom de Sir Yehudi Menuhin -, Haïm Korsia, secrétaire du Grand rabbin de France, Joseph Sitruk, Georges Amaraggi, Gabriel Vadnaï, directeur général de la Fondation, Andrée Eddi-Valat, directrice de la Résidence, Philippe François, architecte, Catherine Dussieux, décoratrice, des dirigeants de Bouygues et Spie Vitra Immobilier, des résidents et écoliers, etc.

Après des souhaits d’amélioration de l’état de santé de M. Sitruk, M. de Rothschild a remercié les édiles, administrations, donataires, etc. qui ont permis la création de la Résidence « fonctionnelle, conviviale,« alliant liberté - choix des médecins -, égalité - place et parole aux personnes âgées - et fraternité » et décorée des tableaux de Besd. Il prévoit d’autres résidences, notamment pour les handicapés mentaux âgés. Sensibles à cette devise républicaine, les élus ont rappelé la nécessité de « combler le retard dans la construction ou la rénovation d’unités équipées de personnels spécifiques et intégrées dans le paysage urbain ».

Agréée à l’aide sociale, la Résidence est conventionnée par le département de Paris. Dotée de 80 lits, elle dispose d’une équipe adéquate, renforce les liens avec les familles et les relations inter-générations (Éclaireurs Israélites), développe les synergies avec les organismes juifs et non-juifs (école), encourage l’autonomie des résidents, définit des actions particulières pour ceux atteints de la maladie d’Alzheimer, et diversifie les activités, dont le thé dansant, très apprécié...

Maisons de retraite à Aix-les-Bains et à Nice
Plusieurs établissements accueillent à Aix-les-Bains et à Nice les personnes du 3e et du 4e âges. Une évolution des maisons de retraite aux petites unités de soins médicalisés. Reportage réalisé en 2005.

Maintenir les personnes âgées dans leur domicile. Tel est le souhait de ces dernières, de leurs proches et des autorités publiques. Mais, pour rompre la solitude ou apporter les soins médicaux liés à des pathologies lourdes, la Fondation Casip-Cojasor a créé des maisons de retraite fonctionnelles, régies par le judaïsme (éthique, fêtes, nourriture cacher).

A Cimiez, sur les hauteurs de Nice, le foyer-logements « Villa Jacob » offre à 35 résidents des appartements de 25-30 m² avec kitchenettes, orientés vers le sud, vers la mer, dans un cadre moderne, sécurisé et verdoyant. Les résidents y bénéficient de multiples services : nourriture, lingerie, animations, etc. « Ainsi, nous proposons un atelier informatique, un barbecue pour Yom Haatzmaout (jour de l’Indépendance d’Israël) », explique Mikhal Jurit, la responsable de ce foyer.

A Nice et à Aix-les-Bains, plusieurs établissements offrent des services adaptés aux personnes souvent plus âgées et moins autonomes. A Nice, les studios du « Bâtiment Esperanza » sont habités par une vingtaine de personnes valides, la « Résidence Ignace Fink-La Colline » (Nldr : Ignace Fink, ancien directeur du Centre) reçoit des personnes dépendantes, et un immeuble en construction est conçu pour les malades d’Alzheimer. L’ensemble est dirigé par Jean-Jacques Perez. A Aix-les-Bains, des travaux à la Maison de retraite médicalisée « Les Jardins de Marlioz », dirigée par Guy Bursztyn, visent à moderniser les locaux et porter la capacité d’accueil à 80 chambres individuelles.

« Au début, nous avons accueilli les survivants des camps de concentration. Puis, dans les années 1960, les rapatriés âgés et valides d’Afrique du Nord. Nous accueillons maintenant surtout des personnes ayant besoin d’un tiers. La moyenne d’âge est de 87 ans », déclare M. Perez, dont le Centre I. Fink La Colline, « bien noté par le Guide des maisons de retraite », comporte 140 lits.

« La démarche de qualité concerne l’accueil, l’animation, la traçabilité, l’évaluation des prestations. Ce qui implique une charge de travail énorme car les contraintes administratives et juridiques sont lourdes », précise Guy Bursztyn.

« La Colline » est un EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), reconnu par une convention tripartite pluriannuelle Fondation Cosip-Cojasor/DDASS/Etat (2004). Pour pallier la pénurie de personnels qualifiés en France, cette Résidence assure la formation initiale et continue du personnel soignant.

« Parce qu’ils ont été ce que nous sommes, et que nous serons ce qu’ils sont ». Cet adage de M. Perez, un ancien de l’Ecole normale hébraïque, résume le respect à la base de la relation avec les seniors, un élément du triptyque « Respect, bienveillance, bonne traitance ». Les résidents ? Agés de 65 ans à 102 ans, ce sont majoritairement des femmes et souvent des sépharades. On a béni des unions, célébré les noces de diamant et constaté des divorces…

M. Perez emploie 70 personnes dans une maison de retraite médicalisée, avec salon dentaire, de coiffure, bibliothèque, TV, atelier jardinage, pédicurie, animations et un oratoire. Des minibus permettent des sorties. Des rencontres inter générations ont lieu, notamment lors de la kermesse annuelle ou lors des scènes jouées par des écoliers juifs à Pourim. « Les Amis de la Colline », des bénévoles, dont un jeune Allemand effectuant un service civil, sont sélectionnés et formés. Grâce à la « ferme thérapeutique » avec chèvre et volailles les jeunes générations gardent une image de vie, et non seulement de personnes défaillantes.

Les pathologies rencontrées ? « Il n’y a pas de pathologies cardio-vasculaire en raison de l’absence de stress. En majorité, les résidents souffrent d’infections pulmonaires qui provoquent des insuffisances cardiaques, de chutes et fractures du col du fémur, généralement opérées avec ensuite une rééducation par kinésithérapie, et d’accidents vasculaires cérébraux, d’infections urinaires. Nous n’avons eu ni hospitalisation ni décès pendant la sécheresse en 2003. On assure une permanence des soins, jour et nuit. On mise plus sur la vie que sur la fin de vie », explique le Dr Claude Zaoui, médecin coordinateur de l’établissement, ancien cardiologue et gérontologue, qui reçoit les familles sans rendez-vous. Autre atout mis en avant : la distribution informatisée des médicaments par blistères (alvéoles en plastique).

Les problèmes psychiatriques, notamment les maladies neuro-dégénératives (Alzheimer), représentent 75% des admissions d’octogénaires. Aussi, le Dr Zaoui s’est entouré d’une équipe de « psys ».

A Aix-les-Bains, la Maison de retraite médicalisée « Les Jardins de Marlioz » encadre 70 résidents de 60 ans à plus de 95 ans par un médecin-coordinateur, des infirmières, les aides-soignants et d’autres intervenants selon les besoins. Le « Cantou », unité de soins protégée pour 14 personnes désorientées, reçoit le jeudi un psychologue. Vers la mi-2006, un lit d’accueil temporaire hébergera 2 à 4 semaines un malade afin de soulager sa famille. C’est « l’aide aux aidants ». L’accueil de jour est prévu aussi. « Le Cantou » est conçu pour concilier « le besoin de déambuler avec l’indispensable sécurité » (M. Bursztyn).

Pour les résidents, sont prévus des ateliers de mémoire, des groupes de paroles sur l’amitié ou l’arbre, et la venue de bénévoles (lecteurs). Bref, on sollicite leurs souvenirs, on en garde les traces et on favorise leur sociabilité.

Attentif aux animations d’expressions artistiques et créatives, M. Bursztyn développe les actions communes avec d’autres établissements locaux.

Pétries de culpabilité de confier leurs aînés, certaines familles ont besoin d’une aide psychologique. Elles ont également du mal à accepter la dégradation de la fin de la vie, la mort, et se montrent de plus en plus exigeantes. Ce qui implique des efforts vers elles sous la forme de soutien moral ou psychologique, pour répondre à leur grande souffrance, au fait qu’elles ont perdu la maîtrise des soins à leurs parents.

Que souhaiter à ces maisons de retraite ? Une plus grande synergie avec les autres associations juives locales, les médias et associations communautaires, davantage de moyens financiers, l’accord d’autorités publiques afin de regrouper les malades d’Alzheimer en groupes homogènes, et l’amélioration des métiers du social dans la communauté nationale et notamment juive.

"Nouvelles directives"
La Fondation Casip-Cojador abrite un Bureau de la Claims Conference, organisation juive créée en 1951 afin de distribuer les indemnisations financières aux rescapés de la Shoah. Ainsi, la Claims Conference leur alloue des aides financières pour payer des services vitaux nécessaires à leur vie quotidienne à leur domicile.

Les assistantes sociales de la Fondation Casip-Cojasor aident notamment des familles juives de ces rescapés à remplir des dossiers afin de solliciter une aide financière de la Claims Conference.

Exemple. Des rescapés de la Shoah bénéficient de l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie) en fonction de leurs revenus et de leur degré de dépendance. L'APA leur alloue un nombre d'heures consistant à une aide spécifique et effectuée par des femmes de ménage, des auxiliaires de vie chargées de leur toilette ou de leur habillage, etc.

L'APA évalue parfois avec parcimonie le nombre mensuel d'heures accordé aux personnes âgées. Aussi, la Claims Conference les aide financièrement : en autres, en payant un nombre additionnel d'heures d'auxiliaires de vie. Comment fonctionne ce système d'aide ? Le bénéficiaire recourt à une association, agence ou entreprise qui salarie des auxiliaires de vie affectées à son service. Ce prestataire de services facture le travail de ses salariées auprès du Service social de la ville responsable de l'APA et au bénéficiaire. Si celui-ci obtient une aide additionnelle de la Claims Conference, le prestataire de services envoie sa facture correspondant à cette aide complémentaire au bureau de la Claims Conference au sein de la Fondation Casip-Cojasor. Et c'est la Claims Conference qui paie la facture.

Par lettre en date du 12 novembre 2018, la Fondation Casip Cojasor a émis unilatéralement de "nouvelles directives applicables au 1er janvier 2019". Désormais, elle impose notamment à chaque bénéficiaire "un mode unique d’intervention : prestataire, mandataire ou emploi direct (gré à gré)".

Lettre de la Fondation sur ses "nouvelles directives" reçue tardivement en décembre 2018, longues absences d'interlocuteurs au sein de la Fondation, réponses tardives, incomplètes et sèches, attitude perçue comme autoritariste, rigide, déconnectée de la réalité, dépourvue du sens de la négociation et dénuée d'empathie, impression désagréable de bénéficiaires se sentant des balles de ping-pong que se renvoient la Fondation Casip-Cojasor et la Claims Conference... La Fondation Casip Cojasor présente des (dys)fonctionnements préjudiciables aux rescapés de la Shoah et à leurs aidants, généralement leur famille.

Pourquoi imposer un "mode unique d'intervention" ? Voici la réponse de Rachel Guez, Directrice Pôle Seniors – Survivants de la Shoah, le 19 décembre 2018 :
"Nos capacités actuelles et la complexité de gestion et de reporting à laquelle nous sommes soumis par notre financeur la Claims Conference nous contraignent à prendre des décisions visant à rationaliser notre mode de fonctionnement afin de continuer d’aider un maximum de survivants de la Shoah et de victimes juives du nazisme.Ainsi, la gestion multimodale des interventions (parfois plusieurs agences, auxquelles s’ajoutent des contrats de gré-à-gré) génère-t-elle une véritable complexité administrative que nous ne pouvons plus assumer. C’est pourquoi nous avons dû prendre cette mesure privilégiant un mode d’intervention unique."
Résumons. C'est pour des raisons "d'organisation interne", donc administratives, que la Fondation Casip Cojasor a imposé ses "nouvelles directives" et notamment un seul mode d'intervention. Pourquoi ne pas accepter un maximum de deux modes d'intervention ? Car les problèmes qu'affrontent les rescapés de la Shoah et leur famille s'avèrent graves : le turn-over dans les agences prestataires, aussi bien celui du personnel administratif que celui des auxiliaires de vie, est élevé, la formation initiale et continue d'auxiliaires de vie se révèle insuffisante - ce qui implique la participation chronophage et fatigante des aidants (famille) aux missions confiées aux auxiliaires de vie -, les règles d'hygiène élémentaire ne sont pas toujours connues ou/et respectées, etc.

Si le rescapé de la Shoah ou/et sa famille choisissent uniquement une agence prestataire de services, ils voient défiler des auxiliaires de vie, plus ou moins sérieuses et compétentes, mais ont la certitude que cette agence leur enverra des auxiliaires de vie tout au long de l'année, week-ends et jours fériés inclus, et dans les heures qui suivent un appel téléphonique.

Si ce rescapé ou/et sa famille recrutent une auxiliaire de vie par un contrat de gré à gré, ils doivent gérer une logistique : assurer les actes administratifs pour salarier l'auxiliaire de vie, recruter une remplaçante lors des vacances de l'auxiliaire de vie, etc. Quid si l'auxiliaire de vie sérieuse, compétente et gentille est soudainement malade ?

Une combinaison de ces deux modes d'intervention permet de concilier la permanence des services par l'agence et la qualité des soins par le gré à gré.

En imposant un "mode d'intervention unique", la Fondation Casip-Cojasor refuse d'assouplir sa position, par exemple en acceptant un mode d'intervention mixte : recours à une agence et contrat de gré à gré afin d'assurer au rescapé de la Shoah au moins une séance sur deux avec une auxiliaire de vie compétente appréciée. Ce qui libère du temps aux aidants.

Nous souhaitons tous aux rescapés de la Shoah de vivre jusqu'à 120 ans. Mais force est de constater qu'ils sont nombreux à souffrir de pathologies lourdes nécessitant un personnel qualifié et gentil.

Leur nombre se réduit au fil des années. Et il est vraisemblable que dans x années, une grande partie des Français juifs auront quitté la France. A quoi ou à qui servira la Fondation Casip-Cojasor ? Combien de généreux donateurs lui restera-t-il ?

La rescapée de la Shoah ayant demandé un mode d'intervention mixte vient de décéder. On ne peut que regretter la position de la Fondation Casip-Cojasor, qui n'est qu'intermédiaire dans la distribution des fonds de la Claims Conference, et le mutisme de la Claims Conference.

Autre problème. Le 14 décembre 2018, Karène Fredj a déclaré sur Judaïques FM, dans le cadre de l'émission "Les réponses sans tabou" animée par Raphy Marciano : alors que les salariés bénéficient de la mutuelle choisie par leur employeur, "pour les personnes retraitées, il n'y a pas de mutuelle. Nous avons contracté avec une mutuelle qui accepte de prendre des personnes âgées à un prix qui est négocié. Nous participons à la mutuelle, soit à 100% quand les gens n'ont pas les moyens, soit en fonction des revenus des personnes. Et nous complétons pour les frais dentaires, les lunettes, les frais auditifs".

Interrogée sur cette mutuelle, Sarah Benabout m'a répondu : "Il est possible d’instruire une demande d’aide auprès de la Claims Conference sur la base d’un échéancier mensuel pour l’année 2019 à transmettre. La commission statuera sur la suite à donner."

Mais une travailleuse sociale a nié l'existence d'un "service de mutuelle" et incité la famille d'un rescapé de la Shoah à rechercher une mutuelle. Qui dit la vérité ?

Si servir d'intermédiaire de la Claims Conference en fonction des modalités choisies par les rescapés de la Shoah perturbe autant "l'organisation interne" de la Fondation Casip-Cojasor, pourquoi celle-ci ne décline-t-elle pas cette fonction d'intermédiaire ?

Le 9 janvier 2019, j'ai adressé ces questions à la Fondation Casip-Cojasor afin d'avoir les réponses du président Eric de Rothschild et de la directrice Karène Fredj :

1. Comment conciliez-vous ces nouvelles directives,imposées avec les valeurs de la Fondation :
 "Lieu de tolérance, la Fondation Casip-Cojasor exige de ses administrateurs, collaborateurs et usagers le plus grand respect d’autrui...
L’usager bénéficie d’un droit de parole et d’écoute. Ce droit concourt à la qualité relationnelle et à la reconnaissance de la personne dans sa singularité."

2. Pourquoi privilégiez-vous votre "organisation interne" sans égard pour le bien-être des usagers, et ce alors qu'il est rare de bénéficier d'auxiliaires de vie sérieuses et bien formées à Paris ?

3. De quel droit imposez-vous vos directives concernant des sommes allouées par la Claims Conference ?

4. La médiation de la Fondation Casip-Cojasor est-elle indispensable dans les relations des bénéficiaires de la Claims Conference ?

5. La Claims Conference a-t-elle donné son accord concernant ces directives ?

6. La compétence des auxiliaires de vie au sein d'une société est très variable.
Il est impossible pour un particulier de n'employer qu'une seule auxiliaire de vie, car celle-ci doit être remplacée en cas de maladie, congés payés, etc. Et devenir seul employeur est chronophage.
Combiner une société prestataire de services et l'aidant comme employeur s'avère la meilleure combinaison dans l'intérêt de la rescapée de la Shoah et des aidants.
Pourquoi la Fondation Casip-Cojasor n'accepte-t-elle pas un mode d'intervention dual ?

7. Si la personne âgée seule ne peut effectuer les démarches pour chercher une mutuelle, que fait la Fondation Casip-Cojasor ?

Je publierai les réponses dès réception.

Les "migrants" juifs
Le 13 février 2019, le Mémorial de la Shoah et la Fondation Casip-Cojasor organisent le colloque "Accueil, réinsertion et intégration des migrants juifs en France, au Canada, aux USA, en Israël (1938-1970)" avec de nombreux historiens.

Le terme "migrants" s'avère fourre-tout et anachronique. Au XXIe siècle, il a désigné les immigrés illégaux, une catégorie vaste allant de ceux pouvant justifier bénéficier du statut de réfugiés à ceux motivés par l'espoir d'une vie paradisiaque en Occident, via les terroristes islamistes.

Dans ce colloque, il s'agit de réfugiés juifs fuyant le nazisme, de rescapés de la Shoah, de Juifs contraints de fuir des pays Arabes ou/et musulmans, etc.

Le titre du court métrage de Charlie Chaplin réalisé en 1917 s'intitule The Immigrant (L'Immigrant), et non "Le migrant" ou "L'émigrant" car il se plaçait du point du vue de l'étranger sur le point d'arriver en Amérique.


CASIP-COJASOR. 8, rue de Pali-Kao. 75020 Paris. Té. : 01 44 62 13 13
Résidence Amaraggi. 11, bld Sérurier, 75019 Paris. Tél. : 01 53 19 84 84. Fax : 01 53 19 84 93
Maison de retraite médicalisée Les Jardins de Marlioz. 55, avenue du Golf, 73100 Aix-les-Bains. Tél. : 04 79 61 42 56
Foyer logements « Villa Jacob ». 32, avenue du Général Estienne, 06000, Nice. Tel: 04 93 53 00 62
Centre I. Fink La Colline. 181, Route de Saint-Antoine, 06200 Nice. Tél. : 04 93 86 50 90

Gabriel Vadnaï et Laure Politis, La solidarité juive, 200 ans d’action sociale, du Comité de bienfaisance israélite de Paris à la Fondation Casip-Cojasor. Somogy éditions d’art, 2010. 120 pages, 210 illustrations. 25 €. ISBN : 9782757203804

Interview des auteurs du livre par Vincent Lemerre dans Mémoires vives, le 13 juin 2010

Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié le 29 août 2010. Il agrège un article publié sur ce blog le 29 août 2010, et des articles publiés dans Actualité juive en 2002 et L'Arche en 2005. Les citations sont extraites du livre.

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