vendredi 24 septembre 2021

Lisette Model (1901-1983)

Née en Autriche d’un père Juif et d’une mère catholique, Lisette Model  (1901-1983) s’installe à Paris en 1926. Cette musicienne se lance dans la photographie vers 1933. Elle épouse en 1937 l’artiste Evsa Model. Le couple s’installe en 1938 aux Etats-Unis, où Lisette Model enseigne, expose et est publiée par les plus grands magazines (Look, Harper’s Bazaar). Les clichés de cette 
photographe américaine incontournable et enseignante majeure révèlent sa rigueur, son sens de l'épure, son regard critique et son intérêt pour les gens dans les villes. La galerie Baudouin Lebon expose "Sidewalk" de Lisette Model.


Lisette Model est née à Vienne (Autriche) Elise Amélie Félicie Stern. Son père, Victor Stern, était un Autrichien juif aisé, cultivé, rattaché au corps médical de l’armée impériale ; sa mère française catholique. Lisette Stern est baptisée catholique.

Victime de l’antisémitisme, son père change de nom patronymique : la famille s’appelle Seybert lorsque Lisette à 15 mois, en 1903.

Deux ans après la mort du père, la famille s’installe en France en 1926 : la mère choisit Nice. Lisette s’installe à Paris. Elle se destine à une carrière musicale : formée notamment auprès d’Arnold Schönberg, elle prend des leçons de chant avec la soprano Marya Freund. V

Vers 1933, cette musicienne se tourne subitement vers le dessin, la peinture et la photographie. Elle apprend à photographier auprès de Rogi-André, première femme d’André Kertész, qui lui conseille : « Ne prends jamais ce qui ne te passionne pas », puis de Florence Henri en 1937.

Ses reportages paraissent notamment dans Regards, revue soutenue par le Parti Communiste français.

Lisette Seybert rencontre vers 1934-1935 le peintre juif constructiviste d’origine russe Evsa Model qu’elle épouse en 1937 et devient ainsi Lisette Model.

Face à la montée des périls, le couple Model quitte l’Europe - le frère de Lisette Model meurt dans un camp de concentration - et s’installe à New York en 1938.

Au début des années 1940, Ralph Steiner, rédacteur en chef du magazine PM’s Weekly, publie les clichés de Lisette Model sur La Promenade des Anglais et la recrute comme photographe.

Puis, Alexey Brodovitch, directeur artistique de Harper’s Bazaar, lui passe une première commande, dont un cliché devient fameux : Coney Island Bather. Introduite dans les magazines les plus réputés (US Camera dirigée par Ansel Adams), elle rencontre Berenice Abbott à la Photo League, coopérative de photographes défendant la photo comme document social, où elle réalise sa première exposition individuelle aux Etats-Unis en mai-juin 1941.

Elle enseigne à partir de 1949 la photographie documentaire à la California School of Fine Arts (San Francisco) et en 1951 à la New School for Social Research (Université de Columbia, New York) où elle aura comme élève Diane Arbus, Rosalind Solomon et Bruce Weber. Sa directive ? « Photographiez avec vos tripes ».

Lisette Model troque en 1950 son Rolleiflex contre un Leica 35 mm.

En 1975, Gerhard Sander devient son galeriste et assure le tirage de ses œuvres.

En 1978, avec Izis et William Klein, Lisette Model est l’invitée d’honneur des Rencontres internationales de la photographie d’Arles.

Sa curiosité l’amène à aborder des thèmes différents. Mais les urbains demeurent son sujet préféré. En gros plans parfois caricaturaux, Lisette Model saisit des « membres d’extrêmes de l’échelle sociale » (« La Promenade des Anglais », 1934), ou qui ne correspondent pas aux normes de la beauté.

Sensible au rythme et à l'architecture des métropoles, elle saisit aussi les jambes qui arpentent vite les rues (« Running legs », 1939-1942), et des silhouettes ombrées, quasi abstraites (« Ombres », 1940-1945), ou imbriquées dans le décor urbain (« Reflets », 1939-1945). Elle capte les citadins, les « gens dans la ville » : des clochards, des femmes abîmées, un commerçant assoupi, des bourgeois qui s’ennuient, ceux vivant dans des quartiers populaires… Elle s’intéresse à quelques personnes dans cette foule anonyme qui se presse dans les rues new-yorkaises et ne la remarque pas, à ces couples improbables dans les night-clubs ou à ces amants dans les bars.

Ses photos sur les écrans de TV et les affiches déchirées ? Des exemples de la « représentation indirecte », une prudence de cette artiste surveillée par le FBI sous le maccarthysme.

Par ses séries - « Les Champs de courses », « Running legs » (1939-1942), « Reflets » (1939-1945), « Ombres », « Jazz », « Les bars », etc. -, Lisette Model montre des représentants de la société française de la Côte d’Azur – oisifs - et de l’American way of life, de la société de consommation : telles ces femmes captivées par la lingerie qu’elles rêvent de vêtir. Avec rigueur, réalisme, épure. Avec un sens aigu de la critique sociale. Avec une sensibilité à l'expressionnisme.

« Photographe qualifiée de rebelle par ses pairs », Lisette Model recadre ses négatifs pour en renforcer l’intensité, en accroître l’impact immédiat.

On peut regretter qu'aucune photo montrant Lisette Model ne figure parmi les clichés libres de droits pour la presse de l'exposition au Jeu de Paume.

Dans le cadre de la 4e édition de Photo Saint-Germain (7-22 novembre 2015), la galerie Marcilhac présenta l'exposition Lisette Model. 12 photographs, "pour la première fois en France le portfolio de Lisette Model.

"En 1975, Lisette Model (1901-1983) "rencontre Gerhard Sander, le petit-fils d’August Sander, qui l’assiste dans la réalisation d’un portfolio de douze photographies, produit par Harry H. Lunn, Jr. La Galerie Marcilhac présente ce portfolio dans son intégralité."

"Les douze tirages argentiques, tirés sous la supervision de l’artiste, signés et limités à 75 exemplaires, comptent parmi les plus emblématiques de cette artiste iconoclaste, des portraits réalisés sur la côte d’Azur dans les années 1930, à ceux des speakeasy ou du milieu de la mode à New York, en passant par sa série des "Reflections". Également présenté, le célèbre portrait de la baigneuse opulente et hilare (Coney Island Bather) - sa première commande pour Harper’s Bazaar, dirigé alors par Alexey Brodovitch - et qui fera la couverture de sa monographie publiée par Aperture en 1979".

Lisette Model est l'une des photographes mises à l'honneur dans l'exposition Qui a peur des femmes photographes ? 1839 à 1945 présentée en deux parties chronologiques au musée de l'Orangerie et au musée d'Orsay.

"Sidewalk
L
a galerie Baudouin Lebon expose "Sidewalk" de Lisette Model, "figure influente de la photographie du milieu du XXe siècle. Elle disait de la photographie qu’elle est "l’art de l’instant", devise qui va guider son regard tout au long de sa carrière. Cette exposition présente des images provenant d’Europe et des États-Unis, datant des années 1930 à 1970."

"Dès les années 1930, elle se distingue par ses portraits sans concession : femmes et hommes, connaissances et anonymes, fortunés et délaissés, isolés ou dans la foule. Sa photographie frontale dresse des portraits d’un réalisme édifiant de toute la société. À la fin des années 1930, Lisette Model émigre à New York et commence à photographier la ville. Concentrée sur le tempo frénétique qui l’attire particulièrement, elle est fascinée par les passants et la clientèle des bars et des clubs de jazz. À la prise de vue succède le travail en laboratoire, au cours duquel elle recadre ses négatifs afin d’en éliminer tout détail superflu, isoler les volumes afin obtenir des images directes, immédiates, pleines de force et d’humanité."

"Au contact de la ville, la photographie de Model se transforme ; sans délaisser son travail sur le portrait, elle recherche des effets plus graphiques, plus visuels pour évoquer la frénésie urbaine et le trouble qu’elle procure."

"Dans la série Running Legs, elle adopte un point de vue proche du sol, l’objectif placé au niveau des pieds des passants qui, aux heures de pointe, parcourent précipitamment les rues. De sombres silhouettes, des jambes de femmes et d’hommes traversant la rue, marchant sur le trottoir ou montant des escaliers, des jambes anonymes, sans corps, sans visage, recréent parfaitement l’ambiance frénétique de la ville moderne. Tandis que la série Reflections, image du reflet de la ville projetée sur les vitrines, se focalise sur le consumérisme et le désir de consommer. De ces séries se dégagent un style caractéristique, des prises de vues inattendues, remarquablement modernes et épurées. Le sujet de prédilection de Lisette Model n’est pas la ville en soit, mais les habitants des villes ; même dépourvus d’identité, ils sont intrinsèquement liés à sa fascination pour la ville."



Du 8 septembre au 2 octobre 2021
21 rue Chapon. 75003 Paris
Tél. : +33 01 42 72 09 10
Du mardi au samedi de 10 h à 18 h et sur rendez-vous

Du 7 au 22 novembre 2015
A la Galerie Marcilhac 
8 rue Bonaparte - 75006 Paris 

Tél. : +33 (0)1 43 26 47 36
Du mardi au samedi de 10 h à 13 h et de 14 h 30 à 19 h
Vernissage le 6 novembre 2015 de 18 h à 21 h

Jusqu'au 6 juin 2010
Au Jeu de Paume
1, place de la Concorde, 75008 Paris
Tél. : 01 47 03 12 50
Le mardi de 12 h à 21 h, du mercredi au vendredi de 12 h à 19 h, samedi et dimanche de 10 h à 19 h

Visuels :
Lisette Model-Reflections NY-HD

Couverture du catalogue Belmont Park
New York, 1956
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique d’époque. 33,5 x 27,1 cm
National Gallery of Canada, Ottawa, don de la Succession de Lisette Model, 1990, sous la direction de Joseph G. Blum, New York, par l’entremise des American Friends of Canada
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Promenade des Anglais
Nice, 1934
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique d’époque. 43 x 35,5 cm
Fundación MAPFRE, Madrid
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Louis Armstrong
c. 1954-1956
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique d’époque. 27,2 x 34,8 cm
National Gallery of Canada, Ottawa, don de la Succession de Lisette Model, 1990, sous la direction de Joseph G. Blum, New York, par l’entremise des American Friends of Canada
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Coney Island Bather [Baigneuse, Coney Island]
New York, c. 1939-1941
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique d’époque. 50,5 x 40,5 cm
Fundación MAPFRE, Madrid
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Metropole Cafe
New York, c. 1946
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique moderne (1977).
49,5 x 39,7 cm
Fundación MAPFRE, Madrid
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Reflections (Reflets), New York
c. 1939-1945
Lisette Model
Fundación MAPFRE, Madrid
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Running Legs, 5th Avenue [Jambes de passants, 5e avenue]
New York, c. 1940-1941
Lisette Model
Tirage gélatino-argentique moderne (1980).
49,4 x 39,4 cm
National Gallery of Canada, Ottawa, achat 1985
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983).
Used by permission

Lisette Model-Hotel Pierre-HD


Articles sur ce blog concernant :
Cet article a été publié sur mon blog les 1er juin 2010, 4 novembre 2015.

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