Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mercredi 8 janvier 2020

TIM (1919-2002)


Sur son site François-Mitterrand, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a rendu hommage au dessinateur de presse, caricaturiste et sculpteur français TIM, pseudonyme de Louis Mitelberg (1919-2002). Elle présentait une sélection de son œuvre prolifique donnée par sa famille, soit 56 dessins originaux et plus d’une dizaine de carnets de cet artiste, collaborateur des plus grands journaux français et américains. L’occasion d’étudier le « processus créatif et d’apprécier toute la palette graphique » du dessinateur sur des thèmes variés. Article republié pour l'anniversaire de son décès.

De la caricature à l’affiche 1850-1918
Le XXe siècle en quatre-vingts dessins de presse
« Caricaturistes, fantassins de la démocratie », de Stéphanie Valloatto
Qu’est-ce qui fait rire les Européens ?
Traits d’esprit, des images pour ne pas se prosterner

TIM (1919-2002) est l’auteur de « milliers de dessins au crayon, à la plume, à l’encre de chine ou au pastel, des estampes et plus de deux cent cinquante carnets de croquis ».

En 2006, sa famille a donné la quasi-totalité de son œuvre graphique à la BNF qui la conserve dans son département des Estampes et de la photographie.

Une importante sélection de ce patrimoine, éclairée par des textes concis et clairs, est présentée dans le cadre de l’exposition Dessins de presse de Louis-Philippe à nos jours qui s’achèvera le 25 avril 2010, et dans la « Galerie des donateurs », nouvel espace en accès libre situé hall Ouest dédié aux dons et acquisitions remarquables de la BNF, près de l’allée Julien Caïn (1887-1974), ancien administrateur général de la Bibliothèque nationale (1930-1940, puis 1945-1964).

Une carrière internationale
TIM est né en 1919 dans une famille juive de Kaluszyn (Pologne).

Son premier dessin est publié en 1935 dans le courrier des lecteurs de l’hebdomadaire satirique Szpilki (L’épingle), à Varsovie.

Il débute des études d’architectures, mais devant la montée de l’antisémitisme, il se rend, avec l’accord de sa famille, à Paris, en novembre 1938 où il s’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts.

L’hebdomadaire Vendredi et le Bulletin de l’association générale des étudiants Juifs ouvrent leurs colonnes à ses œuvres graphiques.

TIM est mobilisé dans l’armée polonaise en France en 1940, et est fait prisonnier par les Allemands. Détenu au stalag IIB à Hammerstein, il parvient à s’évader, et rejoint les Forces françaises libres à Londres en août 1941. Ce qui lui vaut la Croix de Guerre, la médaille FFL et la médaille des Evadés.

« C’est l’Angleterre qui nous a sauvés dans le sens où elle nous a maintenus dans la guerre : nous avions été battus, mais pas vaincus », se souvient TIM en 2000 En témoigne son dessin d’un Churchill colossal et robuste, au maillot frappé de la date 1940, et qui avance dans l’eau en portant à bout de bras un de Gaulle maigre et mouillé, tandis qu’on aperçoit derrière eux un navire sombrer. Un dessin inspiré d’une « photographie de presse allemande ».

TIM dessine pour le britannique Daily Sketch, France d’abord (Brazzaville), Combat (Alger)… « J’ai dessiné car je ne savais pas faire autre chose. Je trouvais une extraordinaire force dans les dessins satiriques politiques », déclare TIM.

A Brazzaville, il fait la connaissance à l’été 1942 de Philippe Grumbach, qui devient son plus proche ami et dirigera L’Express, et découvre Daumier. Il s’inspire aussi des dessins de Saul Steinberg.

Dès 1945, les dessins de TIM sont publiés par Action (journal issu de la Résistance), puis Libération et à partir de 1952 par le journal communiste L’Humanité avec pour signature son nom patronymique, Mitelberg. TIM est membre du Parti communiste d’avril 1949 à mai 1958. Il rencontre alors le journaliste Jacques Derogy et les dessinateurs de presse Jean Effel et André François.

En 1958, il entre à L’Express où il signe ses dessins TIM. Il devient membre du comité éditorial de l'hebdomadaire, au côté de Raymond Aron, Jean-François Revel, Olivier Todd et Max Gallo, et dessinateur-éditorialiste en 1977.

Quand Le Monde ouvre pour la première fois en 1967 ses pages aux dessinateurs de presse, il choisit un dessin de TIM, illustré d’une phrase extraite d’une conférence du général de Gaulle évoquant quelques mois après la guerre des Six-jours, « le peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » : un déporté juif amaigri dans un camp de concentration.

Cette année-là, TIM est distingué par le Prix de la caricature politique à Montréal.

Il collabore à L'Express, à L'Humanité Dimanche, au Monde, à L’Evènement du jeudi, à Time magazine, à Newsweek, au New York Times, au New Yorker

Caricaturiste, TIM est également sculpteur : auteur en particulier du Monument aux déportés morts à Buna-Monowitz Auschwitz III au Père Lachaise (1993) et de l’Hommage au capitaine Dreyfus (1994), une commande de l’Etat, dont l’original se trouve, non dans la cour de l'École Militaire, mais dans un petit square ombragé du boulevard Raspail (Paris), et dont une copie décore la cour du Musée d’art et d’histoire du judaïsme.

TIM exerce aussi son talent comme illustrateur de romans de Kafka et de Zola (1963-1965).

Il est l’auteur d'Une certaine idée de la France (Tchou, 1969), L’Autocaricature (Stock, 1974), Une décennie dessinée préfacée par Raymond Aron (Albin Michel, 1981).

Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur (1985), il est mort à Paris, à 83 ans, le 7 janvier 2002.

Le musée des Arts décoratifs de Paris et le musée d’art et d’histoire du judaïsme ont présenté une rétrospective de son œuvre, respectivement en 1984 – TIM, 40 ans de politique - et en 2003, TIM, être de son temps.

Daumier, son modèle
« Nos éditoriaux ne résistent pas à l’usure du temps. Il m’arrive d’envier mon compagnon de L’Express. Il commente l’actualité et ses œuvres restent », confia Raymond Aron, rédacteur de 1977 à 1983 à L’Express auquel TIM collabora plus de 30 ans, jusqu'à sa retraite.

TIM commente avec acuité l’actualité. Croque les dirigeants de la Guerre froide : Brejnev, de Gaulle, Margaret Thatcher, le Shah d’Iran… Parodie leurs successeurs. Caricature des artistes. Saisit une situation politique.

Carnets – croquis préparatoires (« Che Pompara » pianiste ou défilant), mises au net - et dessins montrent  la finesse et la justesse du trait de TIM.

TIM adapte son trait au média. Au fil des décennies, il l'affute vers l’épure. La page blanche devient l’écrin du dessin. La plupart des dessins ne comportent aucune légende tant le propos est résumé succinctement, avec force, ironiquement ou dramatiquement, par le trait et la composition. Les images graphiques sont immédiatement « lisibles », compréhensibles du lecteur. Ainsi, cet enfant décharné marchant en s’appuyant sur un bâton. Son dos courbé ressemble à une carte de l’Afrique (L’avenir de l’Afrique sur son dos, 1967-1970).

Homme de conviction et d’engagement, TIM dialogue avec son lecteur qui connaît ses références associant histoire, peinture, littérature, actualité ou publicité : dans Eau de Chirac (v. 1974-1975), le Premier ministre Jacques Chirac adopte la pose du grand couturier Yves Saint-Laurent photographié par Jean-Louis Sieff portant ses seules lunettes.

Les dessins de TIM révèlent des réflexions ou des jugements pertinents, et ses parodies graphiques ses influences ou références picturales.

L’exposition présente, en vis-à-vis, le dessin de TIM, son inspiration et une légende explicative : le président Valéry Giscard d’Estaing, élu Président en 1974, allongé dans un lit de repos, à l’instar de Madame Récamier peinte par David (1800) – ce même tableau inspire le dessin où l’amie de Madame de Staël tourne le dos au visiteur pour regarder le poste de télévision (1970) - ; Georges Pompidou chez Maxim’s (1963) inspiré de Sem (1863-1934) caricaturiste de la Belle Epoque ; le général de Gaulle et Khrouchtchev, Joueurs de cartes (Cézanne) d’une partie aux enjeux stratégiques ; la mort de Malraux (1976) similaire au Tres de Mayo (Goya), en allusion à l’engagement de l’auteur de La Condition humaine lors de la Guerre d’Espagne ; la conversation d’un Mitterrand debout regardant hautain une Marianne assise et attentive d’après Matisse.

Ses dessins et pastiches rendent aussi hommages aux maîtres de la caricature, au premier rang desquels Honoré Daumier.

Un dessin ne semble pas fondé : celui représentant Berlusconi (1994) en descendant du fasciste Mussolini.

Jusqu’au 18 avril 2010
A la BNF François-Mitterrand
Galerie des donateurs
Quai François-Mauriac, 75013 Paris
Entrée libre
Le lundi de 14 h à 19 h, du mardi au samedi 10h à 19h, le dimanche de 13h à 19h

Visuels de haut en bas :
TIM, [François Mitterrand et Marianne, La Conversation, d’après Henri Matisse], mai 1988
BnF, Estampes et photographie
© ADAGP, Paris 2010

TIM, [La mort d’André Malraux ou le Tres de Mayo, d’après Goya] , 25 novembre 1976
BnF, Estampes et photographie
© ADAGP, Paris 2010

A lire sur ce blog :
Cet article a été publié le 14 avril 2010, puis les 7 janvier 2016, 20 janvier 2017, 20 janvier 2018 et 20 janvier 2019.

1 commentaire:

  1. Le stalag IIIB était situé à Furstenberg et non à Hammerstein

    RépondreSupprimer